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Liban - Déontologie

Quand l’information se transforme en téléréalité

Le voyeurisme dans toute sa laideur.

Dimanche et lundi derniers, j'ai eu honte d'être journaliste.

Honte quand j'ai vu la couverture faite par certaines chaînes de télévision libanaises de l'attentat d'Istanbul.
J'ai voulu m'excuser au nom de tous ceux qui travaillent encore dans le domaine de l'information dans ce pays, auprès des familles des victimes et des blessés.
C'est qu'au Liban, malheureusement, de moins en moins de personnes traitent l'information, et sont en revanche à la recherche, surtout à la télé, d'un sensationnalisme peu ragoûtant.

En regardant les télévisions locales après une catastrophe, je suis souvent rebutée par certains reportages montrant des personnes en état de choc, pleurant leurs bien-aimés et ne se rendant pas compte de ce qu'elles font ou de ce qu'elles disent. Des séquences montrent des blessés ensanglantés qu'on interroge ou des cercueils qu'on fait danser.
Ma réaction immédiate est de zapper et de dénoncer ce comportement scandaleux. Car ces images n'apportent rien de plus à l'information. Pire encore, elles dégradent les êtres humains, qui, eux, sont nés dignes.

Sensationnaliste, immonde, dégoûtante, charognarde... Les adjectifs manquent pour qualifier la couverture faite par certains médias libanais de l'attentat d'Istanbul.
Nos télévisions ont filmé en direct une famille alors même qu'elle apprenait la mort de son bien-aimé. Une chaîne a donné le ton avant de commencer le direct. La présentatrice a dit : « La mort d'un tel a été confirmée. Maintenant, nous allons vous montrer comment la famille accueillera la nouvelle. » Et voilà l'antenne qui passe à la reporter sur place.

Une autre chaîne fait, elle, de gros plans sur des personnes qui s'évanouissent, tandis qu'une journaliste juge bon de lancer à l'antenne un appel à la Croix-Rouge.
Un autre reporter de la même chaîne se rend chez le vieux père de l'une des victimes pour lui demander à plusieurs reprises ce qu'il aimerait dire à sa fille disparue. Profondément éprouvé, l'homme finit par pleurer à chaudes larmes.
Cela n'est pas sans me rappeler une autre interview, recueillie il y a plus d'un an, auprès d'un petit garçon de trois ans blessé dans un attentat. Alors qu'il se trouvait sur la civière des urgences, dans la banlieue sud de Beyrouth, la journaliste lui avait demandé « ce qu'il ressentait maintenant que son père et sa mère ont été tués dans l'explosion ».

Dimanche et lundi derniers, un voyeurisme intolérable, abject régnait en maître sur certains médias locaux.
En avion, alors que les blessés étaient rapatriés, les téléspectateurs ont entendu les cris d'un homme en souffrance, allongé sur son brancard. Une reporter a demandé à un blessé de « lui montrer sa blessure à la cuisse », tandis qu'un envoyé spécial expliquait, images à l'appui, comment le sérum et les brancards – avec les blessés installés dessus, bien entendu – avaient été fixés dans l'avion pour assurer leur stabilité durant le vol... Ce ne sont là que quelques exemples d'une interminable litanie.
« Même dans la téléréalité, nous n'osons pas faire ça! » m'a dit, outrée face à ce spectacle affligeant, une professionnelle de la production télévisée.

Aux cameramen, reporters, présentateurs et patrons de chaînes de télévision, la question est toute simple. Aimeriez-vous être filmés de la sorte dans une situation similaire? Accepteriez-vous que votre propre famille soit exposée de la même façon ? Approuveriez-vous, en cas de blessure, d'être exhibés sur un brancard, dans un avion ou dans une ambulance ? Quelle serait votre réaction face au spectacle du cercueil d'une personne aimée, filmée sur le tapis roulant d'une soute à bagages ?
Des mesures s'imposent d'urgence contre ce qui porte désormais atteinte à la déontologie professionnelle et la dignité de l'être humain. Ou bien faut-il en conclure que les médias ne sont plus que le miroir de tout un pays plongé dans la décadence ?

 

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commentaires (1)

Pas d'accord... , quand les images sont "vraies" (j'entend par là originales ) et mêmes choquantes pour certains ,pourquoi masquer la réalité crue d'après une tragédie ? évidement quand les journalistes sont là ,pour montrer les images d'avant c'est moins choquant ....

M.V.

09 h 45, le 06 janvier 2017

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Commentaires (1)

  • Pas d'accord... , quand les images sont "vraies" (j'entend par là originales ) et mêmes choquantes pour certains ,pourquoi masquer la réalité crue d'après une tragédie ? évidement quand les journalistes sont là ,pour montrer les images d'avant c'est moins choquant ....

    M.V.

    09 h 45, le 06 janvier 2017

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