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Liban - Décryptage

Le spectre des législatives hante la classe politique

La petite phrase du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil sur la possibilité de dissocier les négociations sur un nouveau projet de loi électorale de la formation du gouvernement a ouvert la voie à différentes interprétations. Pour les uns, il s'agit pour le ministre de faciliter et d'accélérer le processus de formation du gouvernement. Pour les autres, il s'agit d'une reconnaissance implicite de l'impossibilité d'adopter un nouveau projet de loi électorale avant le rendez-vous des législatives en mai 2017.

Dans les deux cas, cette phrase peut être considérée comme une confirmation indirecte de la probabilité importante d'organiser les élections législatives sur la base de la loi actuelle. Selon un politicien chevronné, « toutes les parties politiques déclarent publiquement leur rejet de cette loi, mais dans leur for intérieur toutes souhaitent la maintenir ». En tout cas, certaines parties se comportent déjà comme si la loi actuelle devait rester en vigueur et cherchent à nouer des alliances dans cette optique. De son côté, le président de la Chambre, qui a été le premier à dénoncer la volonté cachée de certaines parties politiques de militer en faveur du maintien de la loi actuelle, laisse entendre d'après ses proches qu'il cherche à démasquer ceux qui tiennent un double langage, pour rappeler que, lorsqu'il avait requis un accord global en prélude à la présidence, il avait vu juste et il connaît mieux que toutes les autres parties le mode de fonctionnement de la classe politique.

Pour Nabih Berry, le retard (relatif) dans la formation du gouvernement aurait donc un objectif caché, celui de rendre impossible l'adoption d'une nouvelle loi électorale avant le rendez-vous législatif de mai. Ce serait la raison pour laquelle, selon ses proches, les responsables concernés ne semblent pas pressés de trouver des ententes qui faciliteraient la formation du gouvernement. Mais ce reproche n'est pas nécessairement vérifié, puisque les conseillers chargés des négociations se réunissent en permanence.

 

(Lire aussi : On se rapproche de l'heure « H » ; Hariri joue l'optimisme)

 

Toutefois, en dépit des contacts, des rencontres et des discussions, les blocages restent les mêmes. Ils se résument à deux nœuds : celui des relations entre la présidence et le chef des Marada, et celui de la part jugée disproportionnelle à leur poids au Parlement des Forces libanaises. Ces dernières se comportent en tout cas comme si elles ont déjà obtenu deux portefeuilles sûrs, celui de l'Information (Melhem Riachi) et celui des Affaires sociales (Élias Abou Assi), plus un troisième de poids dont le nom dépendra du portefeuille (elles réclament les Travaux publics que Nabih Berry réclame pour poursuivre les projets en cours), et enfin Michel Pharaon qui devrait rester au Tourisme, ayant de l'avis de tous bien réussi dans ce domaine. À la suite de son entretien avec le chef de l'État, le chef des FL Samir Geagea a d'ailleurs clairement déclaré que son parti ne compte pas faire plus de concessions. Il faut donc chercher ailleurs la part qui pourrait être donnée aux Marada et, en même temps, cesser de lorgner du côté des quatre portefeuilles déjà réservés. C'est donc entre les parts de M. Berry et du CPL qu'il faut chercher, mais, pour être résolu, ce casse-tête exige un contact direct entre le chef de l'État et celui des Marada.

Selon les proches des deux camps, un tel contact n'est pas impossible, d'autant que le Hezbollah, et en particulier son secrétaire général Hassan Nasrallah, pousse dans ce sens, en se basant sur le fait que ce qui rassemble les deux camps est bien plus important que ce qui les sépare. Il faut simplement trouver le bon scénario et surtout le bon timing.

 

(Lire aussi : Nasrallah appelle à une formation du gouvernement « le plus rapidement possible »)

 

En attendant, chacun prépare déjà les élections. Pour le duo chiite, il n'y a pas de véritable enjeu. Quelle que soit la loi, ce binôme est assuré de maintenir sa part dans les législatives. Mais, pour les autres composantes politiques, les inconnues sont nombreuses. Les parties les plus lésées par l'adoption d'une nouvelle loi qui introduirait le principe de la proportionnelle sont le chef du PSP et le courant du Futur. Walid Joumblatt est d'autant plus inquiet que l'entente entre les FL et le CPL pourrait remettre en question sa part dans les députés du Chouf et de Aley. Pour le courant du Futur, après le désastre des municipales, il est important de gagner du temps pour retrouver son assise populaire. De plus, le Futur, qui se présente comme un parti transconfessionnel, a besoin de continuer à avoir des députés chrétiens et même chiites. C'est pourquoi il surveille d'un œil vigilant ce qui se passe sur la scène chrétienne. Pour les chiites, il pourrait négocier un siège à Beyrouth avec Amal et le Hezbollah.

Reste, comme toujours, l'inconnue chrétienne. Si les FL et le CPL mènent la bataille électorale en rangs unis, ils n'amélioreront pas beaucoup la part actuelle des chrétiens selon la loi en vigueur. Seule l'adoption de la proportionnelle serait dans leur intérêt. Or, c'est justement une des raisons pour lesquelles le PSP et le courant du Futur ne veulent pas de ce mode de scrutin. Les deux partis chrétiens doivent donc nouer un réseau d'alliances qui leur permettra d'assurer la représentation de la majorité des chrétiens. Mais, dans ce contexte, il y a un problème, celui du refus du Hezbollah de donner ses voix aux candidats FL, comme cela s'est passé lors des municipales. Pour compenser, les FL cherchent à renouer une alliance électorale avec le courant du Futur. Le sujet des prochaines législatives aurait d'ailleurs occupé la majeure partie de la dernière rencontre entre Saad Hariri et Samir Geagea...

C'est dire que, derrière les obstacles apparents qui entravent la formation du gouvernement, il s'en cache d'autres plus importants puisqu'ils portent sur les poids politiques pour les quatre prochaines années.

 

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commentaires (4)

Inutile de faire débat sur le mode de scrutin, comme en 2011 pour faire diversion. Je pense au camp chrétien, où se jouera le futur drame électoral, où des formations risquent d’être laminées, et des personnalités de premier plan se voient menacées dans leur fief, en cas du maintien de l’alliance Ouèttes-Aounistes. Les Libanais voteront selon la loi de 1960 (On ne change pas une recette qui fait gagner), si ces élections auront lieu avant le ramadan, fin mai. Puisque personne ne m’a demandé pour qui voter, je le dis de la façon la plus claire et nette, et pour réclamer des comptes à celui qui me représente, et le sanctionner, (il m’est plus facile de demander des comptes à un député dont il m’est proche par l’appartenance politique et confessionnelle), l’esprit de la loi Ferzli me convient parfaitement. J’en ai assez avec ces alliances politiques qui servent les ambitions des chefs de groupes et de partis. Le changement bien sûr, "hasta la victoria, siempre". Déjà une aberration, et là nous sommes hors sujet : comment demander des comptes à gouvernement qui bientôt verra le jour, sans connaître au préalable son programme et ses orientations…

L'ARCHIPEL LIBANAIS

13 h 14, le 10 décembre 2016

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Commentaires (4)

  • Inutile de faire débat sur le mode de scrutin, comme en 2011 pour faire diversion. Je pense au camp chrétien, où se jouera le futur drame électoral, où des formations risquent d’être laminées, et des personnalités de premier plan se voient menacées dans leur fief, en cas du maintien de l’alliance Ouèttes-Aounistes. Les Libanais voteront selon la loi de 1960 (On ne change pas une recette qui fait gagner), si ces élections auront lieu avant le ramadan, fin mai. Puisque personne ne m’a demandé pour qui voter, je le dis de la façon la plus claire et nette, et pour réclamer des comptes à celui qui me représente, et le sanctionner, (il m’est plus facile de demander des comptes à un député dont il m’est proche par l’appartenance politique et confessionnelle), l’esprit de la loi Ferzli me convient parfaitement. J’en ai assez avec ces alliances politiques qui servent les ambitions des chefs de groupes et de partis. Le changement bien sûr, "hasta la victoria, siempre". Déjà une aberration, et là nous sommes hors sujet : comment demander des comptes à gouvernement qui bientôt verra le jour, sans connaître au préalable son programme et ses orientations…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 14, le 10 décembre 2016

  • Ou, une "classe?" politique qui, elle, hante plutôt ce pays !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 40, le 10 décembre 2016

  • Fatalement on dira que c'est toujours comme ça que le lIban a fonctionné. Tout n'est que rapport de force et d'intérêt à courte vue. Dans rapport de force il y a le mot de force.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 42, le 10 décembre 2016

  • TOUS... QUI SONT CES TOUS HYPOCRITES... REJECTENT LA LOI ELECTORALE DE 1960 MAIS CHACUN VEUT SA LOI PROPRE TAILLEE A SA MESURE... LES ELECTIONS SE FERONT AVEC LA LOI DE 1960 OU NE SE FERONT PAS... CA C,EST LA REALITE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 18, le 10 décembre 2016

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