Déchets ménagers : Pas de solution possible sans phase transitoire, dit Jreissati à « L’OLJ » 

La récente déclaration du ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, sur le nécessaire agrandissement de la décharge de Bourj Hammoud, l’une des deux décharges créées par le gouvernement pour Beyrouth et le Mont-Liban en 2016, a remis sur le tapis la perspective d’une crise des déchets si une alternative aux décharges précocement saturées n’était pas assurée.

Interrogé par L’Orient-Le Jour, M. Jreissati affirme que « le plan préparé par le ministère sera bientôt prêt ». Répondant aux critiques qui lui reprochent déjà d’envisager l’agrandissement d’une décharge aussi controversée, M. Jreissati répond d’emblée qu’« on ne peut envisager aucune solution à long terme sans une phase transitoire, qui ne peut passer pour l’instant que par un agrandissement de Bourj Hammoud-Jdeidé ».

L’autre décharge que visitait le ministre lundi lorsqu’il a fait ses déclarations est celle de Costa Brava (Choueifate, sud de la capitale) : celle-ci est déjà en cours d’agrandissement. Mais celui de Bourj Hammoud est fortement contesté par certains partis politiques, et n’a jamais été décrété. Les décharges ont été saturées précocement en raison de l’insuffisance du tri. En début d’année, l’entrepreneur de Bourj Hammoud, Dany Khoury, avait annoncé que la décharge arriverait à saturation en avril. Mais le ministre de l’Environnement assure à L’OLJ que ce ne sera pas avant septembre.

(Pour mémoire : F. Jreissati : Nous aspirons à traiter 80 % et à n’enfouir que 20 % des déchets)

« Le plan en préparation au ministère comportera la création d’usines de tri et de compostage, ainsi qu’une vision pour les appels d’offres et les adjudications, précise-t-il. Dans notre stratégie, nous proposerons la privatisation du secteur avec découpage du Liban en régions. Le secteur privé serait plus à même de gérer ce service que le secteur public. » Cette dernière idée ne rejoint-elle pas le plan qui avait été proposé par le ministère en 2015, et qui avait échoué après l’annonce du résultat des appels d’offres ? « Nous avons analysé cet épisode pour comprendre les raisons de son échec en ce temps-là », répond-il. Il estime par ailleurs que privatisation ne signifierait pas nécessairement hausse du prix du traitement, puisqu’il y aura plusieurs sociétés à la clé.

On reproche aux premières indications qu’il donne sur le plan prévu par le ministère leur ressemblance avec les plans d’urgence en vigueur depuis plus d’une vingtaine d’années, sans précisions, par exemple, sur l’instauration du tri à la source… « Le tri à la source est à la base de toute solution, il est inévitable et on travaillera là-dessus », souligne-t-il.

Qu’en est-il de la gestion actuelle des décharges ? M. Jreissati a rassuré lundi les Libanais sur la bonne marche des travaux à Costa Brava, affirmant qu’il n’y a pas de contacts des déchets avec la mer, et il assure que la situation « est satisfaisante à Bourj Hammoud également ». Qui effectue les tests sur lesquels il se base dans ses affirmations ? « Ce sont des tests effectués par le ministère pour les deux décharges et non des tests faits par les compagnies », précise-t-il.

(Lire aussi : Pas d’alternatives à l’agrandissement des décharges, affirme Jreissati)

« Temporaire, mais jusqu’à quand ? »
M. Jreissati avoue redouter les dissensions politiques qui pourraient handicaper la recherche d’une solution, notamment en ce qui concerne la phase transitoire dont il parle. En effet, il y a déjà des oppositions qui se profilent. Le député du Metn Élias Hankache (Kataëb) n’a pas tardé à répliquer via Twitter aux déclarations du ministre. Dans son tweet, le député publie le texte d’un accord de principe rédigé à la suite d’une réunion des députés du Metn avec le ministre, où il souligne la phrase qui dit : « Les députés ont exprimé leur réserve quant au choix de l’agrandissement de la décharge. »

« Pourquoi le ministre a-t-il choisi d’opter pour la pire des solutions et pourquoi renier les promesses ? se demande M. Hankache, dans une déclaration à L’OLJ. Il nous dit que c’est temporaire, mais jusqu’à quand ? De plus, le ministre assure que les travaux se passent bien sur le site, mais qu’en est-il des odeurs suffocantes dont souffrent les habitants ? Et des maladies ? »

Le député pense que le ministre actuel ne peut pas se désister de ce qui a été fait avant lui, « d’autant plus que le pouvoir doit compter sur la continuité, et que le ministre précédent faisait partie du même bloc ». Mais alors que faire dans l’urgence, sachant que M. Jreissati parle d’une nécessaire « phase transitoire » ? « Notre proposition est toujours la même, celle de décentraliser le tri des déchets (au niveau des municipalités) et le traitement (au niveau des cazas), explique-t-il. Mais cela reste très difficile à réaliser tant que les fonds des municipalités sont gelés dans la caisse autonome. Or rien n’a été fait en trois ans et demi. »

M. Hankache indique qu’il compte adresser une question au gouvernement, plus particulièrement au ministre de l’Environnement, sur l’agrandissement de la décharge. « Nous avons besoin de savoir quel est le plan prévu, de quel agrandissement on parle, dit-il. Après tout, ils ne peuvent pas arriver jusqu’à Tripoli, n’est-ce pas ? »

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