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À La Une - Focus

Dans son pays d'origine, nombreux sont ceux à afficher leur soutien à Carlos Ghosn, le "phénix libanais"

Des citoyens lancent une pétition pour la libération du bâtisseur de l'empire automobile Renault-Nissan-Mitsubishi.

Au Liban, de multiples voix se sont élevées pour dénoncer le sort réservé par la justice japonaise à Carlos Ghosn. AFP / JOEL SAGET

Politiciens, citoyens, représentants des milieux d’affaires : au Liban, plusieurs voix se sont élevées et une pétition a été lancée pour soutenir Carlos Ghosn, arrêté le 19 novembre dernier à Tokyo. Dernier soutien en date, le ministre libanais sortant de l'Intérieur, Nohad Machnouk, a affirmé ce lundi que "le soleil du Japon ne brûlera pas le phénix libanais".

Le Libano-Franco-Brésilien, ancien président de Nissan, est soupçonné d'avoir certifié des rapports financiers tout en sachant qu'ils comportaient des inexactitudes concernant ses propres revenus. Il les aurait minimisés d'un milliard de yens par an (7,7 millions d'euros) durant cinq années, selon le bureau du procureur. Des accusations que M. Ghosn dément, selon la presse japonaise. Ce lundi, il a été déchu de son titre de président du conseil d'administration de Mitsubishi Motors, quelques jours après sa révocation de Nissan pour des malversations financières présumées.


(Repère : Motif officiel de l'arrestation, rumeurs... On fait le point sur l'affaire Carlos Ghosn)


Dans un Liban régulièrement en situation de blocage institutionnel, dont la dernière illustration en date est l'incapacité, depuis six mois, des dirigeants politiques à former un nouveau gouvernement, et alors que tous les voyants de l'économie sont passés au rouge, la figure de Carlos Ghosn, homme d'affaires à la réussite insolente et incarnation de ce que la diaspora libanaise peut faire de mieux (jusqu'à son arrestation du moins), résonne d'autant plus fort. En 2017, M. Ghosn avait même eu droit à un timbre, émis par LibanPost, à son effigie.

Carlos Ghosn est d'autant plus apprécié que malgré le fait que sa carrière se soit faite loin des rives de la Méditerranée, il n’en a pas oublié pour autant le Liban de ses multiples origines. M. Ghosn est notamment propriétaire d’une résidence à Beyrouth, dans le quartier d’Achrafié. Cette résidence pourrait être concernée par l'enquête qui vise le Franco-libanais. Au Liban, Carlos Ghosn est également actionnaire, en association notamment par le groupe Debbané-Saïkali, d’Ixsir, la cave vinicole de Batroun fondée en 2008. M. Ghosn est aussi associé au groupe Saradar dans des projets immobiliers notamment, dont le projet Cedrar. Développé par Carlos Ghosn, Mario Saradar et Sandra Abou Nader, le projet, rappelle Le Commerce du Levant, propose la vente de 13 parcelles d’environ 2 000 m2 chacune et 47 chalets, et prévoit la construction d’un hôtel, d’un spa et des restaurants dans la région des Cèdres, au Liban-nord.


"Ça ne sent pas bon"

Dès mardi dernier, soit le lendemain de l’arrestation de M. Ghosn, les ministres libanais sortants des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et de l'Information, Melhem Riachi, s’étaient montrés solidaires du bâtisseur de l'empire automobile Renault-Nissan-Mitsubishi. M. Bassil avait demandé à l'ambassadeur du Liban à Tokyo, Nidal Yehya, de suivre l'affaire et rencontrer M. Ghosn pour s'assurer de son état de santé et des moyens dont il dispose pour se défendre des accusations portées contre lui.
M. Riachi, de son côté, avait appelé le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, à "intervenir au plus vite auprès du gouvernement japonais" dans l’affaire. "L'enquête est importante. Ça ne sent pas bon", avait écrit M. Riachi sur son compte twitter en rappelant que M. Ghosn est d'origine libanaise.

Dans les milieux d’affaires, Fouad Zmokhol, le président du rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais dans le monde (RDCL World), qui représente des entrepreneurs de la diaspora, avait affirmé, la semaine dernière, son "soutien" à l’homme d’affaires. "Il est de notre devoir (...) de le soutenir dans ces moments difficiles", avait déclaré Fouad Zmokhol, ajoutant que l’homme d’affaires franco-libano-brésilien était un "symbole de réussite (…), de persévérance". Lundi, les organismes économiques – OE ; une organisation patronale – ont également publié un communiqué dans lequel ils assurent "croire en l'innocence" de Carlos Ghosn, expriment leur "solidarité" avec lui et espèrent une résolution rapide de l'affaire.



Pétition en ligne

Des citoyens lambda se sont également mobilisés sur Internet, notamment au travers d’une pétition en ligne sur le site Change.org. "Il y a cinq jours, notre compatriote Carlos Ghosn a été séquestré et condamné avant d’être jugé. Le système judiciaire japonais, qui a probablement ses propres lois interdisant à un accusé de faire appel à un avocat durant son interrogatoire, est allé très loin dans son acte de vandalisme. Devrions-nous attendre que le citoyen libanais Carlos Ghosn soit lynché avant que le Liban ne réagisse officiellement et demande au Japon sa libération ? (…) Nous demandons qu’une délégation libanaise de haut niveau aille au Japon aussi vite que possible pour s’enquérir des conditions de détention de ce citoyen libanais, un brillant homme d’affaires, connu pour ses grandes qualités", peut-on lire en introduction de cette pétition. Lundi 26 novembre, à midi, cette pétition avait été signée par plus de 16 000 personnes.

Certains, sur les réseaux sociaux, optaient néanmoins pour l'humour soulignant que rattrapé par les affaires, M. Ghosn était désormais prêt pour assumer les plus hautes fonctions au Liban, un pays gangrené par la corruption. Dans le dernier rapport annuel de l’ONG Transparency International (TI) basée à Berlin, publié en février dernier, le Liban occupe le 143e rang sur 180 pays du monde au classement 2017 de l’indice de perception de la corruption. Dans son rapport, TI estime que le pays du Cèdre a réalisé des progrès "modestes".

D'autres internautes, plus sérieusement, appelaient à attendre les résultats de l'enquête pour se prononcer sur l'affaire ou crier au complot.


(Lire aussi : Renault lance un audit interne pour contrôler les rémunérations de Carlos Ghosn)


Ghosn et le Liban

À de multiples reprises, M. Ghosn a évoqué, par le passé, l’impact que ses racines libanaises auraient pu avoir sur son ascension professionnelle. "J’ai eu la chance d’être confronté à trois cultures. Je suis né au Brésil, j’ai fait mes études scolaires au Liban et j’ai suivi une formation universitaire en France. L’éducation que j’ai reçue au Liban a incontestablement eu un impact positif sur ma carrière", avait-il notamment déclaré lors d’une causerie-débat organisée fin octobre dans le cadre des travaux de la conférence internationale sur la gouvernance mondiale (World Policy Conference, WPC) à Rabat. Il avait notamment évoqué l’importance du pluralisme culturel dans lequel il s’était construit, sur la vie d’un cadre supérieur ou d’une entreprise. Pour illustrer l’impact positif que pourrait avoir un pluralisme culturel dans le développement d’une entreprise, il avait notamment insisté sur le fait qu’au sein du groupe Renault-Nissan-Mitsubishi, il veillait à ce qu’aucune de ces trois entités ne cannibalise l’autre. "Chacune de ces trois entités a sa propre culture, son ADN, qu’il est nécessaire de préserver dans le cadre d’une stratégie globale à plusieurs facettes", avait-il déclaré.


Une histoire familiale sur plusieurs continents

L’histoire de la famille Ghosn se déroule, de facto, sur plusieurs continents. C’est à 13 ans que le grand-père libanais de Carlos Ghosn, Béchara Ghosn, émigre à Rio de Janeiro pour y faire fortune. Né au Brésil en 1954, Carlos Ghosn repart à l’âge de six ans au Liban avec ses parents, Jorge et Rose (surnommée Zetta), une Libanaise née au Nigeria. Il vivra onze ans à Beyrouth, jusqu’à ses 17 ans, où il obtiendra son baccalauréat chez les jésuites du collège Notre-Dame de Jamhour.

Ses études supérieures, il les fera en France, notamment à Polytechnique et aux Mines. Il commence sa carrière chez Michelin, en France, avant de rejoindre Renault en 1996, où il se forge une réputation de "cost killer", puis Nissan, dont il deviendra directeur général en 1999, lors de l’entrée du groupe au losange au capital du constructeur japonais. Il prend, en 2005, une fonction similaire chez Renault, dont il devient, quatre ans plus tard, PDG. Il occupe aujourd’hui encore ce poste, auquel il a été reconduit cette année pour un nouveau mandat de quatre ans.



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commentaires (9)

N'oubliez pas ce qu'ils n'ont pas fait à la seconde guerre mondiale

Eleni Caridopoulou

18 h 53, le 29 novembre 2018

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Commentaires (9)

  • N'oubliez pas ce qu'ils n'ont pas fait à la seconde guerre mondiale

    Eleni Caridopoulou

    18 h 53, le 29 novembre 2018

  • C'est évidement l'independence de Nissan vis a vis de la France qui est jeux. Ghosn fera partie des dommages collatéraux.

    Aboumatta

    14 h 48, le 28 novembre 2018

  • Dites, Monsieur Gebran Bassil, vous êtes-vous "assuré, dernièrement, de l'état de santé" de milliers de vos citoyens ici au Liban...qui n'ont plus de quoi se soigner, ni manger, ni se loger ? Ou êtes-vous de ceux qui ne prêtent qu'aux riches ? Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 28, le 27 novembre 2018

  • Voir mon commentaire dans l’article: motif officiel de l’arrestâtions, rumeurs...on fait le point sur l’affaire Ghosn... Et je maintiens que la cause première serait qu’il commençait à déranger l’establishment japonais, maintenant qu’il a remis Nissan et Mitsubishi sur les rails et qu’ils flairaient une velléité de fusionner le groupe en faveur des français, surtout Renault, dont il était citoyen... D’autant qu’il n’est pas japonais de souche, ne sera jamais citoyen de ce pays assez raciste, intolérant, réservé et qui a un complexe de l’occident: il fallait donc se débarrasser de lui... Mais de cette manière ingrate? C’est vraiment honteux et inique: on le juge coupable, séquestré et déchu de ses fonctions sans aucune forme de procès équitable ni de preuves évidentes de culpabilité criminelle! Plus biaisé que ça?

    Saliba Nouhad

    02 h 34, le 27 novembre 2018

  • C,EST UN COUP MONTE PAR LES RACISTES NIPPONS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 18, le 26 novembre 2018

  • Du grand gangstérisme ces japs qui n'agissent pas seuls croyez moi.

    FRIK-A-FRAK

    16 h 48, le 26 novembre 2018

  • L'Ambassadeur de France a pu rencontrer M Ghosn en prison mais il parait que l'Ambassadeur du Liban n'a pas ete autorise a le rencontrer Si cela est correct qu'attend le ministre des affaires etrangeres a protester aupres du japon et a insister pour cette rencontre aupres de l'ambassadeur du japon au Liban?

    LA VERITE

    15 h 23, le 26 novembre 2018

  • Je lis dans Le Journal du dimanche que Carlos Ghosn a également "beaucoup donné" (à des organisations caritatives ou autres), et même plus que d'autres "grosses fortunes d'origine libanaise comme Carlos Slim". Une piste à creuser pour réhabiliter cet homme dans l'épreuve. L'OLJ mène l'enquête?

    Marionet

    15 h 13, le 26 novembre 2018

  • Cessons de dire ou de croire qu'il faut attendre la fin de "l'enquête" pour avancer la thèse d'un complot ou pas. Les autorités japonaises n'ont pas attendu qu'une enquête se fasse... Et se termine pour mettre en garde à vue avec une telle violence le plus important patron de leur péninsule, pourquoi ? Il s'agit d'un complot, avec un scénario et stratagème rudement préparé ... C'est inacceptable.

    Sarkis Serge Tateossian

    14 h 47, le 26 novembre 2018

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