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Culture - Exposition

(Re)faire tous les Beyrouth à pied avec Dinah Diwan

À la galerie Janine Rubeiz, les cartographies mentales de Dinah Diwan, qui présente sa « Ville errante »...


« Sunset Park », de la série California, de Dinah Diwan. Acrylique et feutre sur toile (2018 ; 80x123 cm).

Amoureux des cartes topographiques, cette exposition est pour vous ! Amoureux de Beyrouth, aussi. Dinah Diwan, qui, elle-même, répond à ces deux critères, déroule sur les cimaises de la galerie Janine Rubeiz sa libre et vibrante interprétation sur toiles de lin de quelques plans topographiques de la capitale libanaise. Des peintures réalisées à coups de petits traits chromatiques redessinant des quartiers, des rues, des maisons et des jardins qui entraînent le visiteur dans une agréable errance imaginaire en territoires émotionnels et urbains.

Née à Beyrouth, Dinah Diwan y a vécu jusqu’à l’irruption de la guerre en 1975. Cette année-là, elle avait 13 ans. Et elle tenait un journal intime auquel elle confiait ses moindres fait et gestes : les premières amours, les petits chagrins, l’angoisse des examens, les gronderies des parents, les sorties… Et notamment, ces virées en ville sans les adultes, « qu’on vivait, alors, comme des aventures », se souvient avec bonheur cette artiste et architecte installée depuis 6 ans à Los Angeles, après 39 ans passés en France.


Liberté, mixité et libanité
Juillet 1975. Cet été-là, Dinah Diwan est envoyée en vacances chez un oncle en Italie. Le jour de son départ, elle note dans son carnet : « J’ai l’impression de partir pour toujours. » Son pressentiment s’avérera juste. Elle passera sa première année à l’étranger, à Milan, dans l’attente du retour. Elle tentera même d’y poursuivre mentalement son existence beyrouthine. « J’essayais de me rappeler qui était avec moi en classe, comment on était placés, la configuration du quartier où j’habitais, le parcours que je faisais pour me rendre à l’école, chez mes amis, à la piscine du St-Georges, etc. Et je reproduisais inlassablement ces trajets en dessins à l’aquarelle », raconte-t-elle. C’est sans doute de là que vient cette cartographie picturale et émotionnelle qui imprègne son travail artistique. Et notamment la dernière série d’œuvres qu’elle présente à la galerie Janine Rubeiz jusqu’au 4 mai, sous l’intitulé Wandering City. Des toiles à l’acrylique, feutre coloré et (parfois) broderie, justement inspirées du souvenir de ses déambulations d’adolescente dans la capitale libanaise sur lesquelles viennent se superposer ses récentes « dérives psycho-géographiques » à travers la ville.

Car c’est son lien avec un Beyrouth perdu et retrouvé (au début des années 2000) que l’artiste exprime à travers la vingtaine de pièces élaborées au cours de l’année écoulée. Cette ville à laquelle elle a été brutalement arrachée a eu un impact fort sur la construction identitaire de Dinah Diwan. Elle s’en rendra véritablement compte après s’être replongée dans les écrits de ses 13 ans. « En relisant les carnets de cette année-là, j’ai réalisé l’incroyable liberté et mixité dans lesquelles j’avais grandi à Beyrouth. Il n’y avait pas de cloisonnements communautaires et sociaux à cette époque. Enfant, je parlais même arménien grâce aux voisins. À 11 ans, je me déplaçais toute seule, à pied, à vélo, en bus… Et j’avais déjà une conscience de la géographie de la ville. »


De la rue Boustany à Los Angeles
C’est la narration de cette mémoire que l’on retrouve dans ses toiles, ou plutôt ses trajets sur toile, qu’elle entame toujours à partir de la localisation de sa maison d’enfance, rue Sélim Boustany, secteur Sanayeh, pour rejoindre à chaque fois une destination précise : la piscine du Saint-Georges, les bains du Saint-Simon, le Collège protestant où elle était scolarisée… Une mémoire lumineuse et vibrante, vivante et bien ancrée dans le présent. En témoigne cette installation en plexiglas qui occupe l’un des murs centraux de l’exposition réalisée à partir des extraits de ce journal intime de 1975, avec des techniques et des médiums contemporains.

Par la suite, à Milan, Paris ou actuellement à Los Angeles, Dinah Diwan gardera cette prédilection pour les vagabondages urbains, ces dérives psycho-géographiques, selon la formule de Guy Debord qu’elle cite comme l’une des influences majeures de son travail. Et cette manière de retracer mentalement et picturalement les trajets ne l’a jamais quittée.

« Cela fait 25 ans que je travaille dans cette même veine thématique de villes, de jardins, de plans, de Beyrouth… J’ai commencé par élaborer des dessins sur des formats carte postale – en attendant mes enfants durant leurs activités périscolaires – et j’en ai gardé la minutie de la touche. » Sans doute aussi cette aisance dans l’écriture picturale raconteuse d’histoires et de déambulations quotidiennes, qui de Beyrouth à LA se rejoignent, se superposent même dans certaines toiles, par les accointances naturelles, de lumière, de couleurs, de chaos, d’ouverture sur la mer des deux villes.

Une exposition qui se referme sur une seconde pièce différente, mais tout aussi éloquente de la démarche de Dinah Diwan : une calligraphie en néon lumineux de ces mots empruntés à Jacques Derrida : « L’ailleurs est ici. » À découvrir, sans a priori…


Galerie Janine Rubeiz

Wandering City, de Dinah Diwan, jusqu’au 4 mai, immeuble Majdalani, avenue Charles de Gaulle, Raouché.

Tél. : +961-1-868290.


Amoureux des cartes topographiques, cette exposition est pour vous ! Amoureux de Beyrouth, aussi. Dinah Diwan, qui, elle-même, répond à ces deux critères, déroule sur les cimaises de la galerie Janine Rubeiz sa libre et vibrante interprétation sur toiles de lin de quelques plans topographiques de la capitale libanaise. Des peintures réalisées à coups de petits traits chromatiques...

commentaires (4)

J'adore cette mise en image et couleurs de ce Beyrouth vu des années plus tard dans l'imaginaire de cette artiste. J'aurais bien aimé voir et traverser avec elle cette exposition car j'ai des affinités avec elle. J'ai utilisé la façade des vieilles maisons libanaises imaginées de loin, dans des techniques de collagraphie et d'estampe. Ah la nostalgie!

MIRAPRA

22 h 32, le 18 mars 2019

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • J'adore cette mise en image et couleurs de ce Beyrouth vu des années plus tard dans l'imaginaire de cette artiste. J'aurais bien aimé voir et traverser avec elle cette exposition car j'ai des affinités avec elle. J'ai utilisé la façade des vieilles maisons libanaises imaginées de loin, dans des techniques de collagraphie et d'estampe. Ah la nostalgie!

    MIRAPRA

    22 h 32, le 18 mars 2019

  • "à pied, en velo, en bus" en effet une exposition interessante ... La ville de Beyrouth est plutot petite, et j'avais l'impression que je pouvais facilement me promener partout, c'est clair que se promener est la meillieure facon de decouvrir la ville. Je pense pourtant que la derniere chose que le Libanais ferait dans la rue c'est de prendre un plan physique, c'est peut-etre pourquoi cette exposition parle de "cartographies mentales" c.a.d. des plans mentales.

    Stes David

    21 h 14, le 18 mars 2019

  • Chacun a son Beyrouth. Originaire de Jounieh, j'ai travaillé à Beyrouth de 1948 à 1975 date de mon départ du Liban pour la France où je vis toujours. Je me suis rendu au Liban plus de 150 fois, sans jamais "entrer" dans Beyrouth intramuros. Ce qui fait que, je n'ai plus vu la Place Borj, les rues Weygand,, Hoyek, la librairie Antoine, avenue des Français, le café Hamra, le kit Kat, les bains Ondine, le cinéma Rialto, le Bain français de l'amiral Baz... depuis 44 ans.

    Un Libanais

    19 h 07, le 18 mars 2019

  • Moi aussi j'ai parlé l'arménien quand j'étais enfant tous nos voisins étaient arméniens

    Eleni Caridopoulou

    13 h 13, le 18 mars 2019

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