Dès qu'un obstacle est surmonté, un autre surgit. C'est par cette constatation qu'un responsable concerné par la formation du nouveau gouvernement résume la situation. Il y a quelques jours, les Libanais ont vécu dans l'attente de l'annonce imminente de la formation d'un gouvernement de 24 membres. Ils se sont réveillés le lendemain avec un changement de programme puisque le nombre de ministres est passé de 24 à 30, avec le rajout de six ministres d'État pour pouvoir intégrer à l'équipe le maximum de parties politiques.
Si l'on s'en tient à ce principe, la naissance du « gouvernement des 30 » n'aurait pas dû prendre beaucoup de temps, le Premier ministre et ses adjoints étant convaincus qu'il s'agissait de maintenir la formule de 24, tout en rajoutant les six nouveaux venus selon les mêmes rapports de forces politiques. La réalité était pourtant tout autre. Le rajout de six ministres d'État (sans portefeuille) a réveillé de vieux appétits, les parties ayant déjà obtenu leur part dans le cadre de la formule des 24 ayant soudain découvert qu'elles sont affaiblies par le rajout des six, ne serait-ce que sur le plan du nombre. Rebelote donc, il a fallu de nouveau mélanger les cartes et trouver une nouvelle distribution qui respecte l'équilibre trouvé pour les 24.
Par exemple, les Forces libanaises ont estimé que le rajout des six est destiné à noyer leur acquis au sein du gouvernement des 24 (qui leur donne quatre portefeuilles plus celui de Michel Pharaon), en rajoutant un ministre Kataëb et deux autres chrétiens à cheval entre le président et les alliés du 8 Mars. De même, le Premier ministre, qui depuis le début préférait la formule des 24, s'est senti lésé par le rajout des six nouveaux ministres, trois ministres musulmans et trois chrétiens. Selon ses proches, il s'agit d'une manœuvre du président de la Chambre pour donner au 8 Mars un tiers de blocage camouflé, en dépit de la déclaration du secrétaire général du Hezbollah selon laquelle le président Michel Aoun forme, à lui seul, ce fameux tiers. Hassan Nasrallah voulait en fait dire qu'avec Aoun à Baabda, le 8 Mars n'a plus besoin de cette garantie. Propos démentis, selon les proches de Saad Hariri, par l'insistance de Nabih Berry pour la formule des 30.
(Lire aussi : La prise d'Alep serait-elle investie sur la scène libanaise ?)
Ces nouvelles réserves ont ouvert la voie à des changements de position, les FL refusant ainsi la proposition de confier le ministère de la Défense à Yaacoub Sarraf, nommé ministre par l'ancien président Émile Lahoud et qui a démissionné avec les ministres chiites en 2006, lors de la crise du gouvernement de Fouad Siniora. En même temps, les FL ne sont pas très enthousiastes à l'égard de la participation des Kataëb, qui leur semble essentiellement dirigée contre elles. Les FL estiment en effet que le 8 Mars veut vider de son contenu l'accord tacite qu'elles auraient conclu avec le CPL et qui porte sur un nombre égal de portefeuilles entre elles et le tandem CPL-présidence de la République (5).
C'est dire qu'à chaque nouvelle demande, c'est un retour à la case départ qui se fait et avec une redistribution totale des cartes. Mais le vrai problème, selon des sources proches de Aïn el-Tiné, c'est qu'en réalité, le président de la République a été élu à un moment précis, dans un contexte particulier, sans qu'une entente globale n'ait été réalisée. Aïn el-Tiné l'appelle « le package deal », d'autres « un compromis ». Mais quelle que soit l'appellation donnée à l'entente au sujet de la présidentielle, celle-ci n'a pas été consolidée par un accord plus profond sur les dossiers litigieux, comme la formation du gouvernement, la loi électorale et les nominations importantes. De profondes divergences demeurent entre les différentes parties politiques, même s'il y a une volonté affichée de les mettre de côté pour se consacrer aux questions quotidiennes, sociales essentiellement.
Des sources proches du 8 Mars précisent à ce sujet que le véritable problème, c'est que le compromis qui a abouti à l'élection présidentielle a donné l'impression qu'il y a eu une « entente à la libanaise », autrement dit « sans vainqueur ni vaincu ». Ce flou a été utilisé par certaines parties du 14 Mars, en particulier les Forces libanaises, qui se sont immédiatement présentées comme les grandes gagnantes de l'élection présidentielle et elles veulent par conséquent retirer les bénéfices immédiats de cette victoire. Mais, toujours selon les sources proches du 8 Mars, les Forces libanaises n'ont pas joué un rôle plus important que celui du Hezbollah et de ses alliés dans l'élection du général Aoun à la présidence. Il n'y a donc aucune raison pour qu'elles se comportent en « tutrices » du régime. En face d'elles, il y a donc le camp du 8 Mars qui estime avoir joué un rôle primordial dans cette élection, dans la mesure où ses options stratégiques ont été gagnantes. Ce camp considère donc, à son tour, qu'il mérite une part considérable au sein du gouvernement et il ne veut pas céder la place au 14 Mars... Le conflit ne porte d'ailleurs pas seulement sur le gouvernement, mais sur toute la gestion de l'étape politique à venir. Les sources proches du 8 Mars estiment donc que le déroulement de l'élection présidentielle le 31 octobre, avec des tentatives de vexation qui ont duré jusqu'au bout, a donné le ton de ce début de mandat. La formation du gouvernement devrait donc aussi se faire « à l'arraché », ainsi que les échéances suivantes, tant qu'il n'y aura pas une clarification des positions, et tant que tous les camps, locaux et régionaux, continueront à se présenter comme des vainqueurs...
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Pour mémoire
commentaires (6)
NI VAINQUEUR NI VAINCU ! C'EST UNE BLAGUE. LE PAYS EST DEVENU UNE PARTIE DE L'IRAN GRACE AUX FAUX PATRIOTES QUI CÈDENT LE POUVOIR PETIT À PETIT SANS ARRÊT. PAUVRE ACHRAF RIFI SON APPEL EST ADRESSÉ AUX SOURDS ET AUX LACHES QUI VONT SE RENDRE COMPTE TRÈS BIENTÔT DANS QUEL PAYS ILS SE TROUVENT.
Gebran Eid
16 h 16, le 17 décembre 2016