Le CPL a maintenu le suspense jusqu’au bout, et c’est en bon dernier qu’il a annoncé dans le cadre d’un grand meeting populaire les candidats qui se présenteront sur ses listes aux législatives 2018 et qui, si la chance leur sourit, devront rejoindre le bloc parlementaire du Changement et de la Réforme.
Plus d’une cinquantaine de candidats au total, distribués sur 12 circonscriptions. C’est un chiffre impressionnant, à la hauteur des ambitions de ce parti, qui se considère, depuis l’élection du général Michel Aoun à la présidence, le bras politique du chef de l’État et le principal responsable de l’application de ses idées stratégiques. Le CPL est ainsi sans doute la formation politique qui présente le nombre le plus important de candidats, dans le plus grand nombre de circonscriptions aux prochaines élections. Même si bon nombre de ces prétendants ne sera pas élu, le CPL et son chef, le ministre Gebran Bassil, ont voulu visiblement faire une sorte de démonstration de force et montrer que ce courant est rapidement devenu une des plus importantes formations politiques, présent sur la plus grande partie du territoire libanais et dans la plupart des confessions et communautés. En même temps, le CPL et son chef ont voulu montrer qu’ils sont capables de tisser un vaste réseau d’alliances qui regroupe des rivaux, voire des adversaires. Ils sont par exemple alliés au courant du Futur dans certaines circonscriptions (trois au total : Zahlé, Liban-Nord III et Beyrouth I), avec les Ahbache (Beyrouth II) et la Jamaa islamiya (Saïda). Ils sont aussi alliés avec le Hezbollah et Amal, dans deux circonscriptions (Baabda, Beyrouth II) et s’opposent à eux dans d’autres. Il ne faut pas ainsi compter la circonscription de la Békaa-Ouest, où le CPL voulait avoir deux candidats et Amal a refusé. Finalement, l’ancien vice-président de la Chambre Élie Ferzli se présente à titre personnel et il n’y a pas de candidat du CPL (officiel) dans cette circonscription. Il n’y en a pas non plus dans la circonscription de Tyr-Zahrani et dans celle de Tripoli-Minié-Denniyé. Mais en affichant un si grand nombre de candidats aussi différents, le CPL a voulu montrer qu’il fait désormais intimement partie du tissu social et politique libanais, et qu’il est incontournable presque partout au Liban.
En y regardant d’un peu plus près, on remarque toutefois que la cinquantaine de candidats viennent d’horizons très variés, et une fois les élections terminées, certains rejoindront leurs formations initiales. C’est le cas notamment de la Jamaa islamiya à Saïda. Parmi les candidats, il y a bien sûr les militants du CPL traditionnels, qui ont la principale part dans la sélection des candidatures de ce parti, mais il y a aussi les alliés et ceux qui tournent dans l’orbite du CPL, ce qu’on appelle plus communément « le phénomène aouniste ». Enfin, il y a – et c’est là la grande nouveauté – des personnalités qui, jusqu’à très récemment, étaient dans le camp adverse. C’est par exemple le cas du chef du mouvement de l’Indépendance Michel Moawad et de son allié Jawad Boulos, candidats avec le ministre Pierre Raffoul à Zghorta. C’est aussi le cas de l’ancien député du Kesrouan Mansour el-Bone, ainsi que du chef de l’Organisation maronite mondiale Nehmat Frem, qui s’était violemment opposé au CPL l’an dernier dans le cadre des élections municipales à Jounieh. Il y a aussi la Jamaa islamiya, qui s’est alliée au CPL dans la circonscription de Saïda-Jezzine, ainsi que Sarkis Sarkis, qui a quitté l’ancien vice-président de la Chambre et du gouvernement, Michel Murr, pour rejoindre la liste du CPL au Metn.
Des critiques
Des critiques ont d’ailleurs été adressées au chef du CPL, qui a eu le mot de la fin dans le choix des candidats et dans la formation des listes sur lesquelles son parti est présent. Certains lui ont reproché de s’écarter des principes de base pour des intérêts électoraux. D’autres ont trouvé injuste le fait d’écarter des personnalités connues du CPL ou de sa mouvance au profit de figures qui étaient plus favorables au camp adverse, au cours des dernières années. Et d’autres enfin ont protesté contre le choix de certaines figures qui n’étaient pas jusqu’à présent dans la politique. En réalité, M. Bassil a mené des négociations ardues avec les différentes formations et même au sein de son parti pour pouvoir d’abord rester fidèle à son idée que le CPL doit avoir un grand nombre de candidats, dans le plus grand nombre possible de circonscriptions, tout en tissant un réseau d’alliances le plus large possible autour du chef de l’État. D’ailleurs, dans le discours prononcé à l’annonce des candidatures, Gebran Bassil a précisé qu’il n’y a pas d’ennemis au Liban, rien que des alliés potentiels et des rivaux, et que les principes du CPL peuvent attirer même ceux qui ont été dans des camps adverses. Il a aussi énuméré les grandes lignes de son programme électoral, auxquelles les différents candidats présents au rassemblement du Forum de Beyrouth samedi après-midi ont en principe adhéré. Sans le dire clairement, M. Bassil a ainsi laissé entendre que c’est le CPL qui a attiré vers lui ces personnalités venues d’horizons différents, et non le contraire, puisqu’il n’a renoncé à aucun des principes qu’il affiche depuis des années. Sur le plan purement électoral, le ministre des Affaires étrangères avait un double objectif : choisir les candidats utiles pour assurer à ses listes un coefficient d’éligibilité maximal, et nouer des alliances capables de faire passer ses candidats dans les listes où il est minoritaire. Les alliances ont été ainsi tissées dans cette optique avec, toutefois, une entente minimale sur les grandes lignes politiques, comme la lutte contre la corruption. Atteindra-t-il son objectif ? Réponse le 6 mai.
Liban - Décryptage
Quand le CPL et son chef voient grand...
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 26 mars 2018 à 00h00
commentaires (8)
Il faut déjà qu'il soit grand. J'aime bien les décryptages de SH, on peut faire un commentaire sans même lire ses articles.
Achkar Carlos
17 h 45, le 26 mars 2018