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Économie - Rapport

Vers une hausse en trompe-l’œil du pouvoir d’achat des ménages d’ici à 2020 ?

Un rapport de Business Monitor International estime que les dépenses des ménages vont augmenter de 6,4 % entre 2016 et 2020. Mais certaines de ses hypothèses surprennent les experts locaux.

Les dépenses pour les biens dits de première nécessité, dont ceux de l’habillement, devraient voir leur part dans le budget des ménages augmenter à l’horizon 2020, au détriment des biens dits non essentiels, selon BMI. Anwar Amro/AFP

Un rapport publié par Business Monitor International (BMI) sur le commerce de détail au Liban et cité par le Lebanon Brief de la Blominvest Bank établit une projection des dépenses des ménages d'ici à 2020. Il estime que les dépenses moyennes par tête vont augmenter d'environ 30 % entre 2016 et 2020 pour atteindre 5 998 dollars, soit un taux de croissance annuel composé (constant sur la période) de 6,4 %. « Étant donné que le taux d'inflation restera modeste, en moyenne à 3,3 % sur 2017-2020 et suite à deux années de déflation entre 2015 et 2016, cela représente une modeste augmentation du pouvoir d'achat des ménages libanais, qui vont continuer à bénéficier des prix bas du pétrole à court et à moyen termes », note le rapport. Sont aussi prises en compte les estimations à la hausse de la Banque mondiale concernant les remises des expatriés dans l'alimentation des dépenses des ménages, à 7,6 milliards de dollars en 2016. Reste que « cette hausse est estimée en valeur nominale, incluant donc l'inflation et les effets de change, en valeur réelle elle avoisinerait plutôt les 3 à 4 % entre 2016 et 2018 », explique l'auteur du rapport, Yonela Rozani. L'étude estime ainsi que le revenu net par tête connaîtra une croissance équivalente aux dépenses sur les cinq prochaines années, passant de 10 808 dollars en 2016 à 14 106 dollars en 2020. La part d'épargne des ménages avoisinerait alors les 58 %, une part assez importante mais qui inclut également « le paiement des dettes des ménages », ajoute Yonela Rozani.
Mais, selon des experts, certaines projections sont à prendre avec des pincettes. « Pour 2016, je ne pense pas qu'il y ait eu une si forte hausse de la consommation (NDLR : en hausse de 6,26 % entre 2015 et 2016), dans un contexte où le taux d'inflation était très modéré. Mais, pour les années suivantes, les résultats me semblent plutôt réalistes du fait du retour de la confiance des ménages avec l'élection présidentielle et la formation d'un nouveau gouvernement, qui va se traduire par une hausse de la croissance, donc de la consommation et du pouvoir d'achat », estime Marwan Mikhaël, directeur du département de recherche de la Blominvest Bank. « Ces chiffres m'étonnent, il est très difficile d'atteindre une telle hausse de la consommation des ménages, ainsi qu'un taux d'inflation de plus de 3 %, alors qu'il est quasiment nul pour l'instant, à moins d'un scénario pessimiste de crash monétaire de la livre libanaise », rétorque le directeur du cabinet Consultation and Research Institute, Kamal Hamdane. « La tendance mondiale est à la hausse des prix, couplée avec une reprise de la confiance des consommateurs à partir de 2018, ce qui va générer de l'inflation », justifie le rapport de BMI.

Dépenses de première nécessité
Cette hausse du pouvoir d'achat apparaît de toute façon en trompe-l'œil. Car l'augmentation des dépenses va surtout concerner les biens dits de première nécessité (logement, charges courantes, habillement, nourriture, transport et communication) au détriment des biens dits non essentiels (santé, éducation, alcool, tabac, loisirs...). Les dépenses de nécessité représentent donc à elles seules 71,5 % des dépenses totales des ménages en 2016, et devraient atteindre les 72,7 % en 2020.
La raison ? Alors que les dépenses liées au logement et aux charges courantes représentent les plus grosses dépenses des ménages avec 27,9 % de leur facture totale, celles-ci devraient s'accroître à 29 % en 2020. « Les coûts des charges courantes sont parmi les plus élevées de la zone Mena, alors qu'il existe une pénurie de logements abordables dans les plus grandes villes du pays, surtout à Beyrouth », ajoute le rapport. Pourtant, selon le consultant de l'agence de conseil immobilier Ramco, Guillaume Boudisseau, « rien ne laisse présager une hausse des prix, à la vente comme à la location, en tout cas à court terme. Du fait de la masse de biens invendus sur le marché, nous sommes plutôt dans une tendance baissière, et il faudrait au moins arriver à une stagnation. La même logique prévaut pour le marché de la location, alors que les locataires des appartements aux loyers anciens vont libérer leurs habitations et que ceux-ci seront difficiles à louer par la suite ».
Deuxième poste de dépense important, les aliments et boissons non alcoolisées, qui représentent 20,4 % du total des factures, devront aussi augmenter de 6,7 % en taux annuel composé, à 7,3 milliards de dollars en 2020. « L'augmentation démographique due à l'afflux de 1,5 million de réfugiés syriens devrait contribuer à renforcer la consommation au cours des prochaines années », explique Yonela Rozani.
Pourtant, l'augmentation de ces dépenses va avoir pour effet de limiter celles pour les biens dits non essentiels, passant d'une part de 28,6 % du budget des ménages en 2016 à 27,3 % en 2020. « Étant donné que le coût de la vie restera élevé, la plupart des catégories de produits dits non essentiels enregistreront une faible croissance sur les cinq prochaines années, comme pour les boissons alcoolisées, les loisirs et l'éducation », note le rapport. De même, le secteur du luxe, notamment dans l'habillement, devrait être le plus gravement touché, compte tenu de la perspective morose du secteur touristique, le ralentissement économique des pays du Golfe pouvant dissuader ses touristes de se rendre au Liban. « Au contraire, le secteur du luxe et celui des biens durables va fortement bénéficier du retour prévu des touristes du Golfe et du phénomène de confiance, ainsi que d'une hausse du pouvoir d'achat. Cela sera le résultat de l'amélioration de la croissance liée à la formation d'un nouveau gouvernement (NDLR : le 18 décembre dernier) et à l'entente politique sur la loi électorale (qui devrait intervenir) cette année », détaille le président de l'Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas.

C.Hd.

Un rapport publié par Business Monitor International (BMI) sur le commerce de détail au Liban et cité par le Lebanon Brief de la Blominvest Bank établit une projection des dépenses des ménages d'ici à 2020. Il estime que les dépenses moyennes par tête vont augmenter d'environ 30 % entre 2016 et 2020 pour atteindre 5 998 dollars, soit un taux de croissance annuel composé (constant sur...

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