L'histoire, si elle se répète, le fait sous une forme grave la première fois, mais sous la forme d'une mascarade la deuxième fois !
Tous les indices montrent qu'elle n'a pas manqué de se répéter : la première fois avec Hitler et Mussolini il y a près de soixante-quinze ans, et, aujourd'hui, avec Poutine, puis le Brexit, puis Trump, puis Fillon ou Le Pen.
Trump a choisi de défendre Poutine lors de l'élection présidentielle américaine et Fillon a fait de même lors de la primaire de la droite française. Nul, en France, n'a été offusqué de ce choix honteux, alors même qu'Alep est noyée dans un bain de sang. La France, qui est pourtant le pays de la Révolution et de la Déclaration des droits de l'homme, a, au contraire, désavoué Hollande, le pourfendeur de Poutine, et l'a rendu plus impopulaire que jamais. Qu'est-il donc advenu de la démocratie française ? La question est posée à Fillon : qu'en aurait dit de Gaulle ?
Mais qui est François Fillon ? Dans les semaines qui ont suivi le carnage de Nice en juillet dernier et qui a vu la mort de 86 personnes et fait des centaines de blessés, Fillon a écrit, sous le titre « Vaincre le totalitarisme islamique », lors de la présentation de cet ouvrage en octobre dernier sur le site d'information de la droite Atlantico : « Nous (à savoir l'Occident) ne sommes pas confrontés à une menace ponctuelle, passagère, mais à un mouvement puissant visant à prendre le contrôle d'une grande partie du monde avec des méthodes et idéologie totalitaires, voire une tentation génocidaire à l'encontre des chrétiens d'Orient et des juifs qu'ils veulent expulser d'Israël. »
La Grande-Bretagne s'est retirée de l'Europe, laissant cette dernière subir seule Poutine et finir par accéder à ses désirs, comme jadis Chamberlain à Munich.
Au temps de Hitler, Mussolini et Staline, les démocraties étaient faibles. Le Premier ministre britannique était allé mendier à Hitler un accord de paix et de sécurité, sur papier, comme il se doit. Hitler lui avait donné le papier demandé, comme Poutine qui donne aujourd'hui des promesses luisantes à Trump, Fillon, Le Pen et Sissi ! Mais Hitler, deux mois à peine après la signature, a envahi la Pologne et entamé sa guerre contre l'Europe !
Lorsque Chamberlain est revenu avec cet accord et a affirmé que ce bout de papier assurera la paix et la sécurité dans le monde, Winston Churchill lui avait dit : « Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre... »
Et c'est ce qui advint.
On avait alors accusé les juifs d'être à l'origine des malheurs de l'humanité. On leur a substitué à présent les musulmans alors que ces derniers sont les premières victimes de Daech et des takfiristes, d'autant plus que Poutine, qui provoque l'admiration de l'Occident, n'a fait tirer aucune balle sur Raqqa et Daech. Tous les bombardements de ses avions ont eu pour cible l'opposition modérée qui réclame la liberté à Alep. Mais telle est l'histoire !
Nous sommes entrés à présent dans la phase de la mascarade historique. L'Amérique avait été le pays qui avait apporté la liberté et la démocratie en Europe. L'élection de Trump dans ce même pays ne peut qu'exprimer beaucoup de choses qui contredisent ce passé, les plus importantes étant celles-ci :
1. Le monde s'achemine vers une instabilité inquiétante du fait de la rupture, par l'Amérique, de ses attaches et alliances européennes, japonaises et coréennes.
2. Les élections présidentielles américaines avaient toujours une portée économique et sociale sur le plan interne. Elles sont, à présent, de portée également mondiale.
3. La liberté ne peut exister sans la morale et la morale ne peut s'imposer sans la foi. Cette fois-ci, l'Amérique a rompu avec la morale et la foi. La vie politique n'y inspire plus le respect et a perdu tout crédit avec l'apparition des réseaux sociaux. Le discours politique dominant se détériore de jour en jour. Il est devenu populiste et ne porte que sur les intérêts étroits, ce qui a abouti à un affrontement entre la société américaine très mélangée, d'une part, et l'État et sa légitimité, d'autre part. Cette société complexe, dont l'élite a été renversée, commence à contester la légitimité de l'État traditionnel par ce même populisme qui est répandu en Afrique et dans les pays arabes. C'est ce même affrontement qui, en Allemagne et en Italie, avait présidé à la prise du pouvoir par Hitler et Mussolini.
4. L'élection de Trump préfigure la chute de l'élite politique. Comme si, dans un hôpital, tous les malades avaient perdu confiance en leurs médecins et refusé leurs soins. Mais l'élite politique a été la seule à tomber. Les élites sportives, celles du cinéma, celles des artistes ont gardé leur aura, leur légitimité et les fortunes qu'elles ont amassées. C'est ce qui s'est exactement passé du temps de Hitler et Mussolini.
5. L'idée de l'unité du peuple, et même l'idée de « peuple », sont tombées et ont été réduites à néant. Le populisme a pris la place et ce qui était identifié comme peuple est devenu des peuples : en Amérique la race blanche a battu aux élections la race noire et les latinos. Elle l'a proclamé sans complexe et avec impudence. L'élection de Trump, le Blanc, a procédé d'une revanche contre l'élection d'Obama, le Noir. La société multiculturelle a sombré et, avec elle, la « coexistence », ce qui avait été exactement le cas sous Hitler et Mussolini.
6. La théorie qui donne le pouvoir de gouverner à la majorité est tombée. Le courant représenté par Trump répète à présent que les votants aux élections ne représentent pas plus de 30 % des électeurs et la majorité de cette minorité représente 16 % de ces derniers, ce qui signifie que le peuple américain est gouverné par une minorité représentant 16 % des électeurs qui ne représentent pas, eux-mêmes, la totalité de ce peuple. La démocratie est, dès lors, une gouvernance exercée par une minorité et c'est ce qui a fait que la politique est devenue de plus en plus irrationnelle, car guidée par les sentiments et non la pensée, comme au temps de Hitler et Mussolini !
7. La peur a gagné l'élément blanc européen et américain face à l'afflux des migrants, ces hommes qui ont une culture et des notions en contradiction avec leur propre culture, leur propre civilisation et leurs propres principes de vie. La peur des migrants a aussi créé la peur d'être dominé sur ses propre terres.
À présent, Poutine est le pôle d'attraction. Les dictatures l'appuient et lui prêtent allégeance : Erdogan, Sissi et... les démocraties sont, elles, admiratives et cherchent à lui plaire parce qu'il défait les takfiristes (sic). Trump l'a choisi et lui a choisi Fillon. L'histoire est-elle en train de se répéter ? L'histoire fait trois pas en avant, puis un pas en arrière, puis elle reprend sa route en avant. Nous traversons, semble-t-il, la phase du pas en arrière effectué par l'histoire.
Abdel Hamid EL-AHDAB
Avocat
commentaires (5)
Qu'aurait dit De Gaulle ? Le Général n'aurait jamais accepté que le dictateur Bachar el-Assad mette la main sur le Liban, l'enfant chéri de la France, et ce, depuis 1975 jusqu'à 2005. Le Générai n'aurait pas dit que le dictateur Bachar el-Assad est le protecteur des chrétiens d'Orient. Le Général n'aurait pas accepté de ne pas réagir à l'assassinat en 1981 de l'Ambassadeur de France au Liban, Louis Delamare devant la porte du Palis des Pins. Le Général n'aurait pas accepté de plier bagages devant l'attentat du Drakkar le 23 octobre 1983 où 58 parachutistes français avaient péri. Merci Abde'l-Hamid el-Ahdab.
Un Libanais
19 h 38, le 08 décembre 2016