À l’heure où la communauté internationale presse le gouvernement libanais de mettre en œuvre les réformes sur lesquelles il s’est engagé lors de la conférence dite CEDRE, en contrepartie de l’octroi des onze milliards de dollars promis lors de cette réunion tenue à Paris en avril 2018 pour le financement de projets d’infrastructures, la question de savoir comment ces fonds seront déboursés préoccupe déjà les responsables politiques mais aussi certaines chancelleries occidentales.
Le comité de suivi du processus CEDRE n’a pas encore été officiellement formé pour statuer sur cette question, mais plusieurs donateurs interrogés n’excluent pas la possibilité de concevoir un mécanisme unifié qui prendrait la forme d’une structure centralisant la réception des fonds et chargée de les allouer aux établissements concernés en fonction des projets. Tandis que d’autres considèrent que chaque institution internationale dispose de ses propres mécanismes d’allocation de ses fonds ainsi que des processus de contrôle et de suivi de leur bonne utilisation.
Habituellement, la procédure classique voudrait que l’institution donatrice transfère les fonds à la caisse centrale de l’État, gérée par le ministère des Finances, avant que celui-ci ne se charge de les transférer au ministère ou à l’organisme public chargé de la mise en œuvre du projet, explique une source proche du ministère des Finances. Selon nos informations, si plusieurs responsables politiques préfèrent que cette option soit retenue également pour les projets prévus dans le cadre de CEDRE, la communauté internationale réfléchit néanmoins à de nouveaux mécanismes prévoyant davantage de garde-fous pour minimiser les risques de corruption et de détournement de ces fonds.
(Lire aussi : CEDRE : le gouvernement attendu au tournant pour le budget 2019)
« Pas forcément par le ministère des Finances »
Interrogé par L’Orient-Le Jour à ce sujet lors de sa dernière visite au Liban, le diplomate français chargé par le président Emmanuel Macron du suivi du processus CEDRE, l’ambassadeur Pierre Duquesne, avait simplement répondu que ces dépenses seront « inscrites dans le budget de l’État » mais ne passeraient « pas forcément par le ministère des Finances ». Il a aussi rappelé que « chaque donateur avait ses propres procédures de gestion de fonds en toute transparence ».
Quoi qu’il en soit, les donateurs semblent privilégier l’option d’octroyer ces fonds à travers le Haut-Conseil pour la privatisation et les partenariats, l’organe rattaché au Conseil des ministres et chargé de mettre en place les partenariats public-privé. « De par la multiplicité des acteurs impliqués dans la gestion des PPP, conformément à la loi votée en 2017, nous considérons que ce processus garantira plus de transparence », a confié une source proche du dossier à L’Orient-Le Jour. La loi PPP prévoit la création d’un comité de pilotage pour chaque projet PPP, regroupant le secrétaire général du HCPP, le ministre concerné, un représentant du ministère des Finances et le président de l’autorité de régulation du secteur. Des cabinets de conseil juridique, financier et technique sollicités par le comité ainsi que d’autres experts venus de la fonction publique doivent composer le groupe de travail du projet. Mais la question est d’autant plus épineuse que Washington est soucieux de garantir que ces fonds ne pourront en aucun cas bénéficier au Hezbollah, qu’elle considère comme une entité terroriste. Selon nos informations, le parti chiite a déjà fait savoir qu’il n’accepterait pas que les fonds de CEDRE soient transférés par un mécanisme qui contournerait le ministère des Finances, tenu par Ali Hassan Khalil, membre du mouvement Amal, allié du Hezbollah. Or dans un article publié la semaine dernière, la chercheuse et journaliste basée à Washington, Hanin Ghaddar, explique que la seule manière de garantir que « le Hezbollah ne sera pas en mesure de contrôler la façon dont (ces fonds) sont dépensés ou d’entraver les réformes qui y sont associées » serait de s’assurer que « ces fonds soient octroyés par le biais de partenariats public-privé plutôt qu’aux budgets des ministères ». Elle estime par ailleurs que « les organisations internationales ne disposent pas des connaissances nécessaires pour éviter des transactions non intentionnelles avec des institutions affiliées au Hezbollah ».
Une inquiétude balayée par la source proche du dossier précitée qui explique que « l’obsession de Washington au sujet du Hezbollah n’est pas représentative de l’état d’esprit général de la communauté internationale sur ce sujet ». « L’important, pour les donateurs, est de s’assurer de la bonne gestion de ces fonds en garantissant qu’ils ne soient détournés par aucun des acteurs politiques libanais, et non pas spécifiquement par le Hezbollah », précise-t-elle.
Lire aussi
CEDRE : Bruno Foucher s’entretient avec plusieurs nouveaux ministres
CEDRE : la Banque mondiale poursuit ses consultations avec les responsables libanais
Des prêts approuvés et un budget 2019 qui se fait attendre
Situation financière au Liban : quelques clés pour comprendre la fébrilité actuelle
commentaires (6)
Connaissant le taux de corruption incroyable du Liban , il ne faut pas être étonnée . L’aide doit venir au peuple libanais et pas à des organisations ou des boulimiques en tous genres.
L’azuréen
21 h 03, le 15 mars 2019