Benjamin Netanyahu déclare officiellement la guerre à l'Onu. Il les avait prévenus. Lors de son discours le 23 septembre dernier à New York, le Premier ministre israélien avait indiqué que « le chemin de la paix passe par Jérusalem et Ramallah, pas par New York », insistant sur le fait que son gouvernement n'accepterait aucune tentative des Nations unies de dicter leurs conditions à Israël.
La semaine dernière, le Conseil de sécurité avait expressément demandé pour la première fois à Israël de cesser la colonisation illégale dans les territoires palestiniens et à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville sainte occupée et annexée par l'État hébreu. Le Premier ministre israélien a immédiatement balayé d'un revers de main l'avanie subie, rendue possible à cause de son allié américain. Les États-Unis ont en effet choisi pour la première fois de s'abstenir lors du vote de la résolution 2334 rédigée par l'Égypte, alors qu'ils avaient jusqu'alors toujours soutenu l'État hébreu sur ce dossier. Les 14 autres membres du Conseil ont voté en faveur de ce texte. Une décision sans précédent, qui a aussitôt déclenché l'ire de Benjamin Netanyahu. « Israël rejette cette résolution anti-israélienne honteuse des Nations unies et ne s'y conformera pas », avaient aussitôt réagi avec véhémence dans un communiqué les services du Premier ministre israélien.
Lors d'une allocution télévisée retransmise le 24 décembre au soir, célébrant la fête de Hanouka, Benjamin Netanyahu a fustigé la décision du président Barack Obama de ne pas apposer son veto à la résolution, et entend désormais travailler avec l'administration du président élu Donald Trump pour corriger cet affront qualifié d'« absurde » et de « fantasque ». « M. Netanyahu est furieux parce qu'il a le sentiment que Barack Obama lui a fait un pied de nez juste avant de quitter le pouvoir et qu'il a mobilisé contre Israël 12 pays membres du Conseil de sécurité, et ce après que M. Trump eut nommé comme ambassadeur en Israël David Friedman, un extrémiste notoire », estime Karim Bitar, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Rappelons tout de même que si les relations entre Obama et Netanyahu n'ont jamais été au beau fixe, les États-Unis n'ont jamais cessé de verser leurs aides financières à Israël, notamment une somme record de 38 milliards de dollars sur 10 ans, en vertu d'un accord signé le 14 septembre dernier.
(Lire aussi : Vote à l'Onu sur les colonies : Netanyahu convoque et rencontre l'ambassadeur américain)
Pire cauchemar
M. Trump avait de son côté fait pression le jeudi 22 décembre auprès du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi afin qu'il reporte le vote du texte initialement prévu le jour même. Mais la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela ont obtenu que le vote se tienne le lendemain. À l'annonce de l'abstention américaine, Donald Trump a aussitôt réagi contre l'administration Obama par le biais d'un tweet acerbe : « Les choses seront différentes à l'Onu après le 20 janvier », date de son entrée en fonctions, a-t-il écrit, quelques minutes après que l'ambassadrice américaine aux Nations Unies, Samantha Power, a déclaré que les États-Unis ne peuvent pas « en même temps défendre l'expansion des colonies israéliennes et une solution à deux États », comme le fait Benjamin Netanyahu. Tergiversant entre une solution de consensus au conflit israélo-palestinien qui mènerait à la création de deux États distincts, et la poursuite de la colonisation, M. Netanyahu tient un double discours des plus flagrants, immédiatement sanctionné par l'Onu.
« Par son intransigeance et son obstination, Netanyahu crée les conditions objectives qui conduiront à la concrétisation de son pire cauchemar, un État binational », rappelle Karim Bitar.
Visiblement très remontée, voire hystérique, la riposte de Benjamin Netanyahu contre l'organisation internationale ne s'est pas fait attendre. Premiers à être sévèrement réprimandés ? Les représentants de 10 des 14 pays membres du Conseil de sécurité ayant voté pour le texte, qui ont été convoqués dimanche au ministère israélien des Affaires étrangères. Les visites en Israël du Premier ministre ukrainien, ainsi que du ministre des Affaires étrangères sénégalais, prévue prochainement, ont notamment été annulées à cause du vote de leur pays respectifs en faveur de la résolution. Le Sénégal ne verra plus la couleur des shekels alloués chaque année, au titre d'aide à l'agriculture.
(Lire aussi : Condamnation de la colonisation : le résultat de la frustration d'Obama)
Surenchères
Selon le quotidien israélien en ligne YnetNews, « Jérusalem a été très déçu par la Grande-Bretagne », alors même que la Première ministre britannique Theresa May mène une politique plutôt pro-israélienne. Jérusalem n'en espérait pas moins de la France ni même de l'Espagne, mais Benjamin Netanyahu aurait espéré que le président russe Vladimir Poutine mette son veto à la résolution, poursuit le site d'information.
Les ministres israéliens ont été sommés de couper les liens avec les représentants des 14 pays en question, et ne devront s'y rendre sous aucun prétexte. En outre, l'État hébreu gèlera ses versements annuels, soit près de 7,5 millions d'euros, à cinq institutions des Nations Unies considérées comme « anti-israéliennes », notamment l'Unrwa (Office de secours pour les réfugiés de Palestine). L'offensive de Netanyahu contre quiconque se dressera sur son chemin a démarré en trombe, et ne risque pas de se calmer de sitôt. Mais à trop vouloir faire la chasse aux sorcières après ce camouflet, Israël risque fortement d'en ressortir totalement décrédibilisé sur la scène internationale.
« La colère de Netanyahu sera contre-productive. Il dit vouloir punir l'Union européenne, oubliant que l'UE représente 29 % des exportations israéliennes. Il empêche ses ministres de visiter la Chine, alors qu'Israël a plus que jamais besoin de s'ouvrir aux marchés asiatiques », poursuit Karim Bitar. Après le temps des remontrances, vient le temps de la surenchère. Israël compte poursuivre la colonisation illégale au nez et à la barbe de la terre entière. Un comité de planification devrait d'ailleurs discuter aujourd'hui de la délivrance d'un permis de construire pour 618 logements à Jérusalem-Est, faisant fi de la décision onusienne. « À terme, ce ne sont pas les négociations diplomatiques, mais les réalités démographiques qui viendront à bout de la vision du monde de Netanyahu », conclut M. Bitar.
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commentaires (7)
Natanyahou ne fait que poursuivre le projet (un peu occulte) du Grand Israël...possible, pense t il, grâce a la stature velléitaire des grandes nations
Chammas frederico
11 h 48, le 29 décembre 2016