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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Comment l’administration Trump jongle avec le droit international en faveur de ses alliés

« Les États-Unis adoptent le multilatéralisme quand cela les arrange et l’unilatéralisme quand cela est plus profitable », souligne un spécialiste des relations internationales.

Donald Trump s’exprimant à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le 25 septembre 2018. Timothy A. Clary/AFP

Quand il s’agit de protéger ses alliés, Washington n’hésite pas à adopter des positions en contradiction avec des règles qu’il a lui-même approuvées. Il l’a récemment démontré en votant, le 16 novembre, contre une résolution annuelle (non contraignante) de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’occupation et l’annexion du plateau du Golan par Israël.Les États-Unis, qui avaient l’habitude de s’abstenir dans ce genre de procédure, ont rompu cette tradition pour se prononcer en faveur de leurs alliés israéliens. Le projet de résolution, voté tous les ans à l’Assemblée générale, qualifie de « violation du droit international » toute action d’Israël sur le Golan. Suite au vote, le représentant permanent d’Israël auprès des Nations unies, Danny Danon, a assuré qu’Israël ne se retirerait pas du Golan et affirmé que la communauté internationale devait l’accepter ainsi. L’actuel ambassadeur des États-Unis en Israël, David Friedman, avait déjà affirmé en septembre dernier qu’il ne pouvait pas imaginer que le plateau du Golan ne reste pas sous souveraineté israélienne « pour l’éternité ». « Israël restera pour toujours sur le plateau du Golan qui restera à jamais dans nos mains », a affirmé la semaine dernière le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Les forces de l’État hébreu sont présentes dans cette région depuis la fin de la guerre des Six-Jours de 1967, et l’ont annexée par la « loi du plateau du Golan » le 14 décembre 1981. Cette dernière n’a été reconnue qu’en Israël et avait été déclarée comme « nulle et non avenue et sans effet juridique sur le plan international » par le Conseil de sécurité des Nations unies, y compris par les États-Unis.

Ces derniers ne sont d’ailleurs jamais revenus sur cette question d’un point de vue juridique et condamnent donc toujours, en tout cas théoriquement, cette annexion. Il en va de même pour la question de Jérusalem-Est, conquise en même temps que le Golan en 1967. Cela n’a néanmoins pas empêché Donald Trump de reconnaître la Ville sainte comme la capitale d’Israël le 6 décembre 2017. Le président américain rompait alors avec des décennies de diplomatie prudente de la part de ses prédécesseurs à ce sujet. La communauté internationale s’était par ailleurs dans sa grande majorité élevée face au geste de l’administration Trump, qu’elle a par ailleurs condamné lors d’un nouveau vote en Assemblée générale. Le président américain n’a néanmoins pas renoncé à ses plans et a transféré son ambassade à Jérusalem cinq mois plus tard, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’indépendance de l’État hébreu.


(Pour mémoire : En pleine campagne, Trump veut mettre fin au droit du sol)


« Mépris actif »
Si l’on s’en tient aux résolutions des Nations unies, provenant tant de l’Assemblée générale que du Conseil de sécurité et considérées comme la matrice du droit international, ni Jérusalem-Est ni le Golan n’ont été reconnus respectivement comme capitale et région appartenant pleinement à Israël. Par ailleurs, « une partie des règles de droit émane du Conseil de sécurité. L’article 25 de la charte des Nations unies stipule que tous les États membres sont obligés de suivre les règles et les résolutions du Conseil. Ce sont, toutes, des normes de droit international », explique Manuel Lafont Rapnouil, directeur du bureau de Paris de l’ECFR (European Council of Foreign Relations), contacté par L’Orient-Le Jour.

En d’autres termes, si Donald Trump affirme qu’il n’a agi qu’en fonction de la « réalité du terrain » (à savoir l’occupation israélienne de Jérusalem et du Golan), les États-Unis violent ouvertement les règlements des organismes internationaux d’un point de vue juridique. Le locataire de la Maison-Blanche semble néanmoins n’en avoir que faire du moment que cela satisfait ses alliés. « Dans de nombreux domaines de sa politique étrangère, le président Trump a montré peu d’intérêt, voire même un mépris actif, pour les normes et les institutions juridiques internationales. C’est aussi vrai pour le Moyen-Orient que pour d’autres régions », estime quant à lui Thomas Carothers, spécialiste en politique étrangère à l’institut Carnegie. Mais pour ce qui est plus spécifiquement de la relation avec les organismes internationaux, si Donald Trump a incontestablement inauguré une nouvelle ère dans ce « mépris » à l’égard de ces instances, celui-ci était déjà plus ou moins visible, même avant l’arrivée du milliardaire à la Maison-Blanche.

« Il y a une relation de profonde ambivalence entre Washington et les organismes internationaux. Depuis la fin des années 60, après que les États-Unis se furent souvent retrouvés contraints d’accepter des résolutions qu’ils ne voulaient pas et furent obligés d’opposer leur veto au Conseil de sécurité, un multilatéralisme “à la carte” s’est mis en place. Les États-Unis adoptent l’idée d’un “multilatéralisme” quand cela les arrange et l’unilatéralisme quand cela est plus profitable », développe Guillaume Devin, historien spécialiste des relations internationales au CERI de Sciences Po. Il ajoute également que seuls les États-Unis peuvent agir de la sorte, notamment car ils possèdent la puissance, les ressources et les capacités de se passer des autres. « Les administrations républicaines sont beaucoup plus difficiles que les administrations démocrates qui semblent plus “bienveillantes”. Même si ces dernières ne sont pas prêtes à se soumettre complètement au jeu de la diplomatie onusienne, elles tendent à accepter les compromis, ce qui est beaucoup plus compliqué avec les républicains qui ont tendance à se cabrer et à faire des choses en dehors des Nations unies », complète Manuel Lafont Rapnouil. « Les États-Unis ont toujours eu une interprétation du droit international qui leur laissait une marge de manœuvre nationale et souveraine, y compris de ce que peut dire un organe comme le Conseil de sécurité. Trump remet au goût du jour cette tension historique entre les États-Unis et les Nations unies », conclut-il.


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Quand il s’agit de protéger ses alliés, Washington n’hésite pas à adopter des positions en contradiction avec des règles qu’il a lui-même approuvées. Il l’a récemment démontré en votant, le 16 novembre, contre une résolution annuelle (non contraignante) de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’occupation et l’annexion du plateau du Golan par Israël.Les...

commentaires (4)

Si les États Unis veulent une légitimité internationale et être considérés comme la 1re puissance , ils doivent les premiers respecter , avant toute chose, le droit international et les institutions internationales. La norme supra nationale ratifiée est par définition supérieure à la norme nationale . A défaut, ils seront toujours considérés comme de simples cow boys sans foi ni loi , ne faisant qu’abuser de leur force.

L’azuréen

13 h 05, le 28 novembre 2018

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Commentaires (4)

  • Si les États Unis veulent une légitimité internationale et être considérés comme la 1re puissance , ils doivent les premiers respecter , avant toute chose, le droit international et les institutions internationales. La norme supra nationale ratifiée est par définition supérieure à la norme nationale . A défaut, ils seront toujours considérés comme de simples cow boys sans foi ni loi , ne faisant qu’abuser de leur force.

    L’azuréen

    13 h 05, le 28 novembre 2018

  • LORSQU,ON N,EST PAS BALANCE ET QUE L,ON JOUE AU TRAPEZISTE ON MET EN DANGER LES AUTRES ET ON RISQUE DE SE BRISE LE COU...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    12 h 34, le 28 novembre 2018

  • LA LOI DU PLUS FORT EST TOUJOURS LA MEILLEUR. RIEN À FAIRE. C'EST LA CIVILISATION DE L'HOMME. POUR LE MOMENT CE SONT ISRAEL ET LES USA QUI MÈNENT LA DANSE. ON VERRA QUI VA PRENDRE LA RELÈVE. CHACUN À SON TOUR, À MOINS QUE LA 3ÈME GUERRE SERA LA DERNIÈRE ET VA TOUT BALAYER.

    Gebran Eid

    10 h 51, le 28 novembre 2018

  • C est le privilege de l UNIQUE pays a etre democratique sans interruption depuis sa creation en 1787....

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 23, le 28 novembre 2018

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