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Moyen Orient et Monde

Il faut éviter les incidents militaires entre l’Otan et la Russie

Le général John McColl est lieutenant-gouverneur de Jersey et membre de l’European Leadership Network. Il a été commandant en second des forces alliées en Europe (DSACEUR).

Après avoir fait preuve de scepticisme au sujet de l'Otan durant sa campagne, Donald Trump dessine maintenant une politique étrangère potentiellement lourde de conséquences pour la sécurité de l'Europe – un continent en position difficile de ce point de vue. Les États-Unis pourraient se désengager de l'Otan au moment où les relations entre l'Alliance et la Russie sont au plus bas. Les deux côtés intensifiant leur activité militaire, l'Europe doit faire preuve de créativité dans la gestion de possibles confrontations.
C'est d'autant plus important si l'on considère le risque accru d'accidents ou d'erreurs de calcul susceptibles d'accroître les tensions du fait de l'activité militaire de la Russie à proximité des frontières de l'Otan depuis trois ans. On peut imaginer un incident entraînant des pertes en vies humaines dans la Baltique ou dans la mer Noire, par exemple le passage à basse altitude d'avions de combat au-dessus d'un bateau de guerre ou l'interception agressive d'un avion de reconnaissance. Un incident de ce genre a eu lieu en novembre 2015, quand la Turquie a abattu un avion de guerre russe à proximité de sa frontière avec la Syrie.
Un récent rapport de l'European Leadership Network (ELN) souligne que les accords bilatéraux sur la gestion des incidents entre certains pays membres de l'Otan et la Russie ne prennent pas en compte tout un éventail de situations. Ils sont de portée limitée, car non harmonisés entre eux, et ils prennent mal en compte les activités civiles et les technologies modernes (telles que les avions sans pilote ou les drones).
Pire encore, leur cadre actuel exclut les pays de première ligne de l'Otan (la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie), ainsi que les pays non membres comme la Finlande et la Suède. C'est une grave omission, notamment parce que ce cadre ne précise pas dans quelle mesure ces pays doivent respecter l'accord entre Russes et Américains sur les incidents maritimes lorsque leurs forces militaires opèrent à proximité les unes des autres. Elle accroît le risque de confusion ou d'erreur d'interprétation dans un espace géopolitique mal régulé.
Dans un contexte international volatil et difficile, il est indispensable d'établir un cadre qui régisse les rencontres entre forces militaires opposées, ainsi qu'avec les navires et avions civils qui pourraient se trouver à proximité, de manière à favoriser au maximum la transparence et à éviter les incidents. Le rapport de l'ELN indique quelques mesures immédiates qui pourraient réduire notablement le risque d'une escalade involontaire, au moins à court terme. Tous les pays membres et les partenaires de l'Otan, ainsi que la Russie, devraient examiner les propositions de l'ELN afin de développer une stratégie globale multidirectionnelle destinée à gérer le risque de confrontation et à éviter une escalade militaire.
La gestion d'incidents possibles entre avions ou navires militaires de pays différents exige des protocoles de communication et une réglementation qui s'appliquent aux forces armées de tous les pays concernés. Dans certaines situations, les mécanismes bilatéraux ne sont pas applicables. Les alliés sous commandement opérationnel de l'Otan et les pays partenaires sous commandement d'un pays allié de l'Otan devraient alors adopter de nouveaux protocoles de réduction des risques et veiller à leur respect. Il faudrait également moderniser les accords bilatéraux existants pour qu'ils traduisent le nouveau contexte militaire, avec obligation absolue de toutes les parties de s'y conformer.
Les membres de l'Otan et les partenaires de l'Alliance devraient adopter les principes et les protocoles établis dans ce nouveau cadre, et les appliquer au mieux lorsque des éléments de leurs forces armées se trouvent à proximité d'avions ou de navires russes. À titre d'exemple, toutes les parties devraient disposer de la réglementation détaillée concernant les vitesses et les distances relatives aux manœuvres militaires, ainsi que d'informations précises sur le positionnement des drapeaux et les signaux lumineux. Et dans l'environnement actuel déréglementé, les deux côtés bénéficieraient d'un accord sur les fréquences radio.
Élément primordial, un nouveau cadre de sécurité améliorerait les canaux de communication entre civils et militaires, ce qui garantirait la sécurité de couloirs aériens congestionnés et celle des eaux internationales très fréquentées. Il est possible d'y parvenir sous les auspices de l'Organisation de l'aviation civile internationale, grâce aux systèmes de détection radar et de contrôle du trafic aérien en temps réel, de lignes de communication dédiées et de procédures acceptées par tous pour réagir à une activité aérienne suspecte.
Point crucial, ces interactions doivent concerner non seulement l'Otan et la Russie, mais aussi de part et d'autre les contrôleurs militaires et civils du contrôle aérien. Pour protéger la vie des civils et éviter une confrontation militaire accidentelle, il faudrait que ces contrôleurs aient accès à toutes les données nécessaires – et ce malgré la réticence compréhensible de certains pays.
Le dernier composant du nouveau cadre pourrait être développé sous les auspices de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), car elle dispose d'un réseau de communication entre les différentes capitales nationales qui permettrait de coordonner les opérations en temps réel. Avec un rôle renforcé, l'OSCE pourrait inciter les pays membres à réévaluer et à relancer le Document de Vienne sur l'établissement de la confiance et de la sécurité – pierre angulaire de la sécurité européenne.
Espérons que le dernier conseil Otan-Russie qui a eu lieu le 18 décembre (ce texte a été écrit avant cette date) aura été l'occasion pour les dirigeants des deux côtés d'examiner les protocoles existants et les nouveaux, destinés à réduire les risques, améliorer la transparence et éviter un grave incident militaire – avant qu'il ne soit trop tard !

© Project Syndicate, 2016.
Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz.

Après avoir fait preuve de scepticisme au sujet de l'Otan durant sa campagne, Donald Trump dessine maintenant une politique étrangère potentiellement lourde de conséquences pour la sécurité de l'Europe – un continent en position difficile de ce point de vue. Les États-Unis pourraient se désengager de l'Otan au moment où les relations entre l'Alliance et la Russie sont au plus bas. Les...

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