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À La Une - conflit

La chute d'Alep jette une lumière crue sur les faiblesses de l'Onu

"La crise syrienne a profondément entamé la réputation de l'Onu à travers le monde arabe", estime un expert.

Avec le conflit en Syrie et ses plus de 310.000 morts, les Nations unies fondées sur les ruines de la Seconde guerre mondiale et la promesse du "Plus jamais ça" se retrouvent, une nouvelle fois, face à la question lancinante de leur capacité à stopper les conflits. Drew Angerer/Getty Images/AFP

L'avertissement de l'émissaire des Nations unies avait retenti avec force : pilonnée par un barrage incessant de frappes aériennes, Alep-Est risquait d'être complètement rasée d'ici Noël si les Nations unies ne parvenaient pas à faire cesser le carnage.

Mais au cours des semaines ayant suivi l'appel d'urgence de Staffan de Mistura lancé en octobre, le monde a contemplé avec horreur la dévastation laissée dans leur sillage par les troupes syriennes, soutenues par la Russie, à mesure qu'elles avançaient vers la reprise d'Alep-Est. Et les Nations unies sont restées impuissantes.
Avec le conflit en Syrie et ses plus de 310.000 morts, l'organisation fondée sur les ruines de la Seconde guerre mondiale et la promesse du "Plus jamais ça" se retrouve, une nouvelle fois, face à la question lancinante de sa capacité à stopper les conflits.

La chute d'Alep "a provoqué une immense crise de confiance au sein du Conseil de sécurité", estime Richard Gowan, expert du groupe de réflexion European Council on Foreign Affairs (ECFR).
Si de nombreux diplomates accusent la Russie d'avoir offert une couverture diplomatique, à coups de veto, à son allié syrien, les grandes puissances occidentales, le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon et le système plus large des Nations unies, incapables de secourir le million de Syriens assiégés, ne sont pas épargnés par les critiques. Les lenteurs de la machine Onu sont notamment mises à l'index.

"Bien trop tard"
Alertés par des rapports dénonçant les exécutions à Alep-Est de dizaines de civils aux mains de milices syriennes, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont ainsi appelé au déploiement d'observateurs internationaux dès la mi-décembre. A l'origine de cette résolution, Paris espérait ainsi "éviter un nouveau Srebrenica", ville de Bosnie où fut commis en 1995 le pire massacre en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.

Il a fallu quatre jours au Conseil pour adopter, lundi, une résolution autorisant leur envoi. Ils sont finalement arrivés jeudi à Alep-Est, lorsque les dernières évacuations étaient organisées, la Croix-Rouge internationale espérant avoir terminé l'opération dès le lendemain. "Cette mesure importante est arrivée bien trop tard", a déploré Amnesty International.

Après dix ans à la tête de l'Onu, Ban Ki-moon défend toutefois la difficile gestion de la crise syrienne.
"Une situation peut parfois se développer jusqu'à dépasser mon contrôle, dépasser le contrôle des Nations unies", admettait-il dans un récent entretien à l'AFP. Signe des difficultés de cette mission, le secrétaire général a dû nommer trois émissaires spéciaux successifs pour mener les efforts de l'Onu en Syrie, après deux démissions.


(Pour mémoire : « Vibrant hommage » à Ban Ki-moon et prestation de serment d’António Guterres)

 

"Reconnaître ses insuffisances"
Souvent dénoncés, les crimes de guerre perpétrés en Syrie ne font encore l'objet d'aucune enquête internationale, la Russie et la Chine ayant bloqué en 2014 une demande du Conseil de sécurité de saisine de la Cour pénale internationale.

L'Assemblée générale des Nations unies a finalement approuvé mercredi la création d'un groupe de travail chargé de préparer des dossiers sur ces crimes, première étape vers des poursuites en justice. Mais contrairement à d'autres conflits contemporains, aucune sanction n'a encore été imposée par l'Onu contre les responsables du carnage.

La France et le Royaume-Uni proposeront la semaine prochaine au Conseil d'imposer des sanctions pour punir ceux qui ont utilisé des armes chimiques en Syrie. Mais la Russie opposera certainement son veto.
Il s'agirait alors du septième blocage russe au Conseil de sécurité depuis le début du conflit.

"La crise syrienne a profondément entamé la réputation de l'Onu à travers le monde arabe", estime Richard Gowan. "De nombreux gouvernements sunnites arabes perçoivent le Conseil de sécurité comme un outil russe."
Moscou de son côté défend fermement son soutien au régime syrien. Sans son intervention, "les drapeaux noirs" du groupe Etat islamique "flotteraient sur Damas", a dit l'ambassadeur russe auprès des Nations unies, Vitali Tchourkine.

Le successeur de Ban Ki-moon, Antonio Guterres, héritera de ce lourd dossier en prenant ses fonctions les 1er janvier. "Il est temps pour l'Onu de reconnaître ses insuffisances et de réformer la manière dont elle fonctionne", a martelé cet ancien Haut commissaire de l'Onu aux réfugiés (HCR) et ex-Premier ministre portugais.
Mais pour beaucoup de diplomates, il est déjà évident qu'Alep rejoindra le Rwanda et Srebrenica dans la liste des échecs de l'Onu.
D'après Martin Edwards, professeur de diplomatie à l'université américaine de Seton Hall, la comparaison avec ces deux cruels précédents "en dit long sur la magnitude de la catastrophe actuelle".

 

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