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Liban - Législation anticorruption

L’adoption de la loi sur le droit d’accès à l’information, un début prometteur

Les citoyens ont désormais un droit de regard sur les informations et documents relatifs aux dépenses publiques.

Les représentants de l’État, de la justice et des ONG réunis pour définir les mécanismes en vue de la lutte contre la corruption.

C'est probablement l'une des premières concrétisations des multiples promesses du mandat actuel : la loi sur le droit d'accès à l'information vient de paraître au Journal officiel. Ce texte constitue la pierre angulaire du chantier de réforme pour amorcer, comme promis, la lutte contre la corruption.

On s'en souvient encore : ce dossier était l'un des premiers engagements faits par le chef de l'État dans son discours d'investiture. Le texte, qui contraint désormais les administrations de l'État à rendre publiques toute information et documentation relatives à leurs secteurs et à leurs dépenses, est indiscutablement une réalisation majeure sur la voie de l'assainissement des pratiques de l'État en termes de transparence et de contrôle, une tâche qui vient d'être érigée en droit, octroyé cette fois-ci au citoyen libanais et aux journalistes.
Ces derniers pourront ainsi interpeller, dès aujourd'hui en principe, tout responsable politique ou administratif pour lui demander des informations et par conséquent de rendre compte en matière de dépenses publiques.

L'adoption de cette loi, déjà en vigueur dans 90 autres pays du monde, représente un bond qualitatif qui restitue enfin au citoyen une pratique démocratique majeure. Si elle est bien appliquée, elle pourra, on l'espère, mettre un terme à la corruption tentaculaire qui prévaut au niveau de l'État.
Il reste que l'étendue de son efficacité est corollaire de l'adoption d'une série d'autres lois complémentaires encore en cours d'examen. C'est ce qui a motivé notamment la réunion élargie qui a eu lieu hier au Parlement en présence de l'ensemble des parties à l'origine de cette initiative d'action collective : les députés concernés, Michel Moussa et Ghassan Moukheiber, le ministre chargé de la Lutte contre la corruption, Nicolas Tuéni, la ministre chargée du Développement administratif, Inaya Ezzeddine, le président du Conseil supérieur de la magistrature, Jean Fahd, la Legal Agenda et plusieurs organisations locales et internationales, avec à leur tête la LTA (Lebanese Transparency Association), le Groupe des parlementaires libanais contre la corruption et le PNUD, qui supervise un programme dans ce sens.

 

(Pour mémoire : Droit d'accès à l'information : l'administration va-t-elle suivre ?)

 

Un arsenal incomplet
Le président de la LTA, Badri Méouchi, a fait le point avec L'OLJ sur cette rencontre, pour expliquer la teneur du nouveau texte et les défis de son application.

« Désormais, dit-il, la loi oblige les administrations à publier régulièrement les informations relatives aux projets entrepris et dépenses y afférentes. Elle permet en outre aux citoyens et aux médias de jouir de leur droit d'accès à ce type d'information, sachant qu'une clause explicite en ce sens est prévue leur garantissant ce droit, mais aussi celui de s'adresser directement aux ministères concernés pour les rappeler à leurs obligations », dit-il. Pour M. Méouchi, les ministres des gouvernements successifs ont prouvé à ce jour qu'ils détenaient « un pouvoir supérieur à celui dont jouissent le président de la République et le Premier ministre », allusion faite notamment à l'impuissance de l'ancien chef du gouvernement, Tammam Salam, à mettre un terme à la corruption rampante au sein des membres de son cabinet.
Le nouveau texte définit en outre la procédure et le mécanisme à suivre afin que tout citoyen libanais puisse réclamer les informations et les documents publics l'intéressant, poursuit M. Méouchi.

Selon Ghassan Moukheiber, député du bloc du Changement et de la Réforme, la loi est devenue « exécutoire et contraignante » et n'a même pas besoin à ce stade « des décrets d'application qui devront simplement apporter certains détails concernant les délais notamment ». Quant aux mécanismes d'application, ils seront mis en place par le ministère de la Réforme administrative qui s'est déjà attelé à la tâche. « Le seul défi, relève M. Moukheiber, est la bonne application de la loi. »
Sur ce point, le président de la LTA précise toutefois que l'un des obstacles serait l'incapacité interne au sein des ministères habilitant l'administration à fournir à temps les informations et la documentation requises. « La volonté politique est certes une grande inconnue, mais la loi va certainement l'inciter. Toutefois, la volonté seule ne suffit pas. Il faut une capacité logistique qui fait défaut au sein des ministères », fait remarquer M. Méouchi.

L'autre défi est en outre représenté par l'adoption de trois autres lois adjacentes qui viendront compléter l'arsenal, à savoir la loi sur la protection des lanceurs d'alertes, la loi prévoyant la création d'une commission nationale pour la lutte contre la corruption, une instance qui sera notamment chargée de recueillir les recours des citoyens. Une troisième loi fait également défaut à ce jour, celle sur l'enrichissement illégal, le texte en vigueur « étant inutile dans sa mouture actuelle et devant être modifié ».

Adoptée en 1999, cette loi controversée, qualifiée à l'époque de « loi-mine » par le député Fouad el-Saad, ne sert pratiquement à rien. Le texte prévoit en effet que les responsables politiques soumettent une déclaration de patrimoine au Conseil d'État qui restera indéfiniment sous scellés à moins qu'une preuve tangible de corruption ne soit présentée, auquel cas l'enveloppe cachetée sera ouverte. À ce jour, aucune déclaration n'a fait l'objet d'une procédure judiciaire, bien que les scandales de corruption éclaboussant plusieurs membres de la classe politique sont récurrents.

 

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