Le torchon brûle-t-il entre les Kataëb et les Forces libanaises ? Oui et non. Le parti de Samir Geagea a énergiquement protesté hier de sa bonne foi, démentant vouloir évincer les Kataëb du gouvernement, une accusation lancée contre lui la veille par Samy Gemayel. Ce dernier ne s'est pas formellement rétracté, mais la radio de son parti a censuré le passage de son discours dans lequel il s'en prenait aux FL, comme pour éponger une bavure. Ou encore rétablir les ponts (voir par ailleurs).
Samy Gemayel est-il aussi impulsif qu'il le paraît ? Qui croire au juste ? Dans les milieux des FL, on assure que le problème du nombre des portefeuilles qui seront attribués au parti Kataëb ne dépend pas d'elles, mais du chef de l'État et de son Premier ministre. Pour eux, en s'attaquant aux FL, Gemayel se trompe d'adresse. Ce faisant, les FL, c'est sûr, marquent un point.
Toutefois, selon des observateurs, deux parties sont en train d'être jouées en ce moment, et non une seule. La seconde se jouant sous la table. Et sur ce plan, il n'est pas exclu que les FL cherchent à occuper le devant de la scène « chrétienne » et à reléguer le parti Kataëb au rang de « relique », comme l'est un peu le PNL. Ce rôle, les FL estiment avoir les coudées plus franches pour le jouer, maintenant que le CPL est au pouvoir et ne peut plus se permettre les discours identitaires sur « les droits des chrétiens » qu'il tenait avant l'élection présidentielle. Il en prendrait donc le relais.
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Quoi qu'il en soit, il existe certainement un problème relationnel entre les Kataëb et les FL que leurs leaders devront résoudre, si le camp dit chrétien ne veut pas continuer à être empoisonné par une guerre des chefs qui ne dit pas son nom.
Walid Joumblatt a persiflé hier les manœuvres « infantiles » de ceux qui bloquent le processus de formation du gouvernement. Mais compte tenu de son hostilité au chef des FL, il n'est pas étonnant qu'il fasse flèche de tout bois pour le déconsidérer publiquement, ce qui ôte beaucoup de crédibilité à ses jugements.
Cela dit, le processus de formation du gouvernement n'a pas vraiment progressé au cours des dernières 24 heures, sachant que l'on est à dix jours de la fête de l'indépendance, date à laquelle, au lendemain de l'élection du président Aoun, on espérait que le gouvernement serait déjà formé.
À titre d'exemple, les Forces libanaises, qui réclament trois ministères, n'ont toujours pas su si elles obtiendraient, directement ou par le biais d'une personnalité qui leur serait favorable, un portefeuille dit « régalien ». Après avoir renoncé au ministère des Finances, auquel s'attache la communauté chiite, les FL estiment que l'un des deux ministères de la Défense ou des Affaires étrangères devrait leur être dévolu, leur préférence allant au portefeuille des AE que pourrait détenir une personnalité qui leur serait proche, comme Abdallah Bou Habib, ancien ambassadeur du Liban à Washington et ancien secrétaire général du palais Bustros, ou encore Boutros Assaker ou Nagi Abi Assi, qui ont également rempli cette dernière fonction.
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Le Hezbollah, apprend-on, est hostile à l'attribution au FL d'un portefeuille de premier plan. À ce veto, le parti de M. Geagea rétorque en se déclarant favorable à une rotation des portefeuilles ministériels, et exige que la communauté chiite s'engage, dès à présent, à ne pas briguer ce portefeuille à la formation du prochain gouvernement.
Sur le plan chiite, par ailleurs, un point reste à régler. Qui succédera à Ali Hassan Khalil au ministère des Finances, sachant qu'un désir maladroitement exprimé par le chef de l'État a tellement indisposé Nabih Berry qu'il insiste désormais, par mesure vexatoire, à réclamer le maintien de M. Ali Hassan Khalil à son poste.
Quoi qu'il en soit, selon une source proche du mouvement Amal, en gros, on aurait désormais presque franchi l'étape de la répartition des portefeuilles sur les forces politiques en présence, à un ou deux détails près, et l'on s'apprêterait à passer à celle de l'attribution nominale des ministères ainsi répartis. À ce titre, une réunion de mise au point pourrait se tenir au début de la semaine prochaine entre le président de la République et le Premier ministre, histoire de ne pas briser l'élan que l'élection présidentielle a imprimé au processus de recouvrement de l'autorité de l'État sur les institutions et le pays.
Sur un plan plus général, ce redressement semble s'accompagner d'un assainissement des rapports libano-saoudiens qui irait jusqu'à la révision de la décision saoudienne de suspendre le don de 3 milliards de dollars qui devait doter l'armée de certains équipements militaires français (lire par ailleurs).
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commentaires (8)
Que Dieu ait pitie de nous et aide les chretiens a s'aimer....aimez vous les uns les autres....
Soeur Yvette
17 h 23, le 12 novembre 2016