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Décongélation

Survenant 34 ans après la tragédie du 14 septembre 1982, l'ouverture du procès de l'assassin de Bachir Gemayel ne ramènera pas au monde le jeune et fougueux président élu, ni les 26 autres victimes de cet incroyable attentat aux explosifs. Elle ne fera pas réapparaître non plus l'organisateur de l'hécatombe, Nabil Alam, cadre supérieur du Parti syrien national social, présumé décédé au Brésil où il aurait trouvé refuge. Elle ne remettra pas enfin derrière les barreaux le poseur de la fatidique bombe, Habib Chartouni, que l'occupant syrien et ses séides avaient délivré de prison pour le fêter en héros : révoltante célébration à laquelle on continue de s'adonner ouvertement d'ailleurs dans certains quartiers du Grand Beyrouth...


Non, de ce procès si longtemps différé, il n'y a pas à attendre hélas quelque juste – bien que tardive – réparation, comme on en voit dans la série télévisée américaine Cold Case. Et pourtant, cet événement représente bel et bien une mince, une fragile ébauche d'État de droit, dans un pays qui tire fallacieusement orgueil de ses traditions démocratiques mais où le meurtre politique est monnaie plutôt courante ; où deux présidents (quid en effet de René Moawad ?), un Premier ministre en exercice, un ancien chef de gouvernement et toute une légion de personnalités de premier plan ont été assassinés sous l'ère syrienne ; où, surtout, l'impunité demeure la règle, garantie qu'elle est en effet par des groupements armés et leurs tuteurs étrangers.


L'élection d'un nouveau président de la République s'est parée de promesses, chaque jour renouvelées, de changement. Assez paradoxalement cependant, c'est l'appareil judiciaire, longtemps otage des pressions, qui aura pris une longueur d'avance sur le pouvoir exécutif. Lequel se débat dans la morne routine de la formation d'un de ces gouvernements donnant satisfaction à toutes les composantes de l'éventail politique ayant pignon sur rue : y compris, eh oui, ce même PSNS dont sont issus Habib Chartouni et Nabil Alam.


Mais comment un tel fourre-tout, voué à tous les tiraillements, pourrait-il répondre aux attentes des citoyens ? Au nom de quelle logique ce machin, dont la tâche essentielle sera de préparer un projet de loi électorale et la tenue de législatives, devrait-il inclure l'intégralité des parties prenantes au scrutin et n'acceptant d'autre système, d'autre découpage des circonscriptions que ceux conformes à leurs intérêts ? Et pourquoi la naissance d'un gouvernement censé n'avoir qu'une durée de vie de quelques mois donne-t-elle lieu à une aussi féroce compétition dans l'attribution des portefeuilles de poids ?


À l'opposé des juges, le tandem Aoun-Hariri a déjà raté son premier tour de piste. Le changement, le vrai, aurait consisté pour lui à renvoyer dos à dos tous les quémandeurs et maîtres chanteurs. À faire cadeau aux Libanais d'une équipe d'experts apolitiques n'ayant d'autre souci, eux, que l'intérêt national. Et puisqu'il est question de vieux procès en cours de dégel, à ne considérer d'autre juge qu'une opinion publique avide d'air frais.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Survenant 34 ans après la tragédie du 14 septembre 1982, l'ouverture du procès de l'assassin de Bachir Gemayel ne ramènera pas au monde le jeune et fougueux président élu, ni les 26 autres victimes de cet incroyable attentat aux explosifs. Elle ne fera pas réapparaître non plus l'organisateur de l'hécatombe, Nabil Alam, cadre supérieur du Parti syrien national social, présumé...