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Liban - Législatives 2018 - Liberté de mener campagne

L’affaire Jawhari et autres méthodes du Hezbollah

Des pressions politiques ont permis la remise en liberté hier du dignitaire chiite, figure de l’opposition à Baalbeck-Hermel.

Le cheikh Abbas Jawhari entouré de ses amis, hier après sa libération. Photo Facebook

S’il est plus ou moins permis à la base chiite d’accuser de corruption des responsables proches du tandem Hezbollah-Amal – des accusations qui servent de défoulement à leur grogne, sans toutefois mettre en cause leur allégeance à la résistance– pareilles accusations sont devenues interdites en période électorale.

En se chargeant lui-même de combattre la corruption, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a pris à sa charge les doléances socio-économiques, en les intégrant au projet sacro-saint de la résistance. Et les candidats du tandem fort de rappeler aux électeurs chiites que leur vote a une vocation mystique, puisque « ce n’est pas un vote pour les vivants, mais pour les martyrs, qui restent vivants en nous », selon les termes du chef du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad. « Ce vote devra nous permettre de surmonter certaines failles dans les performances » des députés, a-t-il ajouté, lors d’une cérémonie à Bint Jbeil hier.

En même temps, le tandem chiite, qui se pose en défenseur de la proportionnelle, affirme encourager les listes de l’opposition au nom de la diversité. Mais cette malléabilité n’a pas pour motif l’amélioration de la représentativité. L’opposition cesse en effet d’être tolérée lorsqu’elle remet en cause le Hezbollah sur les questions stratégiques (armes illégales, oppression de la base chiite, guerre en Syrie à laquelle beaucoup de chiites ont été contraints…).


(Lire aussi : Le Hezbollah et la priorité à la lutte contre la corruption..., le décryptage de Scarlett HADDAD)


Pareille opposition, qui vient désacraliser progressivement le Hezbollah, est celle que le député Hani Kobeissi (Amal) a qualifiée hier d’« opposition suspecte ». « Nous croyons dans la concurrence normale, mais affronterons ensemble la concurrence suspecte, de sorte que les élections ne soient pas la victoire d’individus, mais d’un projet, un projet qu’il est de notre mission à tous de défendre », a-t-il dit, lors d’une cérémonie à Zebdine (Liban-Sud).

On notera que M. Kobeissi est candidat sur la liste du Hezbollah et d’Amal à l’un des sièges chiites de la circonscription du Sud III, qui regroupe Bint Jbeil, Nabatiyé et Marjeyoun-Hasbaya. Sa liste fait face à deux listes d’opposants : la première, regroupant le Parti communiste, le Courant patriotique libre et des indépendants, est ce que l’on peut appeler, dans le langage du tandem chiite, « la concurrence normale ». D’ailleurs, parmi les candidats chiites sur cette liste, Moustapha Badreddine, qui précise dans les médias que « s’il est sur la liste de l’opposition, cela ne veut pas dire qu’il s’oppose au Hezbollah ». La seconde liste a pour noyau dur des chiites qui ont fait de leur lutte contre le Hezbollah, en tant que milice, leur créneau. Il s’agit notamment des journalistes Ali al-Amine (stigmatisé par Hassan Nasrallah comme étant « un chiite de l’ambassade », sous-entendu américaine), Imad Komeiha et l’ancien prisonnier des geôles israéliennes Ahmad Ismaïl. Ce sont probablement eux les opposants « suspects » que M. Kobeissi a accusés « d’agir sur notre territoire sur directives de l’extérieur, dans le contexte de blocus externe imposé au Liban ».

Les opposants qui ne sont pas contre le Hezbollah lui profiteraient en affaiblissant l’opposition plus radicale. Et c’est au tandem chiite que revient le pouvoir, autoproclamé, de décider quels opposants sont « suspects » et quelle opposition est prohibée.


(Lire aussi : Cheikh Abbas Jawhari, candidat anti-Hezbollah aux législatives, libéré)


La symbolique derrière l’affaire Jawhari
À Baalbeck-Hermel, l’opposition menaçante pour le Hezbollah, dans le sens stratégique du terme, s’exprime plus ouvertement qu’au Liban-Sud, et ses porte-voix sont plus nombreux. Parmi eux, le cheikh Abbas Jawhari. Candidat aux législatives, il s’est activé à réunir les chiites indépendants sur une liste de l’opposition. Il est à la fois un dignitaire chiite et un ancien partisan du Hezbollah, c’est-à-dire à même d’influencer doublement l’électorat chiite, constate un chiite indépendant. C’est sous cet angle que les opposants chiites lisent son arrestation mercredi dernier par la Sûreté générale pour implication présumée dans un trafic de drogue, et sa remise en liberté hier en soirée, soit le lendemain.

L’objectif étant « pour le Hezbollah » de le discréditer en « nuisant à sa réputation », ajoute cet indépendant. Selon certains milieux du 8 Mars cités par la chaîne MTV, la remise en liberté du cheikh est en soi le signe que le parti chiite n’est pas impliqué dans cette affaire. Pourtant, selon des informations obtenues de plusieurs sources, n’étaient les interventions du ministre Nouhad Machnouk, du chef des Forces libanaises Samir Geagea et du chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, le cheikh aurait été maintenu en garde à vue plusieurs jours encore.
Samir Geagea avait condamné hier l’arrestation, la qualifiant d’« ingérence abjecte dans les élections ».

Le dossier judiciaire en soi « manquait de consistance », comme s’il devait servir de prétexte à une procédure déjà montée de toutes pièces, constatent des visiteurs du cheikh Jawhari, qui se sont rendus chez lui hier à son domicile dans la banlieue sud après sa remise en liberté.


(Pour mémoire : Nous n’accepterons pas que les alliés de Daech et d'al-Nosra représentent Baalbeck-Hermel, prévient Nasrallah)    


Pour rappel, le cheikh Jawhari a été appréhendé mercredi dernier alors qu’il se trouvait dans les locaux de la Sûreté générale, pour des formalités liées à l’embauche d’une employée de maison, « après qu’il se soit avéré qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt par contumace en date du 12 février dernier, émis par le premier juge d’instruction du Mont-Liban, sur fond de trafic de drogue », selon un communiqué de la SG publié mercredi soir. Selon nos informations, le motif de son arrestation est son lien présumé avec deux personnes, détenues depuis un mois pour trafic de drogue, l’un de la famille Nasreddine, l’autre de la famille Jawhari, dont les données de leurs portables respectifs révèlent des appels faits au cheikh en question. Un visiteur du cheikh rapporte que celui-ci ne connaît pas les deux inculpés et s’étonne en tout cas qu’un mandat d’arrêt soit émis sur cette base. Il s’étonne du fait que le cheikh n’ait pas été notifié de ce mandat d’arrêt, la SG arguant d’avoir tenté en vain de le faire, alors qu’elle détient toutes les données personnelles du dignitaire religieux. 

« Ce dossier est monté de toutes pièces d’une manière vile », avait déclaré son bureau de presse dans un communiqué mercredi soir. Et ses visiteurs de faire état hier d’un dossier tellement faible (de l’aveu de plusieurs avocats) qu’il frôle le ridicule. C’est ce qui aurait d’ailleurs facilité sa remise en liberté.
Faut-il y voir toutefois « le signe d’une nouvelle étape de l’usage des armes prohibées », selon le communiqué déjà signalé ?
Cela ne paraît pas inquiéter le cheikh Jawhari, qui devrait se rendre aujourd’hui à Baalbeck pour la cérémonie de l’annonce de la liste conjointe Futur-FL-opposants chiites (à laquelle il était déjà décidé, avant son arrestation, qu’il ne serait pas intégré). « Nous avons un créneau clair : quand nous sommes des opposants, nous le sommes honorablement. Et quand nous sommes loyalistes, nous le sommes aussi honorablement », a-t-il déclaré après sa remise en liberté, en remerciant les organes judiciaires et sécuritaires « qui m’ont vite fait justice ».



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S’il est plus ou moins permis à la base chiite d’accuser de corruption des responsables proches du tandem Hezbollah-Amal – des accusations qui servent de défoulement à leur grogne, sans toutefois mettre en cause leur allégeance à la résistance– pareilles accusations sont devenues interdites en période électorale. En se chargeant lui-même de combattre la corruption, le secrétaire...

commentaires (7)

LES CHIITES A L,APPARTENANCE NATIONALE SONT ACCUSES D,ETRE DES CHIITES D,AMBASSADES... ABERRATION DES ABERRANTS ! CAR LES DEUX MILICES CHIITES SUR LE SOL LIBANAIS A L,APPARTENANCE NON NATIONALE SONT LES VRAIS CHIITES NON SEULEMENT D,AMBASSADES MAIS D,APRES LEURS PROPRES DECLARATIONS REPETEES D,ORGANISATIONS ETRANGERES !!!

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 42, le 24 mars 2018

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • LES CHIITES A L,APPARTENANCE NATIONALE SONT ACCUSES D,ETRE DES CHIITES D,AMBASSADES... ABERRATION DES ABERRANTS ! CAR LES DEUX MILICES CHIITES SUR LE SOL LIBANAIS A L,APPARTENANCE NON NATIONALE SONT LES VRAIS CHIITES NON SEULEMENT D,AMBASSADES MAIS D,APRES LEURS PROPRES DECLARATIONS REPETEES D,ORGANISATIONS ETRANGERES !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 42, le 24 mars 2018

  • Les méthodes de Hassan Nasrallah sont anciennes et persistantes depuis 2005, même si elles sont parfois moins explosives.... Cet agent iranien, et fier de l’être, ne reculera devant rien pour greffer définitivement le Liban au projet iranien.

    Saleh Issal

    10 h 14, le 24 mars 2018

  • Et voilà les mauvaises presses qui pleurent avant la vraie gifle du raz de marée. Faire feu de tout bois , mais le résultat sera sans appel .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 49, le 24 mars 2018

  • Et vous, Monsieur Hassan Nasrallah, n'êtes-vous pas aussi "un chiite d'ambassade" mais d'Iran, et agissant exclusivement sous ses ordres ? Quant à nous, Libanais bien vivants, Monsieur Mohammad Raad, nous ne voterons certainement pas pour des représentants de martyrs morts-vivants,préférant de loin des candidats bien vivants, efficaces et non-corrompus, et dévoués non aux projets de l'Iran, mais au Liban. Qu'ils soient chiites, sunnites ou chrétiens ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 57, le 24 mars 2018

  • Cheikh Jawhari reste quand même un ancien militant du Hezbollah,voyons si élu dans quel courant il sera .

    Antoine Sabbagha

    08 h 30, le 24 mars 2018

  • LA DEMOCRATIE A L,ENVERS ET LA HAINE DE L,AUTRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 06, le 24 mars 2018

  • les méthodes du Hezbollah pour écarter les concurrents ressemblent fort à celle employée par Macron pour éliminer Fillon.

    Yves Prevost

    06 h 50, le 24 mars 2018

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