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Diaspora - Diaspora

Bienvenue aux États-Unis, « terre de la francophonie libanaise »

Du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest nord-américains, entre certains migrants libanais et la francophonie, c'est un lien qui perdure au-delà de la distance et de la géographie.

Le Lycée français en Californie, fondé par les Kabbaz.

Ils ont fondé des institutions, sont membres d'organisations, des parents actifs au sein de l'école, des professeurs : leurs domaines de travail sont divers et variés. Mais tous ont un point en commun: ces migrants libanais ne manquent pas d'idées lorsqu'il s'agit de servir la francophonie.

L'enquête démarre à Atlanta, en Géorgie. Ici, au sein de l'Atlanta International School, les Libanais sont bien connus. D'année en année, ils ne boudent jamais cette école qui propose un baccalauréat international. Cynthia Arzouni el-Chami en sait quelque chose. Depuis le début de la scolarité de ses enfants, cette émigrée libanaise a choisi cette école pour diverses raisons. «Avec mon mari, nous tenions à ce que nos enfants baignent dans une ambiance internationale, dit-elle. C'était important pour nous. Outre l'apprentissage du français, une langue que nous chérissons, nos enfants ont la possibilité de découvrir diverses cultures, d'être exposés à plusieurs valeurs et coutumes.»

Pour Cynthia donc, les choses sont claires. Elle tient absolument à transmettre cette partie de sa culture à laquelle elle continue d'être attachée malgré toutes ces années passées aux États-Unis. «Cela fait quinze ans que j'ai émigré, se souvient-elle. Mais il suffit que quelqu'un me parle en français pour que je me
sente renaître. »

Renaître, c'est sans doute se sentir au Liban de nouveau, pour quelques instants. L'émigrée n'a pas tourné le dos à son pays qui lui manque toujours autant. Elle essaye de s'y rendre fréquemment et son bonheur est absolu lorsqu'elle réalise que ses enfants s'y adaptent facilement. «Mon fils aîné me l'a signalé lors de nos dernières vacances au Liban, affirme-t-elle. Il était si fier de pouvoir communiquer facilement avec les autres. Il les comprenait et leur montrait qu'il est sur la même longueur d'onde qu'eux.»

Le maintien de la francophonie au sein des communautés d'origine libanaise est donc bénéfique parce qu'il peut aider les nouvelles générations à s'insérer plus facilement au Liban. Il a un autre atout. C'est de donner une image positive de son pays d'origine. Raconter son histoire, ses singularités et ses richesses. C'est souvent à travers un professeur originaire du Liban qu'on entend parler du pays. Yara Zgheib Salloum le confirme. Cette écrivaine, blogueuse et voyageuse rédige des articles traitant d'affaires internationales. Elle écrit également sur la philosophie, la culture, l'art et la littérature sur son blog
(http://www.aristotleatafternoontea.com/). À l'Alliance française de Saint-Louis dans le Missouri, elle a donné plusieurs cours de français et de politique française et européenne. Elle a rapidement compris à quel point les étudiants ont soif d'en apprendre davantage sur le Proche-Orient et le Liban. «Le fait que je sois libanaise a créé une vraie curiosité chez mes étudiants, souligne-t-elle. Le 22 novembre, jour de l'indépendance, ils m'ont surprise lisant un texte d'Amin Maalouf en classe. J'ai senti qu'une mission était accomplie. J'étais en train de propager une bonne image de mon pays.»

Bâtisseurs de ponts

Yara n'est pas la seule à avoir réussi son pari. À Nashville, dans le Tennessee, un Libanais est en train de changer les choses au sein de l'Alliance française. Joseph Antoun, enseignant et chercheur auprès de l'Université Vanderbilt, docteur en biologie moléculaire de la faculté de médecine de Brest, est bien connu au sein de cette association. Les autres membres du conseil général ne tarissent pas d'éloges à son égard. «Ce volontaire est passionné et très dynamique», entend-on souvent à son propos. Mais pourquoi donc est-il prêt à s'engager autant pour cette langue? «Parce que j'ai été élevé dans la francophonie et que cela fait partie de moi, répond-il sans hésitation. La France m'a toujours tendu les bras. Je tiens à le lui rendre à ma façon.»

En ce moment, le chercheur est en train de moderniser les modes d'enseignement en y intégrant plus de technologie. Il travaille également sur la phonétique, afin de donner la possibilité aux étudiants de perfectionner leur niveau linguistique. Tout récemment, il s'est rendu à la réunion annuelle de la fédération des Alliances françaises à Minneapolis dans le Minnesota, où on lui a proposé de rédiger un guide pédagogique cinématographique qui sera proposé à des écoles internationales à New York.

Joseph Antoun ne se contente donc pas d'être un membre actif d'une association et de partager la langue. Il tient surtout à propager la culture française outre-Atlantique. Son cas n'est pas isolé. En Californie, au cœur de l'un des États les plus riches de l'Ouest des États-Unis, certains Libanais d'origine sont non seulement en train de promouvoir la culture française, mais de jouer le rôle de bâtisseurs de ponts entre les continents. L'exemple le plus frappant est celui du Lycée français de Los Angeles. Fondée par Raymond Kabbaz, un Libanais d'origine (voir encadré), cette école continue à remplir avec succès ses fonctions.
Outre son rôle éducationnel (c'est l'une des meilleures écoles privées internationales et l'une des plus respectées de Los Angeles), elle a son propre théâtre, qui porte le nom de Raymond Kabbaz. C'est ici que se produisent des artistes connus mondialement. La liste est si longue: Madonna, Brad Pitt, Claire Danes, Francis Cabrel, Patrick Timsit, Jodie Foster (ex-étudiante du lycée). Tout ce beau monde respecte infiniment les Kabbaz. Grâce à leur persévérance, la francophonie s'est développée à une grande vitesse en Californie au fil des années. La preuve que quel que soit son lieu géographique, un Libanais francophone demeure fidèle à ses racines.

Le choix du baccalauréat français
À New York, les Libanais sont fidèles au système éducatif français. Ils encouragent leurs enfants à décrocher le bac français. Sean Lynch, proviseur du Lycée français de New York, explique que les élèves libanais choisissent ce lycée pour son « double ancrage français et américain, qui permet de créer un apprentissage bilingue et pluriculturel avec à la clé le baccalauréat français reconnu partout dans le monde pour sa rigueur ».

En Californie, les Kabbaz changent le code de l'éducation
En 1964, Raymond Kabbaz et sa femme, tous deux enseignants, ont relevé un défi des plus ambitieux. Ouvrir la première école internationale proposant un enseignement en deux langues. Durant cette époque, la loi interdisait l'enseignement dans une langue autre que l'anglais en Californie. Les Kabbaz ont fait du lobbying, engagé des consultants et des avocats afin de changer le code de l'éducation à Sacramento. Cet amendement historique de la loi a non seulement ouvert la voie à l'ouverture du Lycée français de Los Angeles, mais aussi à de nombreuses autres écoles internationales multilingues, à des programmes bilingues et à l'immersion linguistique. Entretien avec Clara-Lisa Kabbaz, présidente du Lycée français de Los Angeles, fille du fondateur.

Votre père a dédié sa vie à la francophonie. Comment expliquez-vous son choix ?
Mon père était un Libanais qui a grandi au Sénégal, a vécu en France et a été éduqué au sein d'un internat jésuite, explique-t-elle. Il a toujours adoré l'éducation qu'il avait reçue et a voulu rester fidèle aux valeurs qu'on lui a inculquées : le respect de l'autre, la tolérance, le service à la communauté. Évidemment, il les appliquait tout en demeurant attaché à la laïcité. Son amour pour la France, il le partageait avec ma mère. Tous deux ont travaillé si dur pour l'éducation, d'abord à New York, ensuite en Californie. Je continue à penser à eux tous les jours. Comment ils auraient agi en tant que professeurs, éducateurs ou directeurs. Ils sont mes guides spirituels.

Vous avez beaucoup d'étudiants libanais. Comment les percevez-vous ?
Ce sont les plus généreux, toujours prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes, dit-elle. Ils sont ouverts d'esprit et s'insèrent très facilement dans leur entourage. Beaucoup de membres de notre équipe sont libanais, ainsi que notre chef cuisinière. Moi aussi je le suis, et je le revendique. En fait, je pense que le Libanais réussit avec brio à devenir citoyen du monde où qu'il soit.

Ils ont fondé des institutions, sont membres d'organisations, des parents actifs au sein de l'école, des professeurs : leurs domaines de travail sont divers et variés. Mais tous ont un point en commun: ces migrants libanais ne manquent pas d'idées lorsqu'il s'agit de servir la francophonie.L'enquête démarre à Atlanta, en Géorgie. Ici, au sein de l'Atlanta International School, les...