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Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’Irak, nouvel « eldorado » diplomatique du Moyen-Orient

La stabilité du pays fait l’objet d’un consensus régional et international.

Le président irakien Barham Saleh (droite) et son homologue iranien Hassan Rohani le 11 mars 2019 à Bagdad. Photo AFP

Au cœur de plusieurs lignes de fractures dans la région, entre la Syrie à l’Ouest et l’Iran à l’Est, l’Irak est pour l’instant épargné par les bras de fer régionaux. Une situation que les acteurs internationaux et régionaux tentent d’entretenir en s’efforçant de stabiliser le pays. En témoignent les nombreuses visites diplomatiques, comme celle du président iranien à Bagdad la semaine dernière ou encore celle de son homologue irakien Barham Saleh à Paris fin février et à Ankara en janvier. Tout le monde a intérêt à ce que l’Irak se stabilise. Et pour cause : le pays est stratégique pour la lutte contre le terrorisme, alors que le califat de l’État islamique vit actuellement ses derniers jours mais que de nombreuses cellules dormantes sont présentes en Syrie et en Irak. Il est en outre perçu comme un acteur politique fiable et important, et aussi comme un marché attractif.

La comparaison avec la Syrie est frappante. Alors que les Occidentaux refusent de participer à la reconstruction de la Syrie et de renouer les liens avec Damas en l’absence d’un processus politique, ils tendent la main à l’Irak pour l’aider à tourner la page de l’État islamique.

« L’Irak est un pays qui a le potentiel pour faire partie d’une “success story”. Il a du pétrole, de l’argent et de grandes ressources humaines. Il est par ailleurs stratégique compte tenu de sa position géographique au cœur de la région », explique Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie et membre de l’institut Montaigne, contacté par L’Orient-Le Jour. « L’Irak a été un terrain de confrontation entre les puissances étrangères et surtout d’expansion territoriale et idéologique (…). Maintenant, il n’est plus un acteur passif et il est en train de devenir un acteur capable d’exister par lui-même », ajoute-t-il. Il s’agit par ailleurs, pour les acteurs présents dans le pays, d’éviter qu’il ne retombe dans une nouvelle période sombre de guerre ou de lutte contre le terrorisme. « L’effondrement d’un État amplifie des dangers tels que le terrorisme et les déplacements massifs de populations. Mieux vaut maintenir un État faible, mais fonctionnel », estime pour L’OLJ Heiko Wimmen, spécialiste de l’Irak au sein du Crisis Group. Cette volonté commune de stabilisation du pays n’empêche pas les acteurs impliqués d’avoir des intérêts divergents.


(Pour mémoire : Abdallah II participe au ballet diplomatique à Bagdad)


Chacun sa part

Les États-Unis et l’Iran sont à couteaux tirés et ont tous deux besoin de l’Irak. Téhéran veut consolider sa stratégie régionale et contourner les sanctions économiques dont il fait l’objet, tandis que Washington veut endiguer à tout prix l’influence iranienne dans la région. Les deux rivaux se sont néanmoins accordés pour ne pas faire de l’Irak un champ de bataille en instaurant une sorte de modus vivendi qui s’est matérialisé par la nomination du nouveau Premier ministre Adel Abdel-Mahdi en octobre dernier, ce dernier étant à la fois soutenu par la Maison-Blanche et la République islamique. Les deux puissances jouissent par ailleurs d’un poids conséquent dans le pays. Les États-Unis disposent de plus de 5 000 soldats sur place et ont largement participé à la reconstruction et la consolidation de certaines institutions officielles irakiennes. L’Iran a quant à lui accru son influence grâce à son soutien à des groupes paraétatiques tels que les milices chiites. Ces dernières ont acquis un poids de plus en plus important après être arrivées en deuxième position aux dernières élections législatives de mai 2018. Les deux pays ont également contribué, à leur manière, à la lutte contre le groupe État islamique dans le pays. « Pour les États-Unis, il s’agit de veiller à ce que le pays reste uni, renforcer l’État de droit et interdire le retour de l’EI ou d’autres organisations terroristes. Pour l’Iran, le but est de maintenir le contrôle du pays par le biais de ses supplétifs au sein du gouvernement ainsi que par ses milices et faire en sorte que l’EI ne revienne pas, mais également que les États-Unis et les sunnites n’aient pas trop d’influence dans le pays », ajoute Waël Alzayat, conseiller principal de l’ancienne ambassadrice américaine aux Nations unies, Samantha Power.

La France souhaite de son côté se positionner comme un acteur susceptible d’incarner une troisième voie, un intermédiaire dans la région à travers des problématiques telles que la reconstruction de l’Irak, pour laquelle elle a prêté plus de 400 millions d’euros, mais aussi pour garder des contacts réguliers avec l’Iran, avec qui les rapports sont actuellement en dents de scie.

Ankara tient également à maintenir une entente avec Bagdad, en particulier pour des raisons de sécurité, dans le cadre de sa lutte contre les forces kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qu’il considère comme terroriste. Même si l’aviation turque effectue régulièrement des frappes dans le massif Qandil et dans la région de Sinjar, le Sarayı (palais présidentiel turc) espère une coopération plus étroite avec l’Irak. Le président turc Recep Tayyip Erdogan doit à ce propos effectuer une visite officielle à Bagdad le 31 mars, pour réaffirmer l’entente entre les deux pays et discuter d’éventuelles opérations conjointes dans la région.


(Pour mémoire : En Irak, Pompeo rassure sur le retrait de Syrie et le sort des milices kurdes)


Des marques profondes

Il faudra toutefois plus qu’un simple volontarisme optimiste pour que Bagdad puisse faire face aux nombreux enjeux post-EI.

Économiquement, l’Irak est dans un piteux état. Même si le pays regorge de pétrole, en particulier au Sud (du côté de Bassora), les Irakiens ne peuvent pas en profiter et sont soumis à des conditions de vie difficiles. Le souvenir des manifestations de masse du mois d’août dernier contre l’absence des services publics et la hausse du chômage est toujours présent. À cela s’ajoutent les problèmes de corruption, endémique en Irak, et du logement de la population dans des villes très fortement touchées par les combats contre l’EI et dont il ne reste parfois que des ruines. Bagdad reste enfin sous la dépendance profonde des Iraniens.

À cela s’ajoutent des difficultés politiques. Malgré l’organisation (avec succès) d’élections, la nomination d’un nouveau président (Barham Saleh), d’un nouveau Premier ministre (Adel Abdel-Mahdi) et d’un nouveau gouvernement, le pays n’arrive pas à avancer et à mettre en place les réformes nécessaires à sa « refondation ». Les Américains, qui ont favorisé la reconstruction d’un certain nombre d’institutions politiques irakiennes, restent très influents, sans parler du poids acquis par les milices chiites soutenues par Téhéran au sein de la vie politique du pays.

La question confessionnelle, sans doute la plus épineuse, reste la grande difficulté dans le climat actuel. Dans un pays où la population est à majorité chiite, les sunnites restent en effet marginalisés et quasiment « privés » de représentation politique, ce qui avait largement contribué au succès de l’EI.


Pour mémoire 

A Bagdad, Rohani veut resserrer les liens bilatéraux

Au cœur de plusieurs lignes de fractures dans la région, entre la Syrie à l’Ouest et l’Iran à l’Est, l’Irak est pour l’instant épargné par les bras de fer régionaux. Une situation que les acteurs internationaux et régionaux tentent d’entretenir en s’efforçant de stabiliser le pays. En témoignent les nombreuses visites diplomatiques, comme celle du président iranien à...

commentaires (6)

Une sacrée mayonnaise entre usa et iran . C’est l’image d’un hamburger posé sur un tapis ! Le destin politique et la real politique nous amène à des situations sur le terrain ubuesque .

L’azuréen

22 h 31, le 19 mars 2019

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Commentaires (6)

  • Une sacrée mayonnaise entre usa et iran . C’est l’image d’un hamburger posé sur un tapis ! Le destin politique et la real politique nous amène à des situations sur le terrain ubuesque .

    L’azuréen

    22 h 31, le 19 mars 2019

  • Hahaha nouvel Eldorado ?!?! Alors pq en Syrie il manque de tout ?! Gaz pain essence etc ....

    Bery tus

    14 h 25, le 19 mars 2019

  • Juste une petite remarque, pourquoi se fait il que l'usurpation n'a plus attaquée la Syrie du héros BASHAR EL ASSAD depuis le 25 janvier ? Par amour subit pour la résistance ou bien par couardise de se voir riposté sur l'aéroport usurpateur ??? Nathanmachintruc disait pourtant ne jamais arrêter d'attaquer. Non ?

    FRIK-A-FRAK

    11 h 05, le 19 mars 2019

  • N'en doutez pas une seule seconde L'IRAK A ÉTÉ ARRACHÉE AUX COMPLOTISTES AMERICAINS ET israéliens de haute lutte par l'Iran NPR des griffes de ces prédateurs. AINSI EN SERA POUR LE LIBAN, APRES LA SYRIE, NOUVEAU LIBRE INDEPENDANT ET FORT. PREPAREZ VOUS À ÇA, L'USURPATION NE VIENDRA PLUS JAMAIS SE FROTTER À CETTE RÉSISTANCE VICTORIEUSE.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 43, le 19 mars 2019

  • Pib par habitant de l Irak de 17 000 $ ....celui de la Syrie de 700 $ ....trente fois moins ....dommage que Bush n ait point envahi la Syrie en 2003.

    HABIBI FRANCAIS

    08 h 45, le 19 mars 2019

  • L,IRAK A ETE OFFERT SUR UN PLATEAU D,OR A L,IRAN PAR LES ETATS UNIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 05, le 19 mars 2019

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