Bachar el-Assad a raison : il y aura un avant et un après Alep. La victoire des combattants pro-Assad dans la deuxième ville de Syrie est un tournant majeur de la guerre syrienne. Le quatrième, depuis 2013, qui contribue à consolider la position du président syrien. Ce dernier tournant est, quelque part, la résultante directe des trois autres : le renoncement de Barack Obama à intervenir militairement en 2013 après que le régime a fait usage d'armes chimiques dans la Ghouta, la montée en puissance de l'État islamique en 2014 et l'intervention militaire russe en 2015. M. Assad a davantage été spectateur qu'acteur de chacune de ces évolutions, mais il en tire aujourd'hui tout le profit.
Après Alep, le roi est désormais vissé sur son trône et il sera très difficile de le faire partir. Mais les vis sont russes et iraniennes et le roi est nu. Son règne ne repose plus que sur une chose : sa capacité à être le seul lien entre toutes les forces ayant réellement le pouvoir aujourd'hui dans la Syrie assadienne. C'est-à-dire les Russes et les Iraniens, mais aussi les puissants services de renseignements, les seigneurs de guerre, les milices étrangères et les milices syriennes, dont chacun a des intérêts différents, parfois même contradictoires.
Le royaume assadien est amputé. La majorité du territoire syrien échappe à son contrôle. Une partie est entre les mains des forces rebelles, une autre entre celles des Kurdes, une autre encore sous le contrôle des Turcs et une dernière, enfin, sous le joug de l'EI. Il a beau répéter qu'il souhaite reconquérir l'ensemble de la Syrie, la décision finale se prendra à Moscou et à Téhéran. Et ces derniers semblent, a priori, vouloir se contenter d'une domination totale sur la « Syrie utile ». Le royaume est en ruine et les deux parrains n'ont pas envie de payer les réparations. D'autant moins si leur obligé n'arrive pas à conserver les territoires récupérés, comme en témoigne la récente perte de la cité de Palmyre, reprise par l'EI.
Le roi n'a plus de légitimité. La majorité du peuple syrien est contre lui et la moitié de la population est constituée de déplacés internes ou externes. Il pourrait aujourd'hui remporter de nouvelles élections à condition qu'elles se déroulent uniquement dans les territoires qu'il contrôle et que les Syriens de l'étranger n'y participent pas. Il est la principale raison de la fracture entre les différentes composantes de la société syrienne. Entre ceux qui le soutiennent par conviction idéologique ou par peur du changement et ceux qui souhaitent son départ à tout prix.
(Lire aussi : La prise d'Alep serait-elle investie sur la scène libanaise ?)
Un royaume isolé
Le roi n'a pas d'amis. Avec les Russes et les Iraniens, il est dans un rapport d'allégeance. Avec les Occidentaux, il n'a pas de rapport. Washington, Londres et Paris ont répété ces derniers jours que le président syrien, malgré sa victoire à Alep, devait partir. L'Assadistan est pour l'instant un royaume isolé. Mais l'année 2017, avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis et, peut-être, de François Fillon en France pourrait lui offrir une réhabilitation de facto. Ce qui n'est pas un mince exploit compte tenu de sa situation.
État en faillite, souveraineté dynamitée, territoire morcelé, peuple divisé : le tableau est en tout point chaotique. Mais le roi s'en moque. Il s'est nourri du chaos depuis le début du conflit et en a fait son principal allié. Tout en faisant croire qu'il en était la victime.
Le roi n'a pas gagné la guerre, mais il ne peut plus la perdre. Il a sacrifié son pays pour conserver un semblant de pouvoir. Lui a gagné, mais la Syrie a perdu. Il est encore là, mais son pays n'existe plus.
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commentaires (9)
Le "roi" de quoi ??? Le "roi" des assassins ???? Une marionnette aux mains de son entourage , de l'Iran et de la Russie. Le "roi" de 312.000 morts Le "roi" de 10 millions d'exilés Malheureusement il y aura encore des syriens qui glorifieront "sa" victoire à Alep. Ou va se loger la bêtise populaire !!!!
FAKHOURI
09 h 12, le 18 décembre 2016