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Liban - L’éclairage

Une volonté de déjà circonscrire le nouveau régime ?

Les prises de position du président de la Chambre Nabih Berry et de certains responsables et cadres du Hezbollah sont des messages, tantôt cryptés et tantôt clairs et sans détour, adressés par l'axe dit de la « moumanaa » au nouveau régime. C'est en tout cas l'interprétation qu'en font certains milieux politiques proches des Forces libanaises et de la coalition politique qui a porté le général Michel Aoun à la présidence de la République, le 31 octobre dernier, en se basant notamment sur les menaces proférées par certains responsables syriens et certaines personnalités proches du pouvoir en place à Damas à l'encontre du nouveau président à l'orée du nouveau mandat.

Pourquoi donc les composantes du 8 Mars n'accordent-elles aucun délai de grâce au chef de l'État, ne serait-ce que pour trois mois, avant de commencer à distribuer leurs mises en garde et à semer des embûches sur le parcours de Baabda, à travers notamment le blocage du processus de formation du nouveau cabinet? D'autant que ces mêmes formations du 8 Mars affirmaient il n'y a pas longtemps qu'une victoire du candidat Aoun serait un triomphe stratégique personnel pour la ligne politique qu'elles représentent.

L'attitude du Hezbollah, du mouvement Amal et des partis pro-Assad serait une tentative d'établir d'ores et déjà une mainmise sur le nouveau régime avant même qu'il ne puisse prendre son envol. L'alliance qui a rendu possible l'avènement du général Aoun a même suscité des craintes au sein du camp syro-iranien, surtout que le discours d'investiture du nouveau président de la République a omis de mentionner clairement le fameux triptyque en or du Hezbollah, « armée-peuple-résistance », ainsi que le soutien à la résistance et à la rhétorique du régime syrien relative à sa lutte contre le terrorisme. Au contraire, le discours s'est focalisé sur la politique de distanciation vis-à-vis des conflits extérieurs, dénoncée par le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad, qui a exprimé son rejet d'un retour à la déclaration de Baabda et toute neutralité du Liban.

 

(Lire aussi : Hariri face aux « critères » de Berry)

 

Autre point fort du discours d'investiture, l'établissement de relations équilibrées avec l'extérieur, dans la continuité de la déclaration de Baabda, et la préservation des relations vitales du Liban avec les pays arabes. Enfin, le président élu et son parti, le Courant patriotique libre (CPL), ont jusqu'à présent respecté leur alliance avec les Forces libanaises (FL), lesquelles ont joué un rôle-pivot dans le déblocage de la candidature Aoun. Cette fidélité s'est manifestée lors des négociations sur la répartition des quotes-parts au sein du nouveau cabinet, le CPL soutenant « la justesse » des revendications des FL dans ce cadre.

Pour toutes ces raisons, le 8 Mars est inquiet et n'arrive pas à percevoir dans la victoire de Michel Aoun son propre triomphe, ce qui expliquerait donc – selon des sources FL – aussi bien l'état de paralysie entretenu par Nabih Berry au nom de son camp, ou encore les menaces des caciques du régime syrien contre le chef de l'État, que les défilés paramilitaires de Qousseir et de Jahiliyé, censés intimider le nouveau régime. Le comportement du président élu dans la formation du cabinet serait même critiqué dans les arcanes du pouvoir à Damas, selon des personnalités de retour de la capitale syrienne. En bref, estiment ces sources FL, Michel Aoun donnerait l'impression à ces anciens alliés qu'il a changé de cap, puisqu'il semble se positionner actuellement à égale distance de tous depuis qu'il se trouve à Baabda.

Par ailleurs, les milieux FL refusent de commenter les rumeurs relatives à la formation du cabinet, et plus particulièrement à la polémique sur l'attribution du portefeuille des Travaux publics et des Transports au parti présidé par Samir Geagea. Ils affirment que la question de leur quote-part au sein du nouveau cabinet est déjà réglée avec le Premier ministre désigné. Les FL aurait fait une concession en abandonnant leur désir de se saisir d'un portefeuille régalien, en l'occurrence la Défense, au profit du président Aoun, à condition que l'heureux bénéficiaire de ce portefeuille ne leur soit pas hostile. En échange, Meerab obtiendrait la vice-présidence du Conseil et deux portefeuilles, les Travaux publics et l'Information.

 

(Lire aussi : Gouvernement bloqué : la confiance, clef de voûte constitutionnelle)

 

C'est Saad Hariri qui aurait convaincu le président des FL de céder sur la question du portefeuille régalien, ajoutent les sources du parti, sous le prétexte que cela serait déterminant pour débloquer la formation du cabinet. Samir Geagea aurait aussitôt accepté pour faciliter la mission du Premier ministre désigné. Quant à ceux qui réclament le portefeuille des Travaux publics, il faudra qu'ils consentent à leur tour des sacrifices, comme les FL, soulignent les sources proches de Meerab.

En dépit de la persistance du blocage actuel, certains milieux politiques se disent plutôt optimistes quant à sa fin prochaine. Des éclaircies pourraient avoir lieu en fin de semaine, dans la mesure où le Hezbollah ne pourrait pas pousser trop loin la confrontation avec le président Aoun au tout début de son mandat.
Mais le parti chiite ne paraît cependant pas trop enthousiaste quant au retour de Saad Hariri au Grand Sérail et au regain d'influence des pays du Golfe au Liban. Il voudrait par ailleurs consacrer, à travers sa politique de nuisance, les acquis qu'il avait obtenus à Doha en 2008, en l'occurrence le tiers de blocage au gouvernement et la reconnaissance du triptyque « armée-peuple-résistance », avec en prime l'accaparement du ministère des Finances qui leur permet de contresigner toutes les décisions importantes au niveau de l'exécutif.
Une autre théorie défendue par certains milieux politiques du 14 Mars serait de voir ce rognage institutionnel se poursuivre, le tandem chiite essayant de parvenir, en dépit de l'élection présidentielle, à imposer le package deal à l'usure, avec la bénédiction des différentes forces politiques.

Le Hezbollah serait enfin dans l'attente de la fin de la bataille d'Alep, où le régime et ses alliés progressent, pour imposer ses conditions dans la formation du cabinet et circonscrire l'action de Saad Hariri au Grand Sérail – ou encore, dans l'attente de l'avènement de la nouvelle administration Trump, le 20 janvier prochain.

 

 

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commentaires (1)

Tout cela n'est pas grave tant que le président-bis tourne joyeusement dans les pays d'Amérique latine... Nos responsables peuvent joyeusement attendre le retour de l'éminence grise auprès de "fakhamtou".

Un Libanais

14 h 40, le 29 novembre 2016

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Commentaires (1)

  • Tout cela n'est pas grave tant que le président-bis tourne joyeusement dans les pays d'Amérique latine... Nos responsables peuvent joyeusement attendre le retour de l'éminence grise auprès de "fakhamtou".

    Un Libanais

    14 h 40, le 29 novembre 2016

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