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Économie - Liban - Hydrocarbures

Le gouvernement débloque le dossier du gaz offshore

Le Conseil des ministres a adopté hier deux décrets indispensables au lancement de l'appel d'offres sur l'attribution des licences d'exploration des blocs maritimes, paralysé depuis 2013.

L’un des deux décrets adoptés hier par le gouvernement définit les coordonnées des dix blocs de concession prévus dans la Zone économique exclusive libanaise. Behrouz Merhi/AFP

Après près de quatre ans de blocage, le gouvernement d'unité nationale de Saad Hariri a concrétisé hier son premier engagement en adoptant deux décrets portant respectivement sur la délimitation des blocs de concession pour l'exploration du gaz offshore du pays et les modalités du contrat devant lier l'État aux concessionnaires.

 

Ouverture graduelle ?
Ces décrets avaient été rédigés par l'Autorité de l'énergie (LPA) et déposés dès mars 2013 par le ministère de l'Énergie à la présidence du Conseil des ministres. Un mois plus tard, 46 compagnies – dont 12 grands groupes internationaux habilités à se porter candidats en tant qu'opérateurs – avaient été sélectionnées par la LPA pour participer à l'appel d'offres sur l'attribution de ces licences d'exploration. Mais l'ajournement à six reprises de l'adoption de ces deux décrets, faute de consensus politique, avait paralysé le processus.
Si aucune version de ces deux décrets n'a jusque-là été rendue publique, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Marwan Hamadé (proche du Parti socialiste progressiste) indique à L'Orient-Le Jour que « certaines rectifications mineures seront apportées aux textes avant la signature, principalement pour octroyer une marge de contrôle au ministère des Finances ».

Le premier décret définit les coordonnées des dix blocs de concession prévus dans la Zone économique exclusive (ZEE) du Liban, en se basant sur des études géologiques réalisées par la LPA. La décision d'ouvrir ou non la totalité des blocs, et le choix des blocs pouvant éventuellement être proposés en priorité reviendra au ministre de l'Énergie, César Abi Khalil (CPL), sur avis consultatif de la LPA. Cette dernière « avait proposé, en 2013, une ouverture graduelle des blocs 1 et 4 (au Nord), 5 et 6 (au centre), et 9 (au Sud) », rappelle à L'Orient-Le Jour Mona Sukkarieh, cofondatrice du cabinet Middle East Strategic Perspectives. Mais l'accord politique noué le 1er juillet entre Nabih Berry (Amal) et Gebran Bassil (CPL), dont le contenu n'a pas été rendu public, semble présager une autre priorisation, selon M. Hamadé, qui s'est opposé à l'adoption des deux textes. « Nous avons appris (hier) que l'accord porte sur l'ouverture des trois blocs du Sud (8, 9 et 10), d'un bloc au centre et un autre au Nord. Connaissant les litiges frontaliers avec Israël sur les blocs du Sud, je crains qu'il n'y ait très peu de sociétés qui acceptent de prendre un tel risque », prévient-il. Pour rappel, le litige frontalier entre le Liban et Israël sur une partie des blocs du Sud remonte à la décision prise par Tel-Aviv en 2011 d'officialiser sa ZEE en empiétant d'environ 850 km2 sur celle – totalisant 22 730 km2 – déclarée un an plus tôt par Beyrouth à l'ONU. À ce jour, la médiation américaine n'a pas permis de résoudre ce litige.

Le second décret détermine le protocole de déroulement de l'appel d'offres et précise les modalités du contrat-type d'exploration et de production devant lier l'État aux concessionnaires. « Le contrat-type approuvé aujourd'hui par le Conseil des ministres est un contrat d'exploration et de production. Si les travaux d'exploration confirment la présence d'un gisement contenant des quantités commerciales d'hydrocarbures, le consortium détenteur de droit pourra proposer un plan de développement. Si le plan est approuvé par le Conseil des ministres, le consortium pourra procéder à l'extraction des ressources », détaille Mme Sukkarieh.

 

(Lire aussi : Joumblatt à « L’OLJ » : Je m’oppose au piratage officiel et organisé de nos ressources pétrolières)

 

Régime fiscal
Cependant, l'adoption de ces deux décrets n'aboutira pas forcément à la clôture de l'appel d'offres pour la première attribution de licences d'exploration pétrolière offshore dans la ZEE libanaise. En juillet dernier, la LPA avait fait savoir par le biais du directeur de son département de géologie et de géophysique à ce moment-là, et actuel président depuis décembre, Wissam Chbat, qu'elle s'apprêtait à reprendre contact avec ces 46 sociétés « pour savoir combien d'entre elles sont toujours intéressées par l'exploration du gaz offshore au Liban ». Ce dernier avait évoqué la possibilité pour la LPA, en cas de nombreux désistements, « d'organiser une nouvelle présélection en lançant un appel à manifestation d'intérêt pour les sociétés qui n'avaient pas postulé la première fois ». « Aucune décision officielle n'a été prise pour le moment », indique Mme Sukkarieh.

Quoi qu'il en soit, ces sociétés présélectionnées ne pourront pas encore consulter la loi qui régira la fiscalité du secteur pétrolier au Liban pour faire leur choix. « C'est crucial pour les entreprises de connaître le régime fiscal auquel elles seront soumises, avant de présenter leurs offres », souligne Laury Haytayan, directrice au Natural Resource Governance Institute. Le projet de loi, qui a été préparé par la LPA et le ministère des Finances et soumis en janvier 2014 au Conseil des ministres, n'a pas été transféré hier au Parlement par le gouvernement, bien qu'il figurait à l'ordre du jour. Un comité interministériel présidé par M. Hariri, et réunissant les ministres de l'Énergie et des Finances, a été chargé d'examiner le texte. « Le régime fiscal fixe des royalties à 4 % pour la production du gaz, et entre 5 et 12 % pour la production du pétrole. Il prévoit également que la société ayant réalisé l'exploration puisse encaisser les premiers revenus générés par la production, afin de couvrir ses frais de forage. Enfin, les revenus seront dans un second temps partagés entre l'État et la société, selon des parts qui seront déterminées lors de la négociation bilatérale du contrat », précise Mme Sukkarieh. « La part des revenus attribuée à la société sera également taxée, probablement à hauteur de 25-30 % », ajoute Mme Haytayan.

Reste la question épineuse relative à la création d'un fonds souverain. « Sa création est brièvement évoquée dans la loi de 2010 sur les ressources pétrolières offshore, mais elle ne constitue pas une priorité absolue », rappelle Mme Sukkarieh. L'ancien président de la LPA avait, lors d'une conférence organisée fin mai, tablé sur « un délai de 7 ans entre le lancement de l'appel d'offres et le début de l'exploitation ». Pour le moment, le comité interministériel précité, incluant en plus le ministre d'État pour la Planification, Michel Pharaon, a également été chargé d'étudier ce point. « La mission de ce comité est très floue ! Nous ignorons s'il est simplement chargé de discuter de la création de ce fonds ou bien de la rédaction du projet de loi encadrant sa création », dénonce M. Hamadé.

NB: Cet article a été modifié pour corriger une erreur sur les textes régissant les royalties et le partage des revenus entre l’État et les sociétés pétrolières. 

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Ouverture graduelle ?Ces décrets avaient été...

commentaires (4)

Hâmîhâh haramîhâh !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

12 h 33, le 06 janvier 2017

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Hâmîhâh haramîhâh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 33, le 06 janvier 2017

  • Après deux ans de gouvernement offshore ...l'empire contre attaque...:-)

    M.V.

    19 h 47, le 05 janvier 2017

  • La chose hyper positive c'est que les armes du hezb résistant serviront de parapluie aux prédateurs usurpateurs qui nous côtoient à partir du sud usurpée aux palestiniens.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 31, le 05 janvier 2017

  • Ah, voilà un papier qui éclaire le débat: il explique point par point la portée des décrets adoptés, leurs conséquences à court et moyen termes, les enjeux politiques et économiques, le cadre technique et fiscal, les étapes à venir, etc. Il cite des spécialistes et des politiques, bref un papier qui fait le point sur une question très importante avec un grand professionnalisme !

    Marionet

    09 h 05, le 05 janvier 2017

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