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Liban - Législatives 2018 - Interview

Geagea à « L’OLJ » : Les deux priorités des FL, la souveraineté et la bonne gouvernance

Samir Geagea. Photo Aldo Ayoub

Dans le cadre de la vaste couverture qu’il assure au processus électoral en cours, L’Orient-Le Jour a pris l’engagement de présenter à ses lecteurs une longue série de portraits et d’interviews express afin de leur permettre de se forger une opinion sur la personnalité et les orientations des différents candidats aux législatives.
Nous poursuivons aujourd’hui la publication d’interviews avec les chefs de parti et les chefs de file des principaux courants qui se disputent l’échiquier politique local. Ces interviews portent sur une approche macropolitique du processus électoral afin d’en dégager les véritables enjeux stratégiques.
L’ossature de ces interviews est la même pour les différents chefs de parti, en ce sens que les questions seront quasi identiques. Les chefs de parti seront ainsi interrogés sur leur évaluation de la loi électorale, les fondements des alliances électorales qu’ils ont conclues, leur perception de l’enjeu stratégique et macropolitique de la bataille électorale et les priorités que leur bloc parlementaire pourrait définir après le scrutin. Après Gebran Bassil et Samy Gemayel, le tour est aujourd’hui au président des Forces libanaises (FL), Samir Geagea.


(Lire aussi : À Beyrouth I, la bataille de Pharaon est « une résonance politique de celle du 14 Mars »)

 * * *
Samir Geagea s’est engagé dans les législatives sans se départir de ses « constantes » stratégiques, même s’il a choisi, « réalisme oblige », et l’accord de Meerab l’aura prouvé, de ne jamais être en marge de « l’arène politique ». Un choix qui ne remet pas en cause ses principes. « Je peux m’opposer au Hezbollah, et intégrer un gouvernement qui l’inclut », dit-il. Et cette approche porte ses fruits. « N’était la présence des FL au sein du cabinet, le Hezbollah, bien qu’opposé au marché des navires-centrales, n’aurait pas été jusqu’à le mettre en échec par crainte de troubler ses rapports avec le Courant patriotique libre (CPL). Sans notre opposition, le plan aurait été approuvé. »
Il reste aussi convaincu que sans l’accord de Meerab, « la blessure chrétienne n’aurait jamais guéri ». Plus qu’une réconciliation « de pure forme », comme l’avait été la visite que lui a rendue Michel Aoun avant sa remise en liberté en 2005, l’accord de Meerab a apporté la preuve « d’une volonté réelle » des FL d’aller vers le CPL. Sans quoi, il aurait été « impensable » pour des candidats qui viennent de quitter le CPL d’intégrer la liste des FL, comme Nehmane Mrad à Kesrouan-Jbeil.
C’est une évaluation sereine qu’il fait également de la réforme électorale.
La nouvelle loi, communément appelée « loi de Georges Adwan (vice-président des FL) », Samir Geagea la défend radicalement. Il part du principe « qu’aucune loi électorale au monde n’a pas de failles ». Il fait ensuite une énumération « réaliste » de ses bénéfices : elle a autorisé « des batailles électorales jusque-là inenvisageables, comme à Baalbeck-Hermel ou dans le Akkar ». Elle a permis de rééquilibrer les batailles du Kesrouan, du Metn et de Baabda.
Elle a aussi le double mérite d’assainir la représentation des chrétiens et de favoriser, au niveau de toutes les communautés, « les candidats qui ont une envergure propre ». À Beyrouth par exemple, sous l’ancienne loi, « Saad Hariri pouvait faire élire à lui seul neuf des dix députés, indépendamment du poids réel de chacun. Il ne peut plus le faire désormais, de la même manière qu’il ne peut plus faire barrage à ses rivaux électoraux, lorsque ceux-ci ont une envergure propre ». Cela vaut aussi pour le Hezbollah.
Il rejette l’idée que le vote préférentiel par caza rapproche la nouvelle loi du projet de loi dit orthodoxe. D’abord parce que le vote préférentiel ne favorise pas que les chrétiens. « Prenez par exemple les druzes à Beyrouth II, qui y ont un siège. Le vote préférentiel leur accorde un poids. » Ensuite parce que le choix, par chaque électeur, du candidat qui aura son vote préférentiel n’obéit pas forcément au critère communautaire, plutôt à « un choix personnel ».
Et c’est sur la base de « l’engagement pour le 14 Mars » que les FL ont choisi leurs colistiers.


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Cohérence des alliances
Samir Geagea en énumère des exemples : à Kesrouan-Jbeil, l’alliance FL-Parti national libéral-Bloc national ; dans le Nord III, FL-Kataëb-Gauche démocratique-indépendants ; à Zahlé, FL-Kataëb ; sans oublier la bataille menée à Baalbeck-Hermel et dans le Sud III aux côtés de chiites indépendants.
Preuve supplémentaire de sa constance sur les positions souverainistes, il dit « n’avoir pas hésité une seconde à s’allier avec la Gauche démocratique » et avoir décliné des alliances avec des figures ne souscrivant pas au projet du 14 Mars. Il regrette par ailleurs certaines alliances qui n’ont pas eu lieu avec les Kataëb, et qu’il aurait souhaitées, notamment à Baabda. « Cette alliance leur aurait permis de remporter un siège », dit-il.
Il regrette aussi l’échec d’une alliance avec le député sortant Dory Chamoun qui, bien que sollicité à plusieurs reprises par les FL, a choisi de ne pas mener la bataille en contestation de la nouvelle loi. Il n’empêche que des alliances FL-PNL ont été possibles, comme au Kesrouan avec Ziad Hachem. Dans le Chouf, une alliance avec Camille Chamoun aurait été possible s’il avait présenté sa candidature plus tôt, dit-il.
Samir Geagea s’attarde sur ses alliances avec les chiites indépendants dans des fiefs du Hezbollah. Dans le Sud III, un candidat FL au siège grec-orthodoxe, Fady Salamé, s’est rallié à la liste incomplète du journaliste Ali el-Amine – qui avait été récemment passé à tabac par des éléments du Hezbollah dans son village à Bint Jbeil. Les FL ont d’ailleurs appelé leurs partisans à accorder leur vote préférentiel à Ali el-Amine.


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La tournée récente de Gebran Bassil dans le Sud III, où il a formé une liste avec le Futur et des chiites non opposés au Hezbollah, et ses appels aux habitants à prêter allégeance à « la présidence forte » plutôt qu’à ceux qui les contraignent de les appuyer (en allusion à Amal) ont été perçus par plusieurs habitants chiites, indépendamment de leurs affinités, comme « une tentative de brusquer leur environnement ». Ces derniers auraient en revanche été positivement surpris par l’attitude des FL qui mènent leur bataille « dans le respect de l’environnement où elles se déploient ». Interrogé sur ce point, Samir Geagea répond succinctement en dénonçant « la provocation ». « Ce n’est pas par la provocation qu’on obtient ce qu’on veut. C’est là la source de notre différend avec Gebran Bassil », dit-il, en revenant aussi sur la tournée électorale du chef du CPL dans la Montagne et ses critiques chroniques de la réconciliation druze-chrétienne d’août 2001.
À Baalbeck-Hermel, Samir Geagea met en avant la bataille menée par son candidat au siège maronite, Antoine Habchi, mais dit reconnaître, en réponse à une question, que la percée la plus symbolique serait au niveau du siège chiite. « Notre liste est d’ailleurs présidée par Yehya Chamas », fait-il remarquer, en se disant satisfait de ce choix – dont le courant du Futur a pris l’initiative. « Il a un pouvoir mobilisateur et le soutien de toute une tribu », pour faire contrepoids aux méthodes d’intimidation du Hezbollah.


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Rapports avec les indépendants
Si Samir Geagea n’a pas perdu le cap sur le 14 Mars, il ne s’est pas allié toutefois avec des figures indépendantes qui auraient pu lui être d’un soutien stratégique, comme le député sortant Boutros Harb, Farès Souhaid ou encore Michel Moawad. Interrogé sur ce point, il relève que d’autres figures indépendantes, « comme celles que vous mentionnez », ont intégré des listes aux côtés des FL, comme Michel Pharaon (Beyrouth I), Ziad Hawat (Jbeil) ou Anis Nassar (Aley).
 « D’aucuns prétendent que nous excluons des personnes. En réalité, leur absence sur nos listes est soit le fruit de tentatives échouées, soit le résultat d’un conflit d’intérêts à caractère électoral – ce qui, dans ce cas, est de bonne guerre, même si on s’entend avec les personnes concernées sur les grands principes. »
L’un des facteurs ayant fait échouer des négociations avec des indépendants serait « la préférence que ceux-ci ont portée au pouvoir », incarné par le CPL. C’est en partie pour cela que Michel Moawad et Neemat Frem ont opté pour la liste du CPL, selon lui. Il souligne à cet égard que le projet initial des FL à Kesrouan-Jbeil était une alliance avec MM. Hawat et Frem. Avec Farès Souhaid, en revanche, « le conflit est plus grand. Il y a un véritable conflit politique, qui a commencé avec notre appui au général Michel Aoun à la présidentielle ».
À Batroun, les calculs électoraux auraient joué contre une alliance avec Boutros Harb. « Lorsqu’un indépendant détient moins de voix que la base partisane, c’est à lui de se retirer pour le parti et pas l’inverse. » Pourquoi ? « Parce qu’un parti a par définition un pouvoir d’influence qu’un indépendant n’a pas. Un indépendant élu député prendrait des positions à la pelle, parfois en oscillant d’un camp à l’autre, sans avoir d’impact. Sa priorité est de défendre sa place. »
Il est certain, dès lors, que « les partis lui seront d’une plus grande aide que les indépendants dans le combat stratégique ».


(Lire aussi : Nadim Gemayel : La souveraineté de l’État, passage obligé pour s’attaquer aux dossiers socio-économiques) 

Donner voix au 14 Mars au sein du Parlement
C’est à partir d’une ossature partisane – à laquelle se rallieraient des indépendants – que Samir Geagea entend donner voix au 14 Mars. Le noyau en serait les FL, chez qui « le 14 Mars reste vivant ».
Il mise ainsi sur un rapprochement des FL avec le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste (PSP). « La mise en œuvre de cette alliance dépendra toutefois de la manière dont ces deux partis vont se percevoir après les législatives. » Cette alliance tripartite a dicté la formation des listes dans le Chouf-Aley, à partir de l’alliance FL-PSP, qui s’est aussi reproduite à Baabda. Mais dans la Békaa-Ouest-Rachaya, le Futur a coupé court à une alliance avec les FL, se contentant de se lier au PSP. Même dans le Akkar et à Baalbeck-Hermel, l’alliance Futur-FL, qui s’y est faite in extremis, l’a été « par nécessité ou par défaut », reconnaît M. Geagea, en précisant en plus que l’Arabie saoudite n’y est pour rien, son ambition n’allant pas au-delà des « bons rapports » avec le Premier ministre Saad Hariri.
Mais « malgré tout, le courant du Futur reste un parti du 14 Mars », estime le leader des FL. « Même si Saad Hariri assouplit ses positions pour préserver la stabilité, il ne peut pas trop s’éloigner de sa base, qui reste foncièrement portée sur le 14 Mars. »
Du reste, « si nous ne réussissons pas à créer un front en bonne et due forme, nous tenterons une coopération tacite sur des questions fondamentales, comme nous le faisons actuellement au sein du gouvernement. C’est ainsi que nous avons pris une position commune, avec le courant du Futur, au sein du gouvernement, contre la visite récente aux frontières sud de miliciens irakiens ».


(Lire aussi : Bassil à « L’OLJ » : Il est beaucoup trop tôt pour parler de présidentielle)    

Un duopole Aoun-Hariri
La configuration politique n’est toutefois pas vouée à changer au sein du nouveau Parlement. « Contrairement à certaines attentes, je ne vois pas de changement en vue dans l’équilibre des forces. Ni le Hezbollah ni aucun autre parti n’aura la majorité parlementaire, et le même équilibre sera préservé à quelques sièges près. »
Il réfute la lecture selon laquelle la nouvelle équation du pouvoir est l’équation Aoun-Hariri-Hezbollah. Il préfère parler d’un « duopole Hariri-Aoun », consolidé par un partenariat à caractère financier. « Michel Aoun est revenu un peu de chez le Hezbollah vers Saad Hariri, et celui-ci l’a retrouvé au centre, y compris sur les questions stratégiques », ajoute-t-il. Dès lors, où situer éventuellement le bloc CPL-Futur par rapport au Hezbollah ? « Le CPL a une position fluctuante, dictée par ses intérêts de l’instant. » Le courant du Futur reste partie intégrante de l’alliance « latente » du 14 Mars, « même si celle-ci n’est pas structurée ».
Par ailleurs, les craintes de voir le Parlement institutionnaliser les armes du Hezbollah seraient infondées. « Même le CPL s’y opposerait », dit-il.

La bonne gouvernance
Le chantier le plus imminent est, pour les FL, le combat pour « la bonne gouvernance ».
Samir Geagea précise que « le pays souffre de deux maux : d’une part, une structure militaire extraétatique, de l’autre, une mauvaise gestion de ce qu’il reste de l’État – clientélisme, corruption, etc. ». Partant, nous avons « deux priorités : les questions stratégiques – nous continuerons de plaider pour une nouvelle stratégie défensive – et la lutte pour la bonne gouvernance de l’État. C’est sur le second dossier qu’on peut marquer des points concrets et rapides, sans besoin d’une conjoncture régionale adéquate, et sans risquer de compromettre la stabilité. Rien ne nous empêche de régler ce dossier dans son intégralité ».
Appuie-t-il donc Saad Hariri dans sa décision de mettre à l’écart les dossiers stratégiques litigieux ? « Il y a une différence entre l’occultation de ces dossiers et le fait de les soulever au moment propice. Par exemple, la déclaration ministérielle : en quoi on menacerait la stabilité si on ne cédait pas aux desiderata du Hezbollah dans la rédaction du texte ? » conclut-il.


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Dans le cadre de la vaste couverture qu’il assure au processus électoral en cours, L’Orient-Le Jour a pris l’engagement de présenter à ses lecteurs une longue série de portraits et d’interviews express afin de leur permettre de se forger une opinion sur la personnalité et les orientations des différents candidats aux législatives.Nous poursuivons aujourd’hui la publication...

commentaires (3)

on ressent de l'assurance .. bien boulonner sur le socle .. ON CONTINUE

Bery tus

15 h 27, le 03 mai 2018

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Commentaires (3)

  • on ressent de l'assurance .. bien boulonner sur le socle .. ON CONTINUE

    Bery tus

    15 h 27, le 03 mai 2018

  • AINSI PARLENT CEUX DONT LA SEULE APPARTENANCE EST EXCLUSIVEMENT LIBANAISE... CAD F.L. ET KATAEBS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 45, le 03 mai 2018

  • C'est quoi ce "partenariat à caractère financier" entre le PR et le PM? Je trouve que l'article passe beaucoup trop vite la-dessus...

    Marionet

    08 h 41, le 03 mai 2018

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