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Liban - L’éclairage

Le nœud gordien chiite

Les messages du tandem chiite au nouveau pouvoir se multiplient depuis l'avènement de Michel Aoun à la présidence de la République. En dépit de sa volonté d'aplanir tous les obstacles pour faciliter le processus de formation du nouveau cabinet, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a ainsi été confronté ces derniers jours à des événements inédits: d'abord la parade militaire du Hezbollah à Qousseir et ses répercussions sur les débuts du nouveau mandat, et celle des brigades du parti al-Tawhid de Wi'am Wahhab, à la veille du défilé militaire de l'Indépendance ; la joute politique entre le président de la République et le président de la Chambre Nabih Berry, doublée de l'échange acide entre Bkerké et le Conseil supérieur chiite ; et la position des deux formations chiites au sujet de la formation du cabinet, M. Berry refusant de faire la moindre concession au niveau des portefeuilles et se réservant l'apanage de désigner lui-même les noms des ministres de sa communauté, même celui qui doit faire partie du lot du chef de l'État... D'ailleurs, le tandem Amal-Hezbollah avait refusé, au départ, le principe de concéder au président Aoun le droit de nommer lui-même un ministre chiite.

Le nœud gordien qui empêche la formation du cabinet Hariri est donc essentiellement chiite. Pourtant, Michel Aoun avait averti Saad Hariri qu'il entendait désigner un ministre chrétien, un autre sunnite et un troisième chiite, conformément à la part de trois ministres qui doit lui revenir au sein du cabinet, et dans l'optique de montrer qu'il possède une légitimité nationale, non cantonnée strictement aux communautés chrétiennes. Le Premier ministre désigné avait accueilli l'idée favorablement, d'autant qu'il souhaite lui-même attribuer l'un des portefeuilles ministériels auquel il a droit à l'un de ses conseillers, le maronite Ghattas Khoury. Le président de la République a informé M. Hariri que les contacts étaient en cours avec le tandem chiite pour s'entendre sur le nom du ministre qui siégerait dans son bloc ministériel. Le chef du courant du Futur s'est rendu hier à Baabda pour s'entretenir avec le chef de l'État, se contentant, à l'issue de l'entretien, de mettre en exergue sa convergence de points de vue avec le président Aoun et de lancer : « Il y a quelques obstacles et celui qui bloque est bien connu. C'est à lui que vous devez poser vos questions. » La réponse de M. Berry a fusé de Aïn el-Tiné: « Celui qui bloque la formation du cabinet est celui qui contrevient à la Constitution, aux usages et aux règles dans le processus de formation, pas celui qui met en garde contre ce qui se produit. Sans doute l'objectif plus lointain est (le retour à) la loi de 1960. »

La réponse de Nabih Berry constitue très nettement une réponse du tandem chiite à l'axe chrétien Michel Aoun-Samir Geagea, ainsi qu'à leur allié, Saad Hariri. Le tandem Amal-Hezbollah se sentirait cerné de toutes parts par la nouvelle troïka, à l'aube d'une nouvelle étape de la vie politique du pays. Ce tandem n'est pas sans craindre un marché politique qui préserverait la loi dite de 1960 avec quelques amendements, ce qui permettrait au binôme Aoun-Geagea, de concert avec Saad Hariri, de remporter une majorité confortable au nouveau Parlement. Les yeux du président de la Chambre, et de ceux qu'il représente au sein de la sphère politique, sont désormais rivés sur la loi électorale. Ce n'est pas un hasard si le chef du législatif s'est récemment prononcé en faveur de la proportionnelle, occultant son projet de loi mixte qu'il avait mis au point au moment où le Parti socialiste progressiste, le courant du Futur et les Forces libanaises avaient présenté leur propre projet, également mixte...

L'harmonie est donc rompue entre Nabih Berry et Michel Aoun, et ce serait en partie dû aux relations extrêmement compliquées entre le président de la Chambre et le chef de la diplomatie, Gebran Bassil. Michel Aoun aurait par ailleurs voulu intégrer au sein du gouvernement l'avocat chiite Karim Ahmad Kobeïssi, un adversaire de M. Berry. Ce dernier aurait aussitôt répliqué en proposant d'offrir un portefeuille à l'ancien vice-président Issam Abou Jamra, ancien camarade du général Aoun, mais devenu, depuis quelques années, l'un de ses plus farouches détracteurs. Depuis, les contacts vont bon train pour tenter de colmater les brèches d'une relation qui se fissure de façon progressive et de déboucher sur une formule acceptable de compromis.
À cela, il faut ajouter d'autres éléments, qui rendent le processus de formation du cabinet encore plus complexe, en l'occurrence la participation éventuelle des Marada, du parti Kataëb, du Parti syrien national social ou du Parti démocratique libanais de Talal Arslane, dans une tentative de mettre la pression sur le nouveau régime, torpiller les nouvelles alliances et les nouveaux équilibres, et surtout de limiter les appétits des FL, qui se considèrent comme le parrain du nouveau mandat.

Partant, le tandem chiite réclame désormais un retour à une formule de 30 ministres, et non plus de 24, pour créer suffisamment de contre-pouvoirs au sein du nouveau cabinet en y intégrant des partis proches du Hezbollah et de « l'axe de la résistance ». « L'élection du général Aoun ne devrait-elle pas être une victoire pour le 8 Mars ? » s'interrogent des sources de la coalition pro-iranienne. Pourquoi alors ce sentiment d'inconfort prégnant en milieu politique chiite depuis le début du nouveau mandat ? Pourquoi cette idée que, derrière le discours d'investiture du nouveau président, il y aurait peut-être l'idée, à l'étranger, de s'appuyer sur une nouvelle troïka visant à déstabiliser l'axe iranien au Liban et de réduire l'influence du Hezbollah et de ses armes, à l'ombre d'un futur compromis politique en Syrie ? Un ancien député du 8 Mars exprime sans détour les craintes du tandem chiite vis-à-vis de tels développements, qui expliqueraient l'attachement de Nabih Berry aux privilèges ministériels chiites, notamment la possession du portefeuille des Finances, qui permettra à la communauté de contresigner les décisions des deux pôles de l'exécutif. En attendant une mutation des rapports de force qui ouvrirait aussitôt la voie à des changements structurels et constitutionnels plus profonds, quand bien même Michel Aoun a, dans son discours d'investiture, prêté serment de respecter l'accord de Taëf.

 

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commentaires (2)

ALEXANDRE AVAIT COUPE LE NOEUD GORDIEN AVANT DE SOUMETTRE LA PERSE...

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 45, le 22 novembre 2016

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Commentaires (2)

  • ALEXANDRE AVAIT COUPE LE NOEUD GORDIEN AVANT DE SOUMETTRE LA PERSE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 45, le 22 novembre 2016

  • Vous croyez au Pere Noel? Donc vous croyez que le Hezb et Istez Nabeuh veulent d'un gouvernement? Allons donc. Aoun s'est fait pieger pas Hassan Nasrallah. Il l'a bien mis sur le trone, mais pour une figuration et rien d'autre!

    IMB a SPO

    16 h 14, le 22 novembre 2016

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