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Liban - Législatives 2018 - Baalbeck-Hermel

Rupture de l’alliance FL-Futur, dans l’intérêt du Hezbollah

Le siège grec-catholique aurait posé problème.

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Photo d'archives Ani

La circonscription de Baalbeck-Hermel a été mise en lumière hier par deux développements. Le premier a été amené par des propos du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, rapportés dans la presse et dirigés principalement contre le courant du Futur. Lors d’une réunion en vidéoconférence avec un groupe de partisans de la Békaa-Nord (Baalbeck-Hermel) et de Zahlé, le leader chiite a déclaré que son camp ne « permettra pas aux alliés d’al-Nosra et de Daech de représenter les habitants de Baalbeck-Hermel ». Il faisait ainsi allusion à l’un des deux candidats sunnites du courant du Futur dans la circonscription, Bakr Hojeiri, ancien coordinateur du parti haririen à Ersal (le second étant Hussein Solh, de Baalbeck).
Le second développement est la confirmation par le site des Forces libanaises (FL) avant-hier que les négociations avec le courant du Futur sont dans l’impasse partout dans le pays. Le cas présenté par le site comme le plus flagrant est celui de Baalbeck-Hermel, où « un accord bilatéral avait été en principe obtenu, avant que le courant du Futur ne s’en rétracte, autant par son insistance à intégrer le Courant patriotique libre sur la liste que par son louvoiement dans l’annonce de cette liste ».
Sachant que les FL sont déterminées à faire front au Hezbollah dans cette circonscription, les réserves exprimées à l’égard du courant du Futur par l’un et l’autre de ces deux camps rivaux amènent à s’interroger sur le positionnement réel du courant du Futur.


(Lire aussi : Coups de théâtre et changements d’alliances...)


Une liste à deux vitesses
Dans les faits, une alliance potentielle entre le courant du Futur et les FL, sur une liste chapeautée par un chiite indépendant, était entendue dès le départ. Elle était d’ailleurs en passe d’être complétée. Pour rappel, la circonscription est représentée par dix sièges au Parlement : six pour les chiites, deux pour les sunnites, un siège pour les maronites et un pour les grec-catholiques.
D’emblée, le choix du candidat au siège maronite, confié aux FL, était connu d’avance : l’universitaire Antoine Habché, dont le chef des FL, Samir Geagea, avait déjà annoncé le nom il y a quelques mois. Une manière de valoriser la bataille de Baalbeck-Hermel face au Hezbollah, notamment au niveau du siège maronite.
Du côté du courant du Futur, aucune volonté de se joindre à cette bataille ne s’est manifestée, en dépit de l’alliance avec les FL. Le premier signe a été le choix du candidat chiite devant présider la liste sous le parrainage implicite du Hezbollah : Yehya Chamas, ancien député, dont l’immunité avait été levée pour implication dans un trafic de drogue. S’il est proche du courant du Futur (sa candidature a été confirmée il y a un peu plus d’un mois à la suite de sa visite à la Maison du Centre), il est en même temps loin d’être hostile au Hezbollah. Son profil est celui d’un notable local, à même de recueillir des voix, sans toutefois porter préjudice, ne serait-ce que moralement, au parti chiite –comme le serait par exemple Ali Sabri Hamadé, très respecté par les clans de Baalbeck-Hermel, mais qui a été finalement écarté de la liste.


(Lire aussi : Le CPL annonce ses candidats)


Connivence Futur-Hezbollah ?
La réticence du courant du Futur à mener une bataille ouverte contre le Hezbollah s’est surtout manifestée dans le choix de ses deux candidats sunnites : Bakr Hojeiri, auquel Hassan Nasrallah faisait référence, et Hussein Solh. Certes, le choix d’un candidat de Ersal, bourgade connue pour son hostilité au régime syrien, pourrait résonner comme une menace au Hezbollah. En réalité, Bakr Hojeiri n’est pas connu pour avoir des positions radicales contre le parti chiite. Qui plus est, son choix par le courant du Futur prendrait en compte les intérêts mêmes du Hezbollah, selon des notables sunnites opposés au Hezbollah, qui n’y voient, du reste, aucun paradoxe. Selon eux, le discours actuel du courant du Futur, porté sur le compromis, n’est pas suffisamment mobilisateur pour sa base, notamment à Baalbeck-Hermel. Il ne serait donc pas capable d’imposer son choix de candidat sans risquer une grogne dans ses rangs. En contrepartie, étant donné qu’une percée au moins sur la liste du Hezbollah est presque établie, ce dernier aurait le moyen, en modulant les votes préférentiels sur sa liste, de donner un avantage par défaut à un candidat sur une liste opposée.
Il aurait donc sciemment opté pour un candidat sunnite de Baalbeck jugé faible (Younès Rifaï des Macharii), laissant ainsi ses chances au candidat du Futur de percer, en l’occurrence le candidat de Ersal.
Dans ce contexte, les propos de Hassan Nasrallah seraient à lire comme une mise en garde au courant du Futur, contre une violation de leur accord tacite. Hassan Nasrallah a d’ailleurs répondu aux récents propos d’Ahmad Hariri, secrétaire général du parti, qui avait estimé que la vraie percée contre le Hezbollah serait au niveau de l’un des six sièges chiites de la circonscription et « vaudrait les 127 députés au Parlement ». Sans attaquer de plein front M. Hariri, Hassan Nasrallah a affirmé « qu’une percée contre nous au niveau de un ou deux sièges n’est pas à confondre avec une victoire. Lorsque nous avons approuvé la proportionnelle, nous avons ouvert la voie à de telles percées ». Ce qui confirme qu’il prévoit et tolère de telles percées à Baalbeck-Hermel. Et d’ajouter : « De la même manière que nous perdrons un siège à un endroit, nous en gagnerons un autre ailleurs. » Comprendre, si le courant du Futur va trop loin avec les FL au point de provoquer, sciemment ou non, des percées au niveau des sièges chiites, le Hezbollah ne manquerait pas de lui rendre la pareille dans les fiefs sunnites.

Si le parti chiite s’est senti menacé, c’est en partie parce que le partenariat Futur-FL a permis de rallier des indépendants chiites (comme Ghaleb Yaghi, Mohammad Hassan Salman – un proche de Harès Sleiman – Khodr Tlass, Ali Zeaïter…) à même de lui dérober une partie de son électorat, partiellement désabusé par les signes de corruption ou d’inefficacité dont souffre l’image des députés du Hezbollah. D’ailleurs, c’est aux indépendants chiites que Hassan Nasrallah a adressé le message le plus virulent : « La question à poser n’est pas de savoir ce que le Hezbollah a offert à la région, mais ce que ceux qui assistent aux banquets des ambassades ont fait pour la région. »

La rupture de l’alliance FL-Futur aurait pour effet d’entraver une fédération de l’opposition face au Hezbollah. C’est chose faite, semble-t-il. La raison déclarée en est le litige FL-Futur autour du candidat grec-catholique. Conscient du risque que son candidat Albert Mansour ne soit pas élu, le Hezbollah n’aurait nul intérêt à ce que le rival de ce dernier soit choisi par les FL.
Aussi, le courant du Futur s’est-il opposé au candidat FL, Salim Kallas (indépendant, ancien proche de Michel Aoun), en avançant le nom du candidat du CPL, Michel Daher.
Même si les FL étaient dans un premier temps ouvertes à cette option, elles entendaient en débattre directement avec le principal concerné, à savoir le CPL, dans le cadre des négociations électorales, selon des sources concordantes. D’où l’information publiée sur le site des FL : « Le courant du Futur a tenté de remplacer des candidats des FL par des candidats du CPL, sachant que les FL peuvent s’entendre avec le CPL, indépendamment du Futur. » C’est la fin de cette phrase qui serait toutefois discutable, la communication directe CPL-FL étant, semble-t-il, interrompue, ne passant plus que par le courant du Futur.


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commentaires (4)

Lisant cet article, je suis encore plus déprimé. Elections ? Mon œil ! On fait des élections quand bon nous semble. (Pardon, quand bon leur semble). La démocratie ? Sur mesure ! Belle et bien bafouée ! Bien sûr, un partage entre 2 acteurs en force, le Hezbollah et le Courant du future. Gratte-moi mon dos pour te gratter le tien. Les principes, les valeurs, l’éthique ? Mon cul ! Rien que des slogans creux ! les programmes sociaux et économiques des uns et des autres ? Que dalle ! Ce qui est révoltant, c’est de voir tous les autres participer à ce jeu pour se partager des miettes. Le résultat de ces élections ? C’est connu d’avance car tout a été très bien partagé, quel que soit le nombre de députés qu’obtiendront les uns ou les autres. A toi, un renforcement de ta mainmise politique et militaire sur le Liban au nom de la paix civile et à nous, le libre pillage des deniers de l’état et un renforcement de notre corruption pour nous faire passer du rang 136 au rang 156 sur 176 des pays les plus corrompus. En bref, La construction politique de ce Liban moderne se poursuivra sur la même base de « la récompense de quelques-uns » et la déprivation de tous les autres Libanais.

Aref El Yafi

11 h 22, le 18 mars 2018

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Commentaires (4)

  • Lisant cet article, je suis encore plus déprimé. Elections ? Mon œil ! On fait des élections quand bon nous semble. (Pardon, quand bon leur semble). La démocratie ? Sur mesure ! Belle et bien bafouée ! Bien sûr, un partage entre 2 acteurs en force, le Hezbollah et le Courant du future. Gratte-moi mon dos pour te gratter le tien. Les principes, les valeurs, l’éthique ? Mon cul ! Rien que des slogans creux ! les programmes sociaux et économiques des uns et des autres ? Que dalle ! Ce qui est révoltant, c’est de voir tous les autres participer à ce jeu pour se partager des miettes. Le résultat de ces élections ? C’est connu d’avance car tout a été très bien partagé, quel que soit le nombre de députés qu’obtiendront les uns ou les autres. A toi, un renforcement de ta mainmise politique et militaire sur le Liban au nom de la paix civile et à nous, le libre pillage des deniers de l’état et un renforcement de notre corruption pour nous faire passer du rang 136 au rang 156 sur 176 des pays les plus corrompus. En bref, La construction politique de ce Liban moderne se poursuivra sur la même base de « la récompense de quelques-uns » et la déprivation de tous les autres Libanais.

    Aref El Yafi

    11 h 22, le 18 mars 2018

  • ELECTIONS OU PARTAGES ? LA DEMOCRATIE BAFOUÉE ! LE PEUPLE LIBANAIS BAFOUÉ ET TRAHI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 35, le 17 mars 2018

  • "...son électorat, partiellement désabusé par les signes de corruption ou d'inefficacité dont souffre l'image des députés du Hezbollah..." Ces députés du Hezbollah dans cette région de Baalbeck-Hermel ont grandi en voyant autour d'eux la corruption, l'indiscipline et la négligence du devoir, la domination par la force et les armes, les criminels protégés et impunis. En entendant les fanfaronnades des "chefs" en turbans blancs ou noirs, et en voyant les défilés des troupeaux de moutons-suiveurs-bêleurs armés pour "résister" ou aller faire la guerre ailleurs. Alors comment être surpris qu'ils agissent autrement...même sous le label "Hezbollah" ? Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 14, le 17 mars 2018

  • Pendant que les uns n'en rataient pas une aux banquets des ambassades , les autres travaillaient dur sur le terrain pour l'occuper et permettre u'à raz de marée de s'installer . La CIGALE et la fourmi version libanaise .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 05, le 17 mars 2018

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