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Moyen Orient et Monde - Irak

« Même dans le froid et sous des tentes, on est tous heureux, surtout papa »

Cette image, datée du 3 décembre, montre des déplacés irakiens dans le camp de Hasancham, près de Mossoul. Thomas Coex/AFP

« Maintenant que nous sommes ici, papa va mieux », affirme Malak, le regard sérieux mais le visage souriant. À 11 ans, cette petite déplacée irakienne dit « revenir de l'enfer », après plus de deux ans passés avec sa famille sous la coupe du groupe État islamique (EI) et dans la peur des combats. À ses côtés, Fayçal, le même âge, parle lui aussi comme un adulte. « On veut rentrer chez nous, mon père ne trouve pas de travail, on a froid ici et on mange mal », dit cet aîné de cinq enfants alors qu'une pluie drue s'abat sur la toile de la tente de l'Unicef où il a repris l'école.
Il n'y a qu'ici, entre leçons et activités ludiques, que ces jeunes Irakiens « redeviennent des enfants », explique Maulid Warfa, qui dirige le bureau de l'Unicef à Erbil, dans le Nord irakien. « Ils ont vu des destructions, ils ont vu la mort, ils ont vécu au milieu de durs combats, ont entendu d'énormes explosions », détaille-t-il. « Et tout cela a un impact sur le bien-être psychologique et social des enfants », qui constituent la moitié de la population irakienne et autant parmi les déplacés.
Des enfants précipités bien trop tôt dans l'âge adulte, qui continuent à soutenir des familles appauvries, endeuillées et désormais déplacées. Dans les allées du camp de Hasancham, où vivent Malak et Fayçal, des fillettes étendent du linge ou aident leurs mères à la vaisselle, tandis que des garçonnets emmitouflés dans des vêtements de laine trempés transportent avec leurs pères des caisses ou des paquets au gré des distributions humanitaires. « Il faut qu'ils quittent leurs tentes pour parler à d'autres gens qui les écoutent plutôt que d'entendre encore leurs parents parler de la guerre », plaide Suzdar Saleh, psychologue de l'ONG Terre des hommes, qui voit défiler chaque jour ces petits Irakiens, souvent déscolarisés depuis l'entrée des jihadistes de l'EI dans leur région en 2014.

Une « école de mitrailleuses »
Malak, elle, vient chaque jour au centre de l'Unicef pour reprendre une scolarité et devenir plus tard « journaliste ou docteure », après deux années loin des bancs de l'école. Les hommes du « califat » avaient bien ouvert des écoles dans son village, mais « payantes et avec obligation de porter un long voile noir pour les filles ». « Là-bas, on ne nous apprenait pas des choses pour devenir ingénieur ou médecin, mais seulement qu'une mitrailleuse plus une mitrailleuse égalent deux mitrailleuses », dit-elle.
Les organisations internationales s'alarment depuis des décennies pour les droits des enfants en Irak, autrefois un exemple régional en termes d'accès aux soins et à l'éducation. De jeunes garçons ont été enrôlés dans des groupes armés et des fillettes réduites en esclavage sexuel par l'EI. Selon l'Unicef, au moins un enfant sur trois en Irak a besoin d'aide humanitaire et plus de 3,5 millions d'enfants sont déscolarisés.
L'Irak est en proie depuis des années aux conflits, mais depuis que le « califat » avait installé sa « capitale » à Mossoul, le Nord où vivent Malak et Fayçal s'est un peu plus enfoncé dans le chaos. La violence était partout, dans les livres scolaires et jusque dans la famille de Malak, où, avec ses cinq frères et sœurs, et ses parents, elle vivait dans la peur permanente. « Papa était policier avant et les gens de l'EI menaçaient de l'égorger », raconte calmement la fillette emmitouflée dans un long manteau de laine noire.

« Maintenant, je dors »
Aujourd'hui, loin de l'EI, même « dans le froid » et sous des tentes, « on est tous heureux, surtout papa », dit-elle. « Papa et maman jouent avec nous, ils nous font rigoler pour qu'on oublie parce que, ça y est, on a retrouvé notre vie après l'enfer », poursuit la fillette. Fayçal, lui, n'arrive pas à oublier « les explosions, les avions, les bombes » qui ont poussé sa famille à fuir sa maison pour aller se réfugier chez des proches dans la périphérie de Mossoul. « Le bruit ne s'arrêtait jamais, on ne pouvait pas dormir », se rappelle encore le frêle garçonnet en doudoune rouge, ses yeux noirs toujours en mouvement.
Le bruit, c'est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des enfants que Suzdar Saleh rencontre. « Des fois, ils entendent un avion voler au-dessus d'eux ici et ils ont l'impression que ce qui leur est arrivé recommence », explique la jeune femme. La priorité pour surmonter le traumatisme, c'est « de s'exprimer » lors de sessions collectives ou individuelles pour ces enfants qui, en plus de leur peur, « ont hérité de la peur transmise par leurs parents ». « En parlant, ils font sortir la souffrance qui est en eux », poursuit-elle.
Avant d'en finir vraiment avec tout ce qu'il a traversé, Fayçal a déjà franchi une première étape. Il est « content, dit-il, parce que maintenant, je dors ».
Sarah BENHAIDA/AFP

« Maintenant que nous sommes ici, papa va mieux », affirme Malak, le regard sérieux mais le visage souriant. À 11 ans, cette petite déplacée irakienne dit « revenir de l'enfer », après plus de deux ans passés avec sa famille sous la coupe du groupe État islamique (EI) et dans la peur des combats. À ses côtés, Fayçal, le même âge, parle lui aussi comme un adulte. « On veut...

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