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Liban - Costa Brava

AIB : le gouvernement prend une série de mesures pour éloigner les oiseaux

Une réunion d'urgence a été tenue hier en soirée au Grand Sérail en vue de discuter des solutions en vue. La société civile continue de réclamer la seule mesure qui lui semble suffisante : la fermeture de la décharge.

Près des pistes de l’aéroport de Beyrouth, une nuée d’oiseaux. Joseph Eid/AFP

La dernière polémique en date concernant la prolifération, autour de la décharge de Costa Brava, de mouettes représentant un risque pour l'aviation civile, ainsi que la décision du juge des référés de Baabda demandant l'arrêt temporaire du transport des déchets sur le site, s'est encore envenimée hier. Une longue journée de communiqués et de réponses s'est achevée par une réunion au Grand Sérail tenue par le Premier ministre Saad Hariri avec les ministres de l'Environnement, Tarek el-Khatib, et des Travaux publics, Youssef Fenianos, ainsi qu'avec le PDG de la MEA, Mohammad el-Hout et le président du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), Nabil Jisr.

À l'issue de cette réunion, M. Fenianos a annoncé une série de mesures, prises « après la consultation d'experts internationaux, sur l'environnement mais aussi sur la protection de l'aviation civile », par le gouvernement face au risque que représentent les oiseaux : l'utilisation de la pyrotechnie, qui consiste à employer des armes de tirs à blanc et/ou à produire des sons à haute intensité afin d'effrayer les oiseaux (qui impliquent des emplois à temps plein à l'aéroport, comme l'avait proposé le CDR dans un communiqué en journée) ; des machines émettant des sons qui effraient les oiseaux ; la dissémination de matières qui rebutent les volatils autour de l'aéroport.

M. Fenianos a également fait part des mesures prises sur le terrain en présence de M. Khatib, notamment la fermeture de plusieurs points d'eau autour des pistes de l'aéroport international de Beyrouth, qui attiraient les volatils. Il a aussi évoqué les égouts du fleuve Ghadir et les élevages de volatils et de bovins qui posent problème. « Toutes ces questions seront traitées une à une », a-t-il assuré. Ces derniers temps, des oiseaux ont été pris dans les réacteurs d'avions à plusieurs reprises.

 

CDR : Ce n'est pas la décharge qui attire les oiseaux
La décharge de Costa Brava (littoral de Choueifate), qui se trouve juste au sud de l'aéroport de Beyrouth, est l'une des deux décharges décidées dans le cadre du dernier plan gouvernemental en date de gestion des déchets. Le problème des mouettes, attirées en grand nombre par les déchets non triés sur le site de Costa Brava, a pris une importance croissante, qui a poussé la Campagne pour la fermeture de la décharge du Ghadir à intenter un procès contre les entrepreneurs. Cette plainte a résulté dans le jugement qui interdit temporairement le transport des ordures au site, mis en application depuis hier.

Le CDR, principale institution en charge de la supervision du dossier des déchets et de la construction des décharges, a publié un communiqué hier en journée pour répondre à ses détracteurs. Il estime que « le problème de la prolifération d'oiseaux aux alentours de l'aéroport Rafic Hariri est ancien et dû à de nombreux facteurs ». Pour lui, la décharge n'est pas le principal facteur d'attraction des oiseaux et « des mesures sont prises depuis l'ouverture du chantier pour contrer ce problème, comme les couches de terre qui recouvrent les ballots d'ordures ou encore la présence de machines qui produisent des sons de nature à effrayer les oiseaux ». 

Le CDR se réfère à un rapport réalisé par une équipe du ministère de l'Environnement le 30 décembre dernier, qui indique « ne pas avoir observé d'oiseaux au-dessus des ballots de déchets ».

Pour expliquer la prolifération d'oiseaux, il cite d'autres facteurs : le lit du fleuve du Ghadir qui s'est transformé en un égout à ciel ouvert, l'embouchure du fleuve qui est trop proche de la piste ouest de l'aéroport, les rejets maritimes de la station d'épuration du Ghadir, sans compter des activités d'élevage d'oiseaux dans la région, l'accumulation des eaux de pluie dans l'enceinte de l'aéroport ou encore des terrains vagues couverts d'herbes folles près des pistes. « La décharge ne constitue pas, pour le moment, une source d'attraction pour les oiseaux, en raison des mesures prises et du mouvement incessant sur le site », affirme le communiqué du CDR.

Des arguments corroborés par les propos du ministre de l'Environnement, Tarek el-Khatib, durant la tournée qu'il a effectuée hier dans la décharge. Celui-ci a affirmé que selon ses « observations personnelles, durant cette tournée, il n'y a pas d'oiseaux dans le périmètre de la décharge, mais plutôt près de l'embouchure du fleuve du Ghadir ». Il a ajouté cependant que, « où que soient ces oiseaux, l'affaire doit être résolue », appelant les responsables de la société de Jihad el-Arab (l'entrepreneur qui construit la décharge) à respecter la décision du juge.
Pour sa part, la société al-Jihad a publié un communiqué dans lequel elle affirme « appliquer les normes internationales de sécurité les plus strictes dans tous ses travaux ».

 

« Pourquoi maintenant? » se demande la société civile
Ces allégations ont été vivement critiquées hier par des acteurs de la société civile. La Campagne pour la fermeture de la décharge du Ghadir a fait remarquer, dans un communiqué en réponse au ministre et au CDR, que « les mouettes sont présentes depuis toujours sur le littoral libanais et à l'embouchure du fleuve Ghadir en particulier, mais elles n'ont jamais représenté un danger pour l'aviation civile jusqu'à ce que cette décharge soit mise en place ».

À L'OLJ, l'expert environnemental Nagi Kodeih, qui suit le dossier de près et qui est lui-même un habitant de Choueifate, insiste sur « la prolifération extraordinaire et facilement observable d'oiseaux ». « On nous parle de la pollution du fleuve du Ghadir, elle est bien réelle mais elle date de trente ans au moins, poursuit-il. Le seul facteur nouveau dans cette région est la décharge de Costa Brava. C'est la pure logique scientifique. » Il se demande « comment le ministre se fonde sur une observation empirique pour statuer qu'il n'y a pas d'oiseaux au-dessus de la décharge ».

Interrogé par L'OLJ sur ce qu'il a voulu dire par ses observations sur le terrain, le ministre Khatib affirme « n'avoir personnellement pas vu d'oiseaux durant sa présence à la décharge, mais il se peut qu'il y en ait eu avant ou après, il ne faut pas interpréter ces paroles autrement ». Il a assuré que « des études sont en cours pour déterminer de manière précise ce qui attire ces oiseaux ».
Interrogé sur le rôle du ministère et sur les activités qu'il met en place, M. Khatib rappelle que « quand la commission technique a été créée pour superviser ces deux décharges, le ministère de l'Environnement était dessaisi de ce dossier, d'où le fait que la supervision échoit actuellement au CDR ». Il ajoute que « le CDR prodigue tous les efforts qu'il faut pour régler cette affaire ».

 

« Pas de risque zéro sans la fermeture de cette décharge »
Outre la polémique sur les principales sources d'attraction des oiseaux, reste à savoir si les mesures envisagées par le gouvernement et le CDR seront efficaces. Nagi Kodeih reste très critique envers ces mesures qui sont, selon lui, tout bonnement insuffisantes. « Les machines qui imitent le son des rapaces, à titre d'exemple, supposent une réaction biologique de la part de l'animal, dit-il. Or le propre de la réaction biologique est qu'elle est hypothétique. D'autant plus que le comportement de la mouette au son d'un rapace n'est pas vraiment prévisible : au lieu de fuir, l'oiseau peut paniquer et foncer droit sur le moteur d'avion. Ou alors, les mouettes pourraient s'habituer à ces sons ou toute autre technique utilisée, et comprendre qu'il n'y a pas de danger réel. Enfin, l'efficacité de ce genre de machines est limité dans l'espace et n'atteint plus l'animal à partir de quelques dizaines ou centaines de mètres. »

Selon l'expert, le risque sur l'aviation est énorme et il devrait être traité comme tel, pas avec des techniques qui n'ont qu'une certaine marge de succès. « La folie, c'est d'avoir installé une décharge à côté d'un aéroport, dit-il. Nous avions mis en garde contre le danger des oiseaux dès le premier jour. Face au danger d'une catastrophe aérienne qui coûterait des centaines de vies humaines, il n'y a qu'une mesure à prendre : celle de déplacer cette décharge et de transporter ailleurs, dès aujourd'hui, les déchets qui y ont été entreposés. »
Les jours qui suivent devraient apporter des réponses sur l'efficacité des techniques pour éloigner les oiseaux et sur le sort de la décharge elle-même qui fait l'objet d'un jugement temporaire. Entre-temps, les propositions du CDR ont fait les choux gras des internautes : ceux-ci ne se sont pas privés de lancer des blagues sur les nouveaux emplois dont la création a été envisagée par les autorités, dont celui d'épouvantails vivants chargés de faire fuir les volatils sur les pistes de l'aéroport...

 

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commentaires (5)

Oui, mais on oublie que c'est nous-mêmes, nos enfants, notre famille, nos amis qui empruntent tous les jours cet aéroport et qu'une catastrophe pourrait toucher chacun de nous et pas seulement "les autres".... L'inconscience, l'irresponsabilité, la médiocrité de nos dirigeants est effarante. Cependant, on se demande comment des organismes internationaux comme la IATA, et autres pour la sécurité de l'aviation civile, n'ont pas réagi, menacé d'interdire décollage et atterrissage de notre aéroport avant que le problème soit réglé? C'est à se demander jusqu'à quel point ce problème est réel et dangereux... Jusqu'au jour de la fameuse catastrophe qui fera la une des journaux: possible que là, les responsables admettront le réel danger!

Saliba Nouhad

18 h 16, le 13 janvier 2017

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Commentaires (5)

  • Oui, mais on oublie que c'est nous-mêmes, nos enfants, notre famille, nos amis qui empruntent tous les jours cet aéroport et qu'une catastrophe pourrait toucher chacun de nous et pas seulement "les autres".... L'inconscience, l'irresponsabilité, la médiocrité de nos dirigeants est effarante. Cependant, on se demande comment des organismes internationaux comme la IATA, et autres pour la sécurité de l'aviation civile, n'ont pas réagi, menacé d'interdire décollage et atterrissage de notre aéroport avant que le problème soit réglé? C'est à se demander jusqu'à quel point ce problème est réel et dangereux... Jusqu'au jour de la fameuse catastrophe qui fera la une des journaux: possible que là, les responsables admettront le réel danger!

    Saliba Nouhad

    18 h 16, le 13 janvier 2017

  • Le jour ou un avion tombera ( a Dieu ne plaise )au decollage a cause des oiseaux et fera des dizaines de morts qui sera responsable? Le ministre qui dit ne pas avoir vu d'oiseaux sur la decharge? le Premier Ministre? Le President de la Republique? Resolvez ce problem immediatement sinon vous tous , politiciens vous serez responsible Un homme averti en vaux deux, dit le dicton

    LA VERITE

    15 h 50, le 13 janvier 2017

  • Quid des Libanais(h), eux les "Grands pigeons" ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 41, le 13 janvier 2017

  • Dans le doute des allegations des uns et des autres les responsables devraient se tourner vers un plan B ... Pourquoi ne pas remettre en service de maniere provisoire les Aeroport Rene Mouawad Kleyate Dans le Nord Liban ou Rayak dans la Bekaa afin d assurer la securite de l aviation civile et des passagers qui empruntent l aeroport de Beyrouth .... Le temps de remettre les pendules a l heure ....

    Menassa Antoine

    13 h 51, le 13 janvier 2017

  • Hourrah...nous avons un nouveau cirque au Liban: l'aéroport de Beyrouth et ses environs ! On se demande vraiment si tous les "responsables" concernés par ce problème ne se rendent pas compte du ridicule de leurs affirmations ? Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 26, le 13 janvier 2017

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