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Moyen Orient et Monde - Crise des migrants

En Allemagne, le combat judiciaire des Syriens pour arracher le regroupement familial

Un réfugié syrien portant la photo de la chancelière allemande Angela Merkel, le 5 septembre 2015, à Munich. Christof Stache/AFP

Pour tenter de prévenir un nouvel afflux de réfugiés, les autorités allemandes ont durci les conditions du regroupement familial par un artifice juridique. Avant une année électorale décisive et face à la montée de la grogne populiste, l'arrivée en masse de conjoints et d'enfants de réfugiés en Allemagne serait un défi majeur pour la chancelière Angela Merkel, candidate à un quatrième mandat. Elle avait vu sa popularité plonger après sa décision de 2015 d'ouvrir son pays à quelque 900 000 demandeurs d'asile.
Or depuis le début de l'année, 32 551 réfugiés, dont une écrasante majorité de Syriens (28 444), ont saisi la justice pour demander à être reconnus comme des réfugiés tels que définis par la Convention de Genève de 1951, un statut donnant notamment automatiquement le droit de faire venir sa famille.
Montré du doigt : l'Office fédéral pour les migrations et les réfugiés (BAMF), chargé de statuer sur les demandes d'asile, car il accorde désormais davantage la « protection subsidiaire » aux Syriens fuyant la guerre qui ravage leur pays depuis plus de 5 ans.

Séparation « inhumaine »
Ce statut moins « généreux » ne donne droit dans un premier temps qu'à un permis de séjour d'un an éventuellement renouvelable, et surtout exclut le dépôt d'une demande de regroupement familial avant mars 2018. La procédure peut ensuite s'éterniser pendant encore deux ans. C'est le cas de Walid, 41 ans. Cet ancien cuisinier à Damas n'a du coup aucun espoir de revoir bientôt sa femme et ses six enfants qu'il a laissés en Turquie pour rejoindre Berlin. « Je suis prêt à retourner en Turquie pour être auprès de mes enfants mais je ne peux même pas car j'ai un passeport syrien et il faut un visa pour aller en Turquie », explique, désespéré, le père de famille qui préfère garder l'anonymat.
« Il faut compter sur 4 à 5 ans de séparation : c'est d'une dureté incroyablement inhumaine pour les personnes concernées et leurs familles sur place qui sont ainsi exposées à la guerre », dénonce l'ONG allemande Pro Asyl. « Je considère qu'il y a une motivation politique » derrière cette augmentation du nombre de protections subsidiaires accordées, assure l'avocat de Hambourg, Tobias Behnke, qui conseille des migrants. « Il s'agit, selon moi, de continuer à rendre l'Allemagne peu attractive pour les réfugiés. »
Même constat pour l'avocat munichois, Hubert Heinhold, qui assure, sur les ondes de la radio bavaroise, qu'« on veut décourager, on veut empêcher que les gens viennent en Allemagne ». Selon Pro Asyl, pour le seul mois de juin, 46 % des Syriens ont reçu ce statut de « seconde classe », alors qu'en moyenne en 2014, seuls 13,6 % d'entre eux étaient concernés.

Batailles judiciaires
Et en 2015, au pic de l'afflux des demandeurs d'asile, les Syriens (95,8 %) bénéficiaient quasiment automatiquement du statut de réfugié plein et entier, le BAMF l'accordant sans même faire passer un entretien. Mais depuis cette année, l'Office des migrations veut être convaincu que les demandeurs ont fait l'objet de persécutions individuelles en Syrie pour délivrer le précieux sésame.
L'opposition de gauche est vent debout contre ces nouvelles pratiques, mais le gouvernement d'Angela Merkel soutient, lui, n'avoir aucune influence sur la manière dont travaille l'office. Du coup, environ 30 % des quelque 100 000 Syriens ayant obtenu la « protection subsidiaire » ont saisi la justice depuis janvier, un chiffre considérable qui contraint les tribunaux administratifs à engager du personnel pour faire face au monceau de dossiers. Mais la bataille judiciaire porte le plus souvent ses fruits. Selon les données du BAMF lui-même, les trois quarts des 3 490 affaires traitées ont été tranchées en faveur des plaignants, de nombreux juges estimant que les réfugiés encouraient des poursuites en Syrie par le régime de Bachar el-Assad pour les punir d'avoir pris la fuite.
Toutefois une instance judiciaire supérieure vient au contraire de considérer que ce risque n'existait pas, légitimant les décisions du BAMF de retarder le regroupement familial. « Plus on grimpe dans les instances, plus la justice est politique », a affirmé Bernd Mesovic.

Yannick PASQUET/AFP

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