Rechercher
Rechercher

Culture - Conférence / Swiss Art Talk

Tatyana Franck : Ma mission est de rendre le musée accessible à tous

Dans le cadre de la 6e et dernière Swiss Art Talk de 2016, la directrice du musée de l'Élysée à Lausanne était invitée au musée Sursock afin de discuter des réalités et des perspectives muséales au XXIe siècle.

La directrice du musée de l’Élysée à Lausanne, Tatyana Franck. Photo Anoush Abrar

Musées publics ou privés? Musées généralistes ou démultiplication des disciplines artistiques? Exportation du musée ou regroupement au sein d'une même ville? Collection permanente ou exposition temporaire? Il existe de multiples stratégies pour qu'un musée puisse exister. C'est ce message que Tatyana Franck, directrice du musée de l'Élysée à Lausanne, désire avant tout faire passer.
En débutant son intervention par une vidéo éditée en accéléré de la construction d'un gratte-ciel de 30 étages en seulement 15 jours en Chine, elle souhaite montrer tout d'abord les importants progrès techniques en matière urbanistique aujourd'hui. «On comprend bien comment ces cinq dernières années, plus de 1000 musées sont nés en Chine, avec notamment l'aide de collectionneurs européens», explique-t-elle. La directrice du musée de l'Élysée cite alors le grand collectionneur Uli Sigg venu récemment à Beyrouth présenter le film The Chinese Lives of Uli Sigg lors du Beirut Art Film Festival. Cet ancien ambassadeur de Suisse à Pékin a fait un don d'exactement 1 463 pièces de sa collection d'art contemporain chinois au musée M + de Hong Kong, qui ouvrira ses portes en 2019. Et dire que jusqu'au XXe siècle, il était interdit en Chine d'ouvrir des musées privés!
Des exemples comme celui-ci, l'intervenante en a treize à la douzaine. Dans le bel et confortable auditorium du musée Sursock, l'élégante Tatyana Franck a embarqué l'audience dans un voyage à travers les musées des quatre coins du globe. Munie d'une présentation powerpoint détaillée pour illustrer ses propos, elle a dressé le panorama des nouvelles tendances et stratégies dans le monde muséal. Sans omettre de mentionner les ouvertures prochaines du Beirut City Museum (en 2018), qui sera consacré à l'histoire de la ville à travers les âges, et du Beirut Museum of Art (en 2020), conçu par l'architecte franco-libanaise Hala Wardé.

Un parcours tout schuss
Fille du galeriste Éric Franck et nièce du célèbre photographe Henri Cartier-Bresson, c'est lorsque Tatyana Franck découvre à 17 ans une photographie de Nan Goldin – une prostituée à Bangkok – qu'elle est persuadée qu'elle s'épanouira dans le milieu de la photo. Après des études à Paris, Lyon, New York, Londres et Hong Kong, elle débute sa carrière professionnelle en organisant des expositions internationales, en particulier sur Pablo Picasso. Elle occupe ensuite le poste de directrice des archives de la collection de Claude Picasso à Genève et crée plusieurs manifestations, dont Caran d'Ache de Picasso à Interlaken. Ancienne skieuse alpine de compétition (8e du championnat de France en 1996), cette passionnée d'art n'a pas peur de nouveaux projets. À tout juste 30 ans, elle prend les rênes du musée de l'Élysée, musée cantonal de photographie, et enchaîne les initiatives et activités afin d'ouvrir les portes du musée à tous. Ce musée lausannois a alors par exemple créé un espace dédié aux familles où il est possible de toucher les photos à travers un mur aimanté, car «dans les musées, il est toujours interdit de toucher, il est toujours interdit de tout», sourit Tatyana Franck.
Le 13 octobre dernier a été lancé le novateur Blind Project : une trentaine de photographies accessibles pour les non-voyants, téléchargeables dans le monde entier et imprimables grâce à des imprimantes en relief.

Le musée du futur
Tatyana Franck a également exposé l'ambitieux et innovant projet prévu pour 2019 en Suisse: «un quartier des arts» de 22000 m2 au cœur de Lausanne. Regroupant en un seul lieu trois disciplines (la photographie, le design et les beaux-arts), c'est un espace unique, entièrement dédié à la culture, qui verra le jour sur le site des anciennes halles aux locomotives, à Lausanne. Selon l'intervenante, «l'idée est de construire bien plus qu'un musée, mais un réel quartier culturel avec un grand centre de documentation et des restaurants... un véritable lieu de vie qui sera ouvert jusqu'à minuit, voire 02h00 du matin», explique Tatyana Franck. Grand challenge pour une petite ville, «il s'agit non seulement d'un projet culturel, mais également urbanistique, écologique et architecturale», ajoute-t-elle.

Des ponts entre la Suisse et le Liban
«Je suis venue à Beyrouth pour partager mes expériences, mais surtout par curiosité et par intérêt. Découvrir de nouveaux talents fait partie de notre métier et il y a effectivement de nombreux ponts entre la Suisse et le Liban. Le musée de l'Élysée n'a pour l'instant encore jamais collaboré avec le Liban, mais c'est quelque chose que je souhaite absolument développer et c'est également la raison de ma présence à Beyrouth», explique Tatyana Franck. «Dans le futur quartier des arts à Lausanne, on aura d'ailleurs beaucoup d'espaces intérieurs comme extérieurs pour présenter des expositions étrangères», ajoute-t-elle. Ayant eu l'occasion de faire un tour au Salon d'automne, elle confie d'ailleurs à L'Orient-Le Jour qu'elle a beaucoup été touchée par l'œuvre du peintre libanais Abed el-Kadiri intitulée 26th of February 2015.
Une tournée d'inspection pour la spécialiste? Elle n'en dira pas plus.

Six invités de marque pour les « Swiss Art Talks »

Organisées en partenariat avec l'ambassade de Suisse au Liban et avec le support de l'association Philippe Jabre, les conférences intitulées Swiss Art Talks se sont tenues tout au long de l'année au musée Sursock. Les invités étaient Juri Steiner et Stephan Zweifel, créateur de l'exposition Dada Universal ; Not Vital, artiste suisse basé en Chine, au Brésil et en Suisse ; Thomas Hirshhorn, artiste travaillant à Paris ; Ursula Biemann, artiste basée à Zurich ; Simon Castets, directeur du Swiss Institute/Comtemporary Art et, bien entendu, Tatyana Franck. Un résumé de ces six conférences sera présenté au public en mai 2017.

Musées publics ou privés? Musées généralistes ou démultiplication des disciplines artistiques? Exportation du musée ou regroupement au sein d'une même ville? Collection permanente ou exposition temporaire? Il existe de multiples stratégies pour qu'un musée puisse exister. C'est ce message que Tatyana Franck, directrice du musée de l'Élysée à Lausanne, désire avant tout faire...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut