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Liban - Décryptage

Le Hezbollah entre la mobilisation des électeurs et la préparation d’une nouvelle étape

Alors que la campagne électorale semble un peu patauger dans des slogans qui ont connu des élans et des échos meilleurs, le discours du secrétaire général du Hezbollah, dimanche, a voulu réorienter la bataille des législatives. Pour lui, les choses sont claires : le plan américano-israélien pour détruire ou du moins affaiblir la résistance qui dure depuis des années revêt aujourd’hui une nouvelle forme et c’est pour ou contre lui qu’il faut voter.

Hassan Nasrallah, qui a annoncé qu’il prononcera d’autres discours au cours des prochaines semaines, avant le rendez-vous électoral, semble vouloir mener personnellement la bataille, donnant le ton et les éléments, après avoir personnellement choisi les candidats. À cela, il y a deux explications : d’une part, et selon son analyse de la situation, les législatives de 2018 voudraient être pour les Américains et leurs alliés européens et régionaux le début du déclin du Hezbollah au Liban et, d’autre part, il a le sentiment d’un certain désenchantement au sein de la base populaire chiite. Il faut ajouter à ces deux facteurs le fait que le mode de scrutin proportionnel adopté par la loi actuelle permet d’effectuer des percées de facto dans les circonscriptions que le Hezbollah a l’habitude de gagner sans efforts, comme Baalbeck-Hermel et Marjeyoun-Hasbaya-Nabatiyé-Bint Jbeil. Hassan Nasrallah, qui a lui-même milité en faveur de l’adoption du mode de scrutin proportionnel, savait que celui-ci le priverait de certains sièges chiites. Mais il était convaincu de pouvoir les remplacer par des sièges sunnites, chrétiens et druzes. Or désormais, avec le tour pris par les campagnes électorales qui effectuent des percées dans les fiefs du Hezbollah, il se retrouve obligé de remobiliser son électorat et sa base populaire.

En effet, pour de multiples raisons, dont la volonté des différentes parties politiques de dissimuler leur échec au niveau de l’édification de l’État et de ses institutions et à celui de la gestion des dossiers sociaux, l’enjeu politique autour du parti chiite et de ses armes est revenu en tête des sujets évoqués dans la campagne électorale. Dans une certaine mesure, cette campagne se met donc de plus en plus à ressembler à celle du printemps 2009, à la différence près que le mode de scrutin proportionnel rend la bataille contre le Hezbollah plus facile.

Pour cette raison, Hassan Nasrallah a donc pris personnellement en charge la mobilisation de la base populaire, en lui disant à sa manière qu’il ne faut pas se tromper d’enjeu. En langage simplifié, le secrétaire général du Hezbollah a carrément déclaré à ses partisans que même s’ils ont des critiques sur la gestion des députés du parti concernant les questions sociales ou économiques, ils ne doivent pas perdre de vue le fait que c’est la résistance, dans tout ce qu’elle a apporté de libération du territoire, de protection et de dignité aux habitants du Sud et de la Békaa, pour ne pas dire à tous les Libanais, qui est visée. Pour étayer son idée, il est remonté dans le temps pour expliquer les différentes étapes par lesquelles est passée la lutte des Américains et de leurs alliés contre la résistance, depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui, en passant par la guerre de 2006 et la confiscation par les autorités libanaises (le gouvernement était alors présidé par le Premier ministre Fouad Siniora, alors que le président de la République Émile Lahoud était boycotté par les instances occidentales et par les personnalités et composantes du 14 Mars) d’une cargaison d’armes destinées au Hezbollah.

Hassan Nasrallah a même expliqué comment les Américains avaient tenté de gagner le Hezbollah à leur cause en lui envoyant un émissaire particulier, un journaliste américain d’origine libanaise qui lui a proposé de prendre la plupart des rouages du pouvoir au Liban, moyennant l’abandon de la résistance contre Israël. Le dignitaire chiite avait déjà évoqué ce fait, mais à travers des allusions. C’est donc la première fois qu’il en parle clairement en citant le nom de l’émissaire et les détails des propositions américaines, notamment le fait de retirer le Hezbollah de la liste des organisations terroristes et bien entendu de lever toutes les sanctions économiques qui sont infligées à ses cadres et même à ses partisans. Hassan Nasrallah a même déclaré que l’émissaire américain lui a fait miroiter la possibilité d’effacer toutes les accusations portées contre le parti chiite moyennant trois conditions : arrêter la résistance contre Israël, arrêter toute forme d’aide aux Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie et coopérer avec les services américains au sujet d’el-Qaëda et des organisations terroristes.

Dans son développement, le numéro un du Hezbollah est revenu sur plusieurs étapes cruciales dans l’histoire du parti pour dire finalement que sa formation ne refera pas la même erreur qu’en 2008, lorsque ses ministres ont démissionné du gouvernement Siniora, laissant ainsi le champ libre aux complots ourdis contre la résistance. Il a ainsi non seulement voulu mobiliser la base chiite et lui montrer l’importance de participer aux élections pour protéger la résistance, mais il a aussi indirectement annoncé son intention de participer au gouvernement qui sera formé après les législatives.

Au-delà donc des informations inédites contenues dans le discours de dimanche et au-delà de la volonté de mobiliser l’électorat, Hassan Nasrallah a clairement affiché sa détermination à une plus grande participation au sein des institutions publiques libanaises et dans la vie politique, économique et sociale interne. Est-ce le début d’une réorientation du Hezbollah ou bien la volonté de protéger les acquis militaires directement et non plus seulement grâce aux alliés ? Le 7 mai 2018 pourrait être le début d’une nouvelle ère à plus d’un niveau.


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commentaires (4)

C comme si il y a dorénavant un bras de fer entre nasrallah et aoun ET un autre entre HN et hariri . evidemment on ne peut meme le penser , car ce serait contrevenir a la loyaute aveugle portée a l'un et/ou a l'autre. Loyaute n'acceptant aucune remarque , aucun questionnement ! TOUT EST BON TOUT EST BEAU au royaume des bienheureux.

Gaby SIOUFI

17 h 20, le 10 avril 2018

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Commentaires (4)

  • C comme si il y a dorénavant un bras de fer entre nasrallah et aoun ET un autre entre HN et hariri . evidemment on ne peut meme le penser , car ce serait contrevenir a la loyaute aveugle portée a l'un et/ou a l'autre. Loyaute n'acceptant aucune remarque , aucun questionnement ! TOUT EST BON TOUT EST BEAU au royaume des bienheureux.

    Gaby SIOUFI

    17 h 20, le 10 avril 2018

  • Analyse intéressante et qui pose les bonnes questions, mais occulte malgré tout un point essentiel, à savoir, la dépendance de ce parti et de la "Résistance", de façon exclusive, d'une Puissance étrangère. Elle insiste sur la campagne électorale que mène son chef personnellement, qui cherche à mobiliser ses troupes sur des sujets strictement nationaux, mais toutefois non souverains, ce qui réduit la crédibilité de son mouvement dans ses objectifs stratégiques, et laisse transparaitre, pour la première fois, sa vulnérabilité structurelle...

    Salim Dahdah

    09 h 58, le 10 avril 2018

  • LE BARATIN TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD MAITRE INCONTESTABLE DE VOTRE PRETENDU DECRYPTAGE ! LES ENCENSEMENTS ET LES PANEGYRIQUES NE RENDRONT PAS LA VIE AUX AGONISANTS ! LES TEMPS DES MIRACLES ETANT BIEN PASSES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 23, le 10 avril 2018

  • “Le destin bat les cartes mais c’est nous qui les jouerons...” de Bernard Moitessier

    FAKHOURI

    08 h 28, le 10 avril 2018

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