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Moyen Orient et Monde - Témoignage

« On s’est dirigés vers la tente des officiers pour découvrir qu’ils nous ont laissés à la merci des groupes rebelles »

Deux déserteurs de l'armée syrienne racontent ce qui les a poussés à prendre la fuite.

Omar Sanadiki/Reuters

« Je n'ai jamais pensé déserter l'armée syrienne, mais elle nous a laissés en pâture aux forces rebelles. » Cette phrase a été maintes fois prononcée par un déserteur de l'armée loyaliste, qui se dit reconnaissant du fait d'avoir découvert la vraie nature du conflit syrien. D'autant que le nombre pléthorique de miliciens et de mercenaires se battant aux côtés des soldats, très affaiblis, de Bachar el-Assad n'est un secret pour personne.

L'implication du Hezbollah en Syrie n'a pas eu lieu dès le début de la guerre, mais s'est faite progressivement en raison d'un manque de confiance envers les forces armées, essentiellement composées de sunnites. Entre-temps, près de 40 000 soldats avaient déserté les rangs de l'armée (entre mars et septembre 2011) pour rejoindre ceux de l'Armée syrienne libre (ASL). Les raisons de ces défections sont multiples. Certains justifient leur décision en expliquant l'avoir prise après avoir assisté à la répression de manifestants ; d'autres affirment avoir préféré se réfugier dans les pays voisins, plutôt que d'être obligés de tuer ou être tués au nom d'une guerre absurde. Et après presque six ans de guerre, les jeunes Syriens ne croient plus vraiment à la résolution d'un conflit dont l'issue est aussi incertaine que complexe.

 

Poste de garde
Mohammad, 23 ans, est originaire d'Alep. Enrôlé dans l'armée dans le cadre du service militaire obligatoire, il finit par prendre la fuite au début de 2014. Malgré les histoires circulant sur les rassemblements réprimés et le meurtre de manifestants, il rejoint l'armée, persuadé que les remous qui agitent certaines villes ne dureront que le temps d'un été. « Comme n'importe quel jeune Syrien qui a fait son service militaire, j'ai suivi un entraînement pendant deux mois avant d'avoir une permission d'une semaine. » Mohammad en profite alors pour retourner dans sa ville natale, dont certains quartiers avaient entre-temps été gagnés par les vagues de manifestations antirégime. Simples travailleurs, les proches de Mohammad ne se mêlent pas de politique. Mais le jeune homme commence à se douter de quelque chose lorsqu'un membre de sa famille, que Mohammad qualifie de « modèle » et de « personne éduquée », dénonce devant lui les arrestations arbitraires et les meurtres de manifestants par le régime. Les déclarations de ce parent, explique Mohammad, contredisent alors les nouvelles entendues dans les bulletins d'informations écoutés pendant son service militaire.

« Ma permission finie, j'ai été envoyé poursuivre mon service au sein de la troisième division. » Un jour, des combattants de l'opposition attaquent le quartier général militaire où se trouve alors Mohammad. Jusqu'à ce jour, la violence des combats le hante. « En moins d'une demi-heure, ils avaient pris le contrôle de sept barrages militaires. Je ne sais toujours pas, aujourd'hui, si cette victoire-éclair est due à leur force et leur courage, ou à des fuites massives de soldats de l'armée qui ont pris peur. Je ne sais même pas combien de soldats sont morts ce jour-là ; je sais juste qu'on a reçu l'ordre de se retirer », raconte-t-il. Après l'arrivée de renforts – avions du régime et combattants du Hezbollah –, les forces du régime mettent l'attaque en échec, selon Mohammad.

Ce dernier, peu de temps après, est affecté à un poste de garde dans une zone résidentielle où vivent les familles des officiers de l'armée syrienne. Là-bas, ses collègues et lui se sentent marginalisés, d'autant plus qu'ils sont dépouillés de leurs munitions, alors même qu'ils portent leurs armes. À plusieurs reprises, Mohammad tente d'obtenir une permission qui lui permettrait de rendre visite à sa famille, mais son supérieur refuse. 18 mois passent sans qu'il puisse la voir. Le jeune homme finit par perdre espoir de voir le conflit se terminer rapidement, et prend alors la décision de déserter. Après avoir demandé à plusieurs reprises à la mère d'un des officiers qu'il protège, dont il a obtenu la confiance et qui le considère comme son propre fils, de l'aider à obtenir une permission, elle finit par convaincre son fils de lui accorder quelques jours de congé. Mohammad prend donc la route d'Alep, avant de rejoindre la Turquie voisine.

Depuis le début du conflit syrien, nombreux sont ceux qui affirment que le régime syrien n'hésite pas à abandonner les simples soldats, donnant la priorité à la protection d'officiers de haut rang et à ceux qui appartiennent à la communauté alaouite.

 

Autrement dit, de l'achever...
Originaire d'Idleb, Abdel Kader déserte l'armée en 2013, un an après y être entré. « Je n'ai jamais pensé prendre la fuite, je ne partage même pas l'opinion de l'opposition au sujet du régime syrien. » Sa première expérience avec les soulèvements dans son pays a lieu dans le rif de Deraa, où il assiste à une manifestation. Il y voit des civils ordinaires appelant à davantage de liberté et à la chute du régime. « On nous a dit qu'ils étaient armés et payés pour forcer les gens à manifester, se cachant derrière eux », affirme-t-il. Abdel Kader, censé tirer sur quiconque est armé, ne voit cependant rien qui justifierait un tel acte. « Je n'ai vu personne portant une arme. Certains nous criaient de quitter les rangs de l'armée pour rejoindre leur cause, suscitant la fureur des chabihas (NDLR : miliciens armés en tenue civile fidèles au régime) et des officiers, qui décident alors de tirer sur la foule, sous prétexte qu'on nous tirait dessus. »

Quelques mois plus tard, Abdel Kader et ses compagnons d'armes se retrouvent en première ligne sur le front face aux forces rebelles. « C'était en janvier 2013, et on dormait dans des tentes, en plein hiver. Les combats ont duré 20 jours, et personne ne s'est soucié de notre situation », dénonce l'ex-soldat. Et de relater un incident auquel il a assisté, impliquant l'un des soldats de son unité : « L'un de mes compagnons avait été grièvement blessé et son cas avait été rapporté à l'officier en charge, afin qu'il soit transféré en lieu sûr et soigné. L'officier a alors demandé à un sergent présent de le soulager de son calvaire, autrement dit, de l'achever, certain qu'il succomberait de toute façon à ses blessures. » Des 25 soldats composant l'unité de Abdel Kader, il n'en reste alors plus que onze.

Un matin, Abdel Kader et les membres de son unité se réveillent dans leur tente complètement inondée. « On s'est dirigés vers la tente des officiers pour découvrir qu'ils avaient pris la fuite, nous laissant à la merci des groupes rebelles. » Le jeune homme et sept de ses compagnons conviennent de se rendre aux forces de l'opposition. Ces dernières assurent la sécurité de Abdel Kader qui, après un périple de trois mois au cours duquel il évite toutes les zones tenues par le régime, finit par arriver dans sa ville natale, dévastée par les violences.

 

Pour mémoire

Avec les déserteurs de l'armée de Bachar el-Assad (reportage vidéo)

« Je n'ai jamais pensé déserter l'armée syrienne, mais elle nous a laissés en pâture aux forces rebelles. » Cette phrase a été maintes fois prononcée par un déserteur de l'armée loyaliste, qui se dit reconnaissant du fait d'avoir découvert la vraie nature du conflit syrien. D'autant que le nombre pléthorique de miliciens et de mercenaires se battant aux côtés des soldats, très...

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HARIBE YAMOO... HARIBE !

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 51, le 05 décembre 2016

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  • HARIBE YAMOO... HARIBE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 51, le 05 décembre 2016

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