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Lifestyle - Interview

Hiba Tawaji a chanté à Riyad « au nom de toutes les femmes »

Elle a été la première artiste féminine à se produire seule sur scène en Arabie saoudite.

Hiba Tawaji sur scène le 6 décembre 2017 à Riyad, au King Fahd Cultural Center dans une robe Élie Saab. Haya Al-Suwayed/ AFP

Le prince Mohammad ben Salman ne fait pas que chambouler les politiques au Liban et dans son pays. Après avoir autorisé les femmes à conduire, il vient d'ouvrir une nouvelle brèche dans le monde du divertissement au royaume ultraconservateur. Et c'est la chanteuse libanaise Hiba Tawaji qui a eu le privilège inédit de se produire lors d'un concert exclusivement réservé aux femmes, le 6 décembre. Entourée de danseuses, l'Esméralda de la chanson libanaise a interprété ses tubes en arabe et en anglais, ainsi que divers classiques. Pour marquer ce moment historique, elle a accepté de revenir, pour L'Orient-Le Jour, sur les temps forts de ce concert, où une femme s'est produite pour la première fois en Arabie saoudite, plus précisément à Riyad.

 

Quelle importance ce concert revêt-il dans votre carrière ?
Cet évènement est sûrement l'un des plus importants de ma carrière. Sur le plan artistique, il prouve que j'ai réussi à atteindre les pays et le public de la région du Golfe, avec des chansons qui sont pour la plupart en dialecte libanais ou en arabe classique. Sur le plan social, étant la première qui se produit seule sur scène en Arabie saoudite, ce concert constitue une réussite pour la femme arabe et pour moi-même. La plupart des principes que je défends et auxquels j'adhère sont ceux qui appellent à l'égalité des sexes et à l'émancipation des femmes culturellement, artistiquement et socialement. Que je fasse partie de ces réformes importantes en cours et que je puisse y mettre ma patte de manière concrète, grâce à ma musique, me touche énormément.

 

(Pour mémoire : Hiba Tawaji brille à Riyad pour le premier concert réservé aux femmes)

 

Ce concert a pris une envergure arabe et internationale, et a été relayé par des médias tels que « Le Figaro » en France ou NBC aux États-Unis. Vous attendiez-vous à une couverture médiatique de cette ampleur ?
J'étais consciente de l'importance de ce concert, mais je ne savais pas que ses échos se répandront autant. La couverture médiatique était l'une des plus grandes dont j'ai pu bénéficier jusque-là, et je crois que cela est dû à l'importance de l'événement, qui a été considéré comme un progrès historique. J'ai vu les images de mon concert relayées par des médias en Inde, en Espagne ou encore en Chine !

 

En quoi l'énergie de ce public de femmes était-elle différente comparée à celle de vos précédents concerts ?
La principale différence est dans le fait que ce concert est porteur d'un message. Il est vrai que la plupart de mes chansons s'inscrivent dans un répertoire plutôt engagé sur les plans humain et social, mais ce concert était en lui-même un message, une affirmation, un cri de victoire pour la cause des femmes. L'engagement du public était palpable : ces femmes considéraient que leur présence ce jour-là était une victoire longtemps attendue. Je chantais en leur nom, en quelque sorte. Chaque note, chaque mot, chaque geste véhiculaient un message. Ces femmes étaient engagées à fond, et cela se voyait sur leurs visages et dans leur manière de chanter, qui ressemblait plus à une célébration – je dirais même un défoulement.

 

(Lire aussi : Quand Riyad veut se convertir à la société de divertissement)

 

Votre chanson Min elli byekhtar, extraite de la comédie musicale Don Quixote, semble avoir été un moment fort du concert.
Oui, en effet. Quand le droit de conduire a été octroyé aux femmes en Arabie saoudite, cette chanson, qui date pourtant de 2011, et à laquelle toute femme opprimée peut s'identifier, a énormément circulé sur les réseaux sociaux. Elle est devenue un hymne pour les femmes, en quelque sorte. Je crois même que cette chanson a été l'une des raisons pour lesquelles j'ai été conviée à me produire dans le royaume. Dès les premières notes de la chanson, la salle s'est enflammée et le public a entonné le refrain qu'il connaissait par cœur. « À présent, je réalise, que je ne suis plus cette petite fille d'autrefois... J'ai grandi et compris que je crée mon propre destin... Je veux m'envoler, personne ne peut me couper les ailes. » Ça restera comme un grand moment d'émotion. C'était plus des cris que des chants. Certaines femmes pleuraient. J'ai ressenti tous les pouvoirs de la musique en un instant.

 

De tels moments vous donnent un nouveau regard sur votre métier de chanteuse ?
Sûrement. C'est dans des moments pareils que je comprends mieux pourquoi je chante, pourquoi je fais ce métier. Il est très gratifiant de sentir que j'ai fait une différence, de savoir que j'ai pu chanter au nom d'autres personnes et d'entendre de mes fans que mes chansons les aident à survivre dans des périodes difficiles. C'est ma plus grande récompense. Elle me fait oublier tout le stress que l'on peut subir au quotidien quand on choisit ce métier d'artiste.

 

(Lire aussi : Pour les Saoudiennes, "le temps du silence est fini")

 

Parlez-nous de cet album de Noël que vous préparez et qui voit le jour aujourd'hui. En quoi diffère-t-il d'autres albums de Noël de ces dernières années ?
Cet album intitulé Hallelujah comporte 12 chansons produites et orchestrées par Oussama Rahbani, qui signe la musique de textes écrits par Mansour Rahbani, Ghady Rahbani, Mgr Mansour Labaki et le père Youssef Moannès. Ces chansons, certaines nouvelles et certaines réadaptées de grands classiques de Noël, ont une sonorité internationale. Je chante d'ailleurs en anglais et en arabe sur cet album imprégné de l'esprit de Noël jusqu'aux moindres détails. Même la couverture de la pochette est une peinture. En fait, Oussama et moi avions toujours voulu faire un album de Noël. C'est notre saison préférée de l'année et un cadeau à tous ceux qui aimeraient partager la joie des fêtes. J'espère qu'il plaira à tous vos lecteurs.

 

 

 

 

Qu'en est-il du projet de l'album en français que vous concoctez depuis l'aventure « The Voice » avec un label international ?
Je travaille toujours sur cet album, mais très lentement, je l'avoue. Entre la tournée Notre-Dame de Paris en France et dans le monde, mon album en arabe sorti il y a moins d'un an, le tournage des clips, les concerts d'été et l'album de Noël, le projet est passé à la vitesse inférieure. Cet album a en fait besoin de temps, et va exiger que je m'enferme en studio pour un bon moment... bientôt j'espère ! Il est possible qu'il y ait également des titres en anglais sur l'album.

 

S'il fallait résumer en un mot l'année 20l7 ?
2017 est véritablement l'année durant laquelle je récolte le fruit de dix ans de travail dans le monde de la musique, depuis que j'ai commencé à collaborer avec mon producteur Oussama Rahbani. Pour moi, 2017 était l'année de la moisson.

 

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commentaires (2)

TRES BIEN FAIT ! LES CHANGEMENTS EN SAOUDITE VONT BON TRAIN BIEN QU,IL EN FAUT BEAUCOUP ENCORE POUR QUITTER L,OBSCURANTISME QUI Y REGNE TOUJOURS !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 17, le 20 décembre 2017

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Commentaires (2)

  • TRES BIEN FAIT ! LES CHANGEMENTS EN SAOUDITE VONT BON TRAIN BIEN QU,IL EN FAUT BEAUCOUP ENCORE POUR QUITTER L,OBSCURANTISME QUI Y REGNE TOUJOURS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 17, le 20 décembre 2017

  • Bravo à Hiba Tawaji Cela dit l'événement majeur est indéniablement l'évolution sociale historique en Arabie saoudite. Un timide vent de liberté souffle depuis quelques semaines... Il faut s'attendre logiquement, à des bouleversements rapides, c'est très positif et inattendu!

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 22, le 20 décembre 2017

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