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Liban - Solidarité

Pour Alep martyrisée, une promesse de mobilisation, quelques mots... et le silence

Alep-Est est assiégée depuis plus de quatre mois. Trois semaines d'offensive continue des forces pro-Assad et de leurs alliés ont fait au moins 319 victimes, des civils, dont 44 enfants. Depuis lundi soir, les derniers habitants de cette zone sont en proie aux heures les plus terribles depuis le début du conflit. Au dehors de la deuxième ville de Syrie, cependant, le monde, impavide, sombre dans un silence lourd, assourdissant.

Comparées à la mobilisation que suscitent généralement, à Beyrouth, les agressions israéliennes contre le peuple palestinien par exemple, ce sont de timides manifestations de quelques dizaines de personnes qui ont lieu en solidarité avec la ville syrienne.
Le mardi 6 décembre, à l'initiative du Secular Club (club laïque), des étudiants ont allumé des bougies et ont manifesté silencieusement à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Une semaine après, ce sont des activistes libanais et syriens qui se sont rassemblés au centre-ville de Beyrouth pour témoigner de leur empathie pour les Alépins.

 

(Lire aussi : Alep 2011-2016 : requiem pour une ville)

 

Appel à la mobilisation
C'est dans le cadre de cette mobilisation indicible contre le carnage qu'une conférence de presse a été organisée hier par le Conseil des ulémas musulmans, au siège du syndicat des journalistes.
« J'appelle les responsables à revoir leurs comptes concernant la situation en Syrie, et particulièrement à Alep », a lancé hier le cheikh Salem Raféï, dans son allocution, avant de critiquer l'intervention de Libanais dans la guerre syrienne, à savoir le Hezbollah. « La résistance s'arrête là », a-t-il souligné.

Abondant dans le même sens, le président du Conseil des ulémas, le cheikh Abou Bakr el-Dhahabi, a souhaité que « le Hezbollah revienne sur la grande erreur qu'il a commise vis-à-vis des Syriens, et qu'il retourne à la résistance (contre Israël) ». « Ce qui se produit en Syrie n'est pas une guerre noble ou digne. C'est un complot entre des armées qui se sont rassemblées pour tuer, sur sa propre terre, un peuple qui revendique sa liberté », a-t-il enchaîné.

Pour le cheikh el-Dhahabi, « la guerre de Syrie est une honte pour les assassins, comme pour l'humanité qui garde le silence face à ce crime ».
Mis à part son message au Hezbollah, le cheikh el-Dhahabi a adressé dans son discours un message à l'État libanais, l'appelant à « chasser du Liban les ambassadeurs de Syrie, d'Iran et de Russie ». « J'appelle Michel Aoun à prendre l'initiative de préserver le sang des Syriens qui ont soutenu et accueilli le peuple libanais lors de la guerre de 2006 », a-t-il par ailleurs indiqué, à l'adresse du président de la République.
Le cheikh el-Dhahabi a annoncé que des manifestations devant les ambassades seront organisées ultérieurement. « Nous ne trouverons pas de repos avant que les crimes contre le peuple syrien ne prennent fin », a-t-il conclu.

 

(Lire aussi : La Syrie d’Assad, nouvelle Corée du Nord ?)

 

Politique de distanciation ?
Joint au téléphone par L'Orient-Le Jour pour davantage de précisions sur cet appel à la mobilisation, le cheikh Raféï a indiqué que les détails relatifs à une future dynamique en faveur d'Alep restent encore vagues et que l'organisation de manifestations dépendra des développements de la situation en Syrie.

Pour l'heure, le cheikh Raféï se contente de remettre en question la cause principale que prône le Hezbollah, à savoir « la résistance contre l'occupant ». « Le Hezbollah met sa main dans celle de la Russie, un pays étranger et par conséquent colonialiste », a-t-il souligné, avant de s'interroger : « Quid de la résistance face à l'occupant étranger, surtout que la Russie n'est ni un État arabe ni un État islamique ? »

Quant au président Michel Aoun et sa politique de distanciation du conflit en Syrie, le membre du Conseil des ulémas musulmans accuse « le » père de tous « de continuer à adopter la politique des deux poids, deux mesures ». Et de poursuivre : « Preuve en est, les jeunes sunnites qui combattent en Syrie aux côtés des rebelles et retournent au Liban vont en prison, alors que ce même traitement n'est pas réservé aux jeunes chiites qui ont porté les armes en faveur du régime syrien. »

À l'heure où le cheikh Raféï appelait hier le président de la République à appliquer strictement la politique de distanciation, le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, déclarait, à l'antenne d'al-Mayadeen, que « Bachar el-Assad est le président légal de la Syrie » et que « le contrôle de son régime des régions syriennes proches du Liban assure une plus grande stabilité au pays », rompant avec la distanciation qu'il s'était lui-même juré de respecter lors de la visite de son homologue turc, au début du mois.

Signalons dans ce cadre que le Liban participera jeudi à la réunion urgente organisée par le Qatar pour discuter de la situation tragique à Alep, au siège de la Ligue arabe au Caire. Mais, selon des sources diplomatiques citées par notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane, « il est encore tôt de trancher la question de la position que le Liban adoptera face au communiqué qui sera publié à l'issue de la réunion » et dans lequel les pays arabes entendent condamner les atrocités commises à Alep. « Au cas où le Liban se retrouve embarrassé par certains termes de ce communiqué, il réaffirmera son attachement à la politique de distanciation », précisent les sources précitées.

 

(Lire aussi : Après Alep, la nature de la guerre contre le régime pourrait changer)

 

Le silence, que le silence...
Pour l'ancien député Moustapha Allouche (courant du Futur), deux raisons essentielles expliqueraient pourquoi le Liban ne manifeste pas – en dehors de l'espace virtuel des réseaux sociaux – une plus grande empathie vis-à-vis des habitants d'Alep, malgré l'ampleur du drame humanitaire.

« Toute initiative de se manifester et d'exprimer une solidarité avec le peuple syrien risque de ne pas mobiliser suffisamment de monde », souligne, dépité, désillusionné, le membre du directoire du courant du Futur. Et d'ajouter : « Les Libanais sont de plus en plus fatigués. Ils sont à bout de souffle. Cela se traduit par les rassemblements timides dans les rues de Beyrouth. »

La deuxième raison, selon lui, est qu' « une manifestation devant l'ambassade syrienne ou iranienne risque d'accroître la tension dans le pays et de déclencher un incident », dit-il, en évoquant le meurtre du jeune Hachem Salmane (responsable de la section estudiantine de l'Option libanaise), tué par balles alors qu'il participait à une manifestation devant l'ambassade d'Iran à Beyrouth en 2013. L'ambassadeur d'Égypte, Nazih Naggari, a d'ailleurs rendu une visite assez significative hier au mufti Abdellatif Deriane pour souligner « la nécessité de préserver le calme et la stabilité au Liban à l'orée du nouveau mandat ».

« Par contre, les partis politiques se sont prononcés sur ce sujet », ajoute M. Allouche. Le nouveau bureau politique du courant du Futur a en effet débuté hier sa première réunion sous la présidence de Saad Hariri par une minute de silence en hommage aux victimes de la ville d'Alep. Le bureau a également dénoncé « la tragédie vécue aujourd'hui par les habitants d'Alep, une catastrophe aussi terrible que la Nakba qu'a connue la Palestine suite à l'occupation israélienne ».
Quelques mots seulement, pour briser quelque peu ce silence implacable et cette terrible inertie, au goût amer de résignation, face à l'horreur.

 

 

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