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Liban - Législatives 2018 - Circonscriptions

À Tyr-Zahrani, une liste d’opposition, mais focalisée sur Berry

Riad el-Assaad, le Parti communiste et le CPL tenteront de faire face au rouleau compresseur Amal-Hezbollah.

La liste emmenée par Riad el-Assaad dans la circonscription de Tyr-Zahrani.

La circonscription de Tyr-Zahrani (Liban-Sud II) est par excellence le sanctuaire du président de la Chambre Nabih Berry, une spécificité que le Hezbollah a jusqu’à nouvel ordre respectée. C’est d’ailleurs en partie pour avantager Amal que les cazas de Tyr et de Zahrani ont été joints au sein d’une seule circonscription, en vertu de la nouvelle loi. On notera que la circonscription est représentée par sept sièges (quatre sièges chiites pour Tyr, deux sièges chiites et un siège grec-catholique pour Zahrani). 

Comme pour le précédent scrutin, la formation de la liste du tandem chiite est à majorité Amal (le Hezbollah a deux candidats à Tyr). En outre, les candidats sont pour la plupart des députés sortants, à l’exception de la ministre Inaya Ezzeddine (Amal), qui prend la place du député Abdel Majid Saleh (élu en 2009) et Hussein Jechi (Hezbollah) choisi pour succéder au député Mohammad Fneich. 

Une particularité, propre à ce scrutin et à cette circonscription, est toutefois à relever : seule une liste, baptisée « Ensemble pour le changement », rivalise avec la liste du tandem fort. À première vue, on peut croire à une unification de l’opposition, qui n’a pas été réussie dans les fiefs du Hezbollah comme Baalbeck-Hermel ou le Sud III, et qui serait vouée en principe à optimiser les chances d’une percée. C’est en tout cas l’avis des membres de cette liste, notamment Riad el-Assaad, qui en est une figure centrale. Il explique à L’Orient-Le Jour qu’il est légitime de parier en premier sur une victoire au niveau du siège grec-catholique, dans cette circonscription qui compte plus de 225 000 chiites inscrits sur un total de près de 298 000 électeurs (le reste étant réparti entre communautés grec-catholique, sunnite, maronite et des minorités). Encore faut-il que le seuil d’éligibilité soit atteint. Naturellement, Riad el-Assaad se montre optimiste et ambitionne même de réaliser une percée au niveau du siège occupé par Ali Osseirane (Amal). 


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Ces espoirs se heurtent toutefois aux réserves exprimées par des figures chiites de la circonscription, traditionnellement opposées à Amal, comme l’ancien ambassadeur Khalil el-Khalil (qui a retiré sa candidature le mois dernier) et des acteurs gravitant dans la mouvance de l’ancien président de la Chambre Kamel el-Assaad (dont certains candidats se sont retirés in extremis de la bataille). Aussi bien le premier que les seconds confient à L’OLJ qu’ils envisagent de boycotter les élections. Selon les chiffres avancés par un acteur de la mouvance el-Assaad, celle-ci aurait à son actif 4 000 à 5 000 voix et la tendance el-Khalil 7 000 à 8 000 voix. 

Leurs réserves sur la liste dont fait partie Riad el-Assaad portent principalement sur son discours jugé trop soft à l’égard du Hezbollah. L’aile « dure » de l’opposition chiite ne fait pas de distinction entre Amal et le Hezbollah, de la même manière qu’elle juge artificiel de s’attaquer au tandem sur le terrain socio-économique (absentéisme de ses députés dans la région et/ou leur corruption) en délaissant « la dimension idéologique et dictatoriale du Hezbollah », selon les termes d’un indépendant chiite du Sud. Exemple des variantes du discours de l’opposition chiite : Khalil el-Khalil dénonce à L’OLJ – pour expliquer son retrait de la bataille – « les pressions exercées par le Hezbollah et Amal sur certains candidats et candidats potentiels (mais pas lui), afin de minorer l’opposition à leur hégémonie, en en écartant les figures probantes ». Ali Eid (mouvance el-Assaad, qui avait envisagé d’intégrer la liste) dénonce à L’OLJ le fait que « le Hezbollah croit avoir l’apanage de la résistance et écarte tous ceux qui défendent la résistance, mais refusent de lui obéir ». Riad el-Assaad, quant à lui, ne confirme pas que de telles pressions aient été exercées. Virulent opposant à Nabih Berry (contre lequel il s’est porté candidat aux municipales en 2004 puis aux législatives de 2005 et de 2009), il a fait le choix de ne pas afficher d’inimitié à l’égard du Hezbollah. Ce faisant, il se présente comme « opposant au pouvoir présent dans le Sud », mais entend se focaliser sur « les principales doléances des habitants, qui sont à caractère socio-économique ». 

Cette opposition à plusieurs vitesses est propice à l’instrumentalisation par d’autres partis politiques que le tandem prédominant. 


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Le rôle du Parti communiste libanais

Le Parti communiste libanais (PCL) est accusé par plus d’un indépendant chiite de faire le jeu du Hezbollah : il se présente comme opposant au Hezbollah, « alors qu’il aurait pu en intégrer les listes », soit pour provoquer une multiplication de listes de l’opposition (comme au Sud III), soit pour monopoliser une opposition qui n’en serait pas une (ce qu’il aurait réussi en partie à Tyr-Zahrani). Il a arbitré la formation de la liste de l’opposition, entre des figures de la gauche et des indépendants sans positionnement stratégique contre le Hezbollah. Riad el-Assaad ne dément pas le rôle du Parti communiste, « un pilier dans la formation de la liste », mais tend toutefois à le minimiser, en disant avoir tenu à intégrer avec lui sur la liste « une figure de la société civile, en l’occurrence Lina Husseini, issue de la mouvance Grégoire Haddad, un candidat de la gauche et un chrétien indépendant ». La liste est à majorité formée de candidats de la gauche : Abdel Nasser Farran (OACL) et Ahmad Mroué (indépendant), mais porte aussi l’empreinte du Parti communiste. Raëd Ataya est cadre de ce parti présidé par Hanna Gharib et Lina Husseini elle-même ne serait pas étrangère au PCL, selon un observateur de la région, qui critique le noyautage de la liste par ce parti (représenté par son leadership actuel). La démarche du PCL n’a pas été, dans cette circonscription plus qu’ailleurs, sans exacerber des clivages internes déjà existants, liés en partie aux rapports que ce parti devrait avoir avec le Hezbollah. Il en a résulté par exemple le retrait de candidats proches des communistes. 


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Le choix du candidat grec-catholique 

Outre le Parti communiste, le Courant patriotique libre (CPL) veille lui aussi à infiltrer les rangs d’opposants au sein des fiefs du tandem chiite, mais seulement pour parasiter Nabih Berry. Il s’entend ainsi avec le Parti communiste sur l’enjeu de ne pas égratigner le Hezbollah et de mener une opposition sous ce plafond. Il s’est ainsi joint à la liste de ce parti à Tyr-Zahrani, en soutenant Wissam el-Hajj, candidat sur cette liste au siège grec-catholique. Selon un observateur de terrain, l’allégeance au CPL du candidat en question ne faisait pas de doute, avant même que le chef de ce parti, Gebran Bassil, choisisse de le soutenir au lendemain de l’enregistrement de la liste en question. Maquiller son allégeance partisane aurait servi à faciliter son intégration sur la liste, d’autant que la candidate Kataëb, Mira Wakim, n’a pas été retenue sur la liste parce qu’elle est membre d’un parti politique. « Nous aurions préféré un indépendant qui fasse l’unanimité des partis politiques chrétiens – Forces libanaises, CPL, Kataëb – mais cela n’a pas été possible », explique Riad el-Assaad, sans expliquer toutefois pourquoi c’est M. Hajj qui a été retenu, ni pourquoi le CPL a décidé seul de le soutenir.


Les listes à Tyr-Zahrani


Voici les listes qui se livreront bataille le 6 mai à Tyr-Zahrani : 


« Espoir et fidélité » (Amal-Hezbollah)

Nabih Berry, Inaya Ezzeddine, Ali Khreiss et Ali Osseirane (Amal, chiites), Nawaf Moussaoui et Hussein Jechi (Hezbollah, chiites), et Michel Moussa (Amal, grec-catholique). 

« Ensemble vers le changement »

Riad el-Assaad (indépendant, chiite), Abdel Nasser Farran (mouvance OACL, chiite), Ahmad Mroué (indépendant, chiite), Lina Husseini (indépendante, mouvance PCL, chiite), Raëd Ataya (PCL, chiite) et Wissam el-Hajj (mouvance CPL, grec-catholique).



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