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Économie - Construction

Saudi Oger va fermer ses portes en juillet

Alors que certains de ses actionnaires ont créé une autre entité pour récupérer une partie des contrats du groupe de Saad Hariri, le sort des employés et de leurs arriérés de salaires reste en suspens.

La totalité des chantiers de Saudi Oger en Arabie sont suspendus, ses comptes bancaires gelés et plusieurs banques ont entrepris des actions en justice contre le groupe. Archives Reuters

Longtemps annoncée, la mise en faillite de Saudi Oger, fleuron du BTP saoudien et propriété du Premier ministre Saad Hariri, ne devrait plus être l'affaire que de quelques semaines. « D'ici à la fin juillet, l'entreprise sera fermée et tous les dossiers des employés seront clôturés », a dit à L'Orient-Le Jour une source au sein de la direction de l'entreprise, confirmant des informations rapportées la semaine dernière par le quotidien al-Akhbar. Contacté, le bureau de M. Hariri a indiqué que seule Saudi Oger pouvait confirmer cette information, mais, comme de coutume, le groupe n'a pas répondu à nos sollicitations.

Saudi Oger traverse depuis près de deux ans une crise financière et sociale sans précédent, en lien avec la sévère cure d'austérité mise en œuvre par Riyad, son principal client. En septembre, Reuters estimait que l'État saoudien lui devait 30 milliards de riyals (8 milliards de dollars) pour travaux déjà exécutés, tandis que l'entreprise devait rembourser plus de 3,5 milliards de dollars de créances à des banques de la région, somme qui s'ajouterait aux milliards de riyals d'arriérés de paiements accumulés auprès de sous-traitants, de fournisseurs et de ses salariés. Après l'échec, à l'été 2016, de négociations avec le gouvernement saoudien autour d'une reprise de l'entreprise, la totalité de ses chantiers dans le royaume a été suspendue ; ses comptes bancaires gelés ; et plusieurs banques ont entrepris des actions en justice contre le groupe, qui a entre-temps cédé certains de ses actifs à l'étranger pour récupérer des liquidités. Plusieurs sous-traitants et salariés avaient indiqué ces derniers mois espérer une mise en faillite de l'entreprise, bien que la loi saoudienne régissant les faillites laisse la question du règlement des dettes être évaluée « au cas par cas », avait dit en avril dernier à L'Orient-Le Jour l'avocat saoudien Majed Garoub.

 

(Pour mémoire : Saudi Oger : les employés libanais attendent toujours leurs arriérés)

 

Le sort tragique des employés du groupe (lire ci-contre) reste donc plus qu'incertain. Alors que 38 000 personnes travaillaient pour Saudi Oger début 2016, dont près de 2 000 Libanais, elles ne seraient plus qu'environ 7 000 aujourd'hui, selon la source à la direction. Non payés depuis octobre 2015, la plupart sont rentrés chez eux s'ils le peuvent, tandis que d'autres sont interdits de sortie, car criblés de dettes. Certains de leurs collègues restent en Arabie, espérant recevoir leurs salaires. D'après cette même source, les 3 000 employés de maintenance, qui travaillaient encore sur des palais royaux, rejoindront les rangs des chômeurs fin juin. D'autres entreprises saoudiennes reprendront la place de Saudi Oger sur ces chantiers.

Deux choix s'offriront aux anciens employés : quitter le pays ou changer de sponsor, dont ils dépendent pour justifier leur présence sur le territoire saoudien. Lorsqu'il s'agit d'expliquer comment les anciens employés récupéreront leurs arriérés de salaires, ou s'ils auront le droit de quitter le pays alors qu'ils sont endettés auprès de banques saoudiennes, le responsable interrogé reste évasif. « Je ne sais pas, c'est le ministère du Travail saoudien qui s'en chargera », a-t-il répondu. Selon lui, la fermeture de Saudi Oger est une décision prise en concertation avec sa direction et le ministère du Travail. Par ailleurs, une cour de justice saoudienne a récemment enjoint au groupe de payer l'ensemble des arriérés de salaires, sous peine de séquestration de ses biens après un certain délai (non détaillé) de grâce, a rapporté dimanche le quotidien Saudi Gazette.

 

(Lire aussi : Les parts de Saudi Oger dans Oger Telecom bientôt rachetées ?)

 

Une nouvelle entité
En attendant que ce contentieux soit réglé, les actionnaires du groupe n'ont pas pour autant renoncé à leurs juteux arrangements avec l'État saoudien. « Après juillet, Saudi Oger n'aura plus de contrats. Ou plutôt, seulement sous une autre entreprise, qui s'appelle MACC », ajoute la source la direction de Saudi Oger. D'après plusieurs sources, MACC serait dirigée par Ibrahim Abunar, l'ancien responsable de la construction du groupe, qui a progressivement pris le rôle de directeur lorsque la majorité de la direction a quitté l'entreprise l'an dernier. Il a ainsi remplacé Farid Chaker, aujourd'hui aux abonnés absents. Lancée en début d'année, MACC serait détenue à 90 % par Hani el-Azaml, lié à la famille de M. Hariri, et à 10 % par Ouday el-Shaikh, adjoint de M. Hariri à la présidence du conseil d'administration de Saudi Oger.

Selon plusieurs sources, le but principal de la création de MACC serait de récupérer certains anciens chantiers de Saudi Oger, tels que la maintenance de La King Abdallah University of Science and Technology (Kaust), une université privée créée en 2009 près de Djeddah. Selon le responsable de Saudi Oger, « près de 3 000 employés y seront affectés ». Mais, pour l'instant, le démarrage des activités de MACC dans le royaume coince. « À l'heure actuelle, personne n'a été transféré à MACC, précise un ancien de Saudi Oger. Si les autorités saoudiennes comprennent que c'est juste un Saudi Oger bis qui essaie de reprendre des projets alors que ses problèmes n'ont pas été réglés, alors c'est bien possible que ça ne passe pas. »

 

(Pour mémoire : Saudi Oger : des sous-traitants réclament des dizaines de millions de dollars)

 

Palais au Maroc
Pour autant, la famille royale n'a pas hésité à confier un autre chantier en dehors de l'Arabie saoudite à MACC. Selon plusieurs sources, des dizaines de ses employés sont affectés à un projet de rénovation et de construction d'un palais à Tanger, au Maroc, appelé Salmanya et propriété de la famille royale saoudienne. « Nous sommes une quarantaine d'employés sur place, confirme un salarié à L'Orient-Le Jour. J'ai rejoint l'équipe car je bénéficie d'un contrat de droit français, au nom de SISA France. Sinon, je n'aurais jamais rejoint une entreprise dirigée par des anciens de Saudi Oger. » Contactée, SISA France, un bureau d'étude, affirme cependant ne pas travailler directement avec MACC, mais avec Oger International. « J'ai entendu parler d'une société créée pour le palais royal à Tanger. Mais c'est Oger International qui pilote ça. Les salariés, au nombre d'une dizaine, ont bien des contrats au nom de notre société, mais nous facturons tout à Oger International », explique un employé de SISA.

Basée en France, Oger International est une filiale de Saudi Oger. Sollicitée par L'Orient-Le Jour, une employée proche de sa direction n'a pas voulu donner plus de détails sur MACC. « Je peux vous dire que MACC existe, qu'Oger International travaille avec MACC, et qu'il y a un chantier à Tanger. Mais je ne connais pas les employés de MACC », note-t-elle. Elle dit également ne pas avoir d'informations sur SISA France. De son côté, le PDG d'Oger International, Omar Joseph Baroud, n'a pas répondu à nos sollicitations. Les relations entre Saudi Oger, MACC et Oger International restent donc obscures. Il semble pourtant que, pour une raison inconnue, MACC passe par Oger International pour régler ses salariés au Maroc.

Reste qu'en ce qui concerne leurs arriérés de salaires, plus aucun employé de Saudi Oger interrogé par L'Orient-Le Jour ne croit qu'il sera un jour indemnisé. « Si on me paie, j'aurai l'impression d'avoir gagné au loto. Mais j'ai fait une croix dessus », soupire l'un d'entre eux.

 

 

Pour mémoire

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commentaires (4)

VICTIME COMME TOUTES LES AUTRES SOCIETES DU CHANGEMENT DE POLITIQUE DANS LES BUDGETS DES TRAVAUX PUBLIQUES...

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 16, le 08 juin 2017

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Commentaires (4)

  • VICTIME COMME TOUTES LES AUTRES SOCIETES DU CHANGEMENT DE POLITIQUE DANS LES BUDGETS DES TRAVAUX PUBLIQUES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 16, le 08 juin 2017

  • ne jamais faire confiance aux saudis....

    Talaat Dominique

    19 h 08, le 08 juin 2017

  • On arriverait meme à avoir pitié de notre pauvre petit riche P.M .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 21, le 08 juin 2017

  • Incroyable: le plus odieux dans l'histoire, c'est l'état Saudien qui doit a Saudi Oger plus de 8 milliards de $, alors que ses dettes seraient la moitié de cette somme... Si ceci est vrai, c'est encore une fois l'arbitraire éhonté de ces gens-là qui confisquent simplement l'argent qu'ils vous doivent sans que vous ayez de recours légal...Ils ruinent les gens à leur guise et je connais pas mal d'histoires similaires dans le passé. Est-ce à dire que notre premier ministre est tombé de son piédestal et n'a plus la confiance et l'appui des Saousiens? Au moins, il a encore un toit sur la tête et de quoi manger(sic) Ça n'augure pas bien pour l'avenir

    Saliba Nouhad

    14 h 37, le 08 juin 2017

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