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Liban - Focus

Quel impact de l’élection de Trump sur le Liban et la région ?

Le candidat républicain à la présidence américaine, Donald Trump, a créé la surprise en se faisant élire hier à la tête de la première puissance mondiale. Les propos incendiaires qu'il avait tenus au cours de sa campagne, notamment en matière de politique étrangère, posent de nombreux points d'interrogation. Pour ce qui est du Moyen-Orient, les yeux se tournent vers l'Iran, dont l'accord sur le nucléaire signé sous le mandat de Barack Obama serait menacé d'annulation, ainsi que sur la relation avec d'autres pays comme la Turquie, la Russie (dorénavant un acteur incontournable dans cette région) et avec les pays arabes en général. « L'Orient-Le Jour » a demandé à plusieurs personnalités libanaises d'évaluer les bouleversements auxquels elles s'attendent et qui pourraient affecter le Liban, bien que ce pays ne soit pas directement une priorité pour les administrations américaines successives.

Farid el-Khazen.

Farid el-Khazen, député, bloc du Changement et de la Réforme
« D'une manière générale, la politique étrangère américaine est marquée par des constantes, avec certaines variantes possibles. En ce qui concerne le Moyen-Orient, l'un des dossiers essentiels reste le conflit israélo-palestinien. Donald Trump, comme d'autres, se rangera de manière inconditionnelle du côté d'Israël. Et la plupart de ses collaborateurs seront encore plus extrémistes dans leur appui à Israël. Ce qui risque de changer dramatiquement, c'est la relation avec l'Iran : celle-ci pourrait se détériorer notablement, ce qui aura à lui seul un impact considérable sur la région, d'autant plus que le Congrès, dominé par le même parti que le nouveau président, est majoritairement hostile à l'accord nucléaire signé avec ce pays. Je ne pense pas qu'ils réussiront à l'annuler, mais à le bloquer de diverses manières. Pour ce qui est des dossiers syrien, irakien et de lutte contre le terrorisme, je ne pense pas qu'il y aura des changements radicaux, d'autant plus que les troupes américaines participent déjà au combat contre Daech en plusieurs endroits. Une plus grande coordination avec la Russie pourrait se traduire sur le terrain en Syrie, mais je n'anticipe pas une guerre américaine comparable à l'intervention en Irak au temps du président Bush. Enfin, bien qu'il ne figure pas dans les priorités américaines, le Liban serait surtout affecté par les changements limités dans la région, notamment par d'éventuelles tensions entre les États-Unis et l'Iran. »

Marwan Hamadé, député, Rassemblement démocratique
« Avant de juger de la politique étrangère du futur président américain, il faut faire la différence entre le candidat Donald Trump et ses excès, et avec le président qu'il est devenu. Dans son premier discours après la victoire, il s'est montré très courtois envers sa rivale Hillary Clinton, rassembleur pour les Américains et beaucoup plus modéré envers les pays étrangers. Dans tous les cas, il faudra attendre la composition de son équipe, parce qu'il reviendra davantage à cette équipe de gérer les dossiers, plutôt qu'au président. Je ne crois pas que nous devrions nous attendre à des bouleversements majeurs : les outrances des campagnes sont généralement tempérées par la realpolitik, une fois au pouvoir. »

 

(Lire aussi : Victoire de Trump : des électeurs US d'origine libanaise, entre bonheur et effroi)

 

Yassine Jaber, député, bloc Amal
« Il faut tout d'abord saluer cette remarquable opération démocratique qui a amené à la tête des États-Unis le candidat républicain, contrairement aux prévisions de tous les sondages. Le peuple américain voulait clairement exprimer une opinion hostile à un certain establishment. D'un autre côté, il ne faut pas confondre le candidat Trump et le président Trump : preuve en est son discours de victoire, qui était rassembleur et modéré. Pour ce qui est de la politique étrangère, il faut savoir qu'aux États-Unis, cette affaire ne dépend pas des personnes, mais plutôt d'un système. Les États-Unis sont un grand pays d'institutions, où la personnalité du président a certainement un impact, mais où les choses poursuivent leur cours suivant un plan déjà établi. Ce qui ne fait pas de doute, c'est que nous vivons une ère nouvelle. Pour ce qui est de l'accord nucléaire avec les Iraniens, je ne crois pas qu'il y ait une réelle volonté de l'annuler, puisque Téhéran s'est conformé jusque-là à ses dispositions. Je suis d'avis que l'échéance la plus urgente, pour Donald Trump, serait la lutte contre le terrorisme et contre cet esprit radicalisé qui se répand dans notre région comme dans le reste du monde. Et je le vois aussi très tourné vers les problèmes internes, telle la réhabilitation de l'infrastructure du pays. »

Élias Abou Assi, secrétaire général du Parti national libéral
« Après cette élection, je demeure sceptique, vu l'absence d'expérience politique de Donald Trump. Toutefois, celui-ci sera probablement secondé par une équipe solide du Parti républicain. Dans tous les cas, notre région entre dans une période d'attente, vu que le président élu ne prendra ses fonctions que le 20 janvier et qu'il lui faudra du temps pour maîtriser ses dossiers. Et, surtout, il sera important de connaître l'identité de celui ou de celle qui va occuper le poste de secrétaire d'État. Quant aux Russes, à en juger par les déclarations de leurs dirigeants, à commencer par le président Vladimir Poutine, ils semblent optimistes de trouver un terrain d'entente avec le nouveau président. Ce qui peut augurer d'une certaine avancée dans le dossier syrien. Mais, là encore, restons vigilants. »

Moustapha Fahs, militant politique
« À mon avis, le président Trump sera différent du candidat. Il devra abandonner un bon nombre de slogans lancés durant sa campagne, non parce que quelqu'un l'en aura convaincu, mais par pur réalisme politique et par nécessité de respecter le cadre des institutions américaines. En effet, s'il a un problème avec l'establishment, il devra composer avec ce qui est au-dessus de l'establishment : le système même de l'État américain, qu'Obama lui-même n'avait pas réussi à contourner pour satisfaire ses idées politiques. Or Trump n'est pas un homme de convictions, mais un homme d'affaires. De plus, il devra tenir compte de la poigne de son parti, qui domine les deux chambres. Pour ce qui est de l'accord nucléaire avec l'Iran, il ne pourra pas, je crois, l'annuler complètement, mais plutôt freiner son application, et même revenir à l'idée des sanctions, avec le Congrès, ce qui fera imploser l'accord. Pour la région, l'impact serait peut-être l'arrivée d'un extrémiste à la tête de l'Iran. Du côté de la Russie, il convient de considérer les propos positifs de Donald Trump avec circonspection : à mon avis, quand il lance des signaux envers les Russes, c'est plus dans l'esprit de l'hégémonie américaine très cher aux républicains que dans un réel esprit de partenariat. Enfin, on pourrait s'attendre à une éclaircie dans les relations avec la Turquie, un pays dont il aura besoin s'il cherche à isoler l'Iran. Pour ce qui est des Arabes, les intentions du nouveau président demeurent floues, malgré la violence de certains de ses propos durant la campagne. Il sera obligé, à mon avis, de tenir compte du fait que les pays arabes façonnent désormais leur propre politique sans attendre que les États-Unis imposent la leur. Personne ne peut assumer la responsabilité d'un mécontentement de la majorité dans la région, qui engendrerait des phénomènes qui seraient encore pire que Daech. »

 

(Lire aussi : Pas d'impact immédiat sur le Liban, selon les milieux économiques)

 

 

Jean-Pierre Katrib, chercheur dans les affaires internationales
« Il est beaucoup trop tôt pour juger de la politique étrangère du nouveau président américain, mais il est sûr que le candidat, dans ses déclarations passées, surtout au cours des débats avec sa rivale démocrate, a davantage lancé des idées générales que des politiques précises. Concernant les perspectives de la nouvelle politique étrangère américaine dans la région du Moyen-Orient – étant donné qu'il n'y a pratiquement jamais de politique américaine spécifique concernant le Liban –, on a pu déceler des contradictions dans les propos de Donald Trump. D'une part, il dit vouloir annuler l'accord sur le nucléaire avec l'Iran, sans préciser comment il va le faire, puisque cet accord fait l'objet d'une loi votée aux États-Unis. Il faut dire qu'il y a toujours une tendance à hausser le ton durant la campagne pour mobiliser les électeurs, sans que cela ne se reflète nécessairement sur les politiques par la suite. À mon avis, le nouveau président cherchera surtout à améliorer les mécanismes de suivi de cet accord, sans pour autant l'annuler. En ce qui concerne la Syrie, c'était la candidate démocrate qui s'était davantage avancée sur ce terrain. Donald Trump s'était contenté de remarquer que le président syrien Bachar el-Assad n'était pas une personnalité recommandable, mais qu'il combattait le terrorisme quand même, aux côtés de la Russie, et qu'il fallait se joindre à ce combat. Or comment compte-t-il combattre Daech en Syrie et en Irak sans le concours de l'Iran ? Nous entrons à n'en pas douter dans une période d'incertitude, mais un des indicateurs de la nouvelle politique étrangère sera la désignation de l'équipe qui l'entourera. Il reste à espérer que le pouvoir oblige le nouveau président à mettre de l'eau dans son vin, afin d'épargner au Moyen-Orient des bouleversements dont il pourrait bien se passer. »

Sami Nader, analyste politique
« Il est certain qu'il faut attendre la formation de l'équipe du nouveau président américain pour se prononcer sur sa politique étrangère, mais je pense que nous vivrons un changement radical, même si cela n'aura pas effet de séisme, comme certains le prédisent. Les politiques américaines dans notre région prennent en effet en compte les intérêts de ce pays, le contrôle des sources de pétrole, le partenariat avec Israël, la lutte contre le terrorisme... La méthode se modifie cependant, en fonction de la personnalité du président. Ainsi, Barack Obama était un président qui rechignait à avoir recours aux méthodes militaires, ce qui était évident dans le conflit ukrainien comme dans le conflit syrien. Et la Russie en a amplement profité. Une Russie satisfaite, aujourd'hui, par l'élection de Trump qui lui a déjà lancé plus d'un signe positif. Était-ce, de sa part, une provocation dans le cadre de la campagne, ou la recherche d'un véritable partenariat avec les Russes ? Dans tous les cas, les relations devraient s'améliorer avec des pays essentiels par rapport à notre région : la Russie, la Turquie (comme l'indiquent les propos sur le président turc) et Israël, mais il pourrait y avoir un regain de tensions avec l'Iran. Pour ce qui est de la relation avec les pays arabes, il faut attendre davantage de précisions sur la nouvelle politique étrangère. Mais, dans tous les cas, je m'attends à ce que ce président soit pragmatique, étant avant tout un homme d'affaires, ni issu de Washington ni d'une institution quelconque. Plusieurs élites arabes pensent d'ores et déjà que ceux qui ont été heurtés par ses propos au cours de la campagne pourraient être surpris par sa politique. Ils voient d'un bon œil cette rupture avec les politiques d'Obama, jugées catastrophiques, n'ayant ni mis fin au conflit syrien ni avancé au niveau de la lutte contre le terrorisme. »

 

 

 

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commentaires (6)

Sans s'attendre a de grands bouleversements il faudrait souhaiter que les champions de la mondialisation et des droits de l'homme qui ont ete la cause de tant de destructions et de morts, prennent leur parti de ce resultat inattendu et apprennent a traiter avec la Russie en tant que partenaire ayant sa pleine place dans le concert des nations, et ce afin de tenter de remedier tant que faire se peut a ce qu'ils ont occasionnes.

NOUJAIM Nabil 2531

12 h 07, le 17 novembre 2016

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Commentaires (6)

  • Sans s'attendre a de grands bouleversements il faudrait souhaiter que les champions de la mondialisation et des droits de l'homme qui ont ete la cause de tant de destructions et de morts, prennent leur parti de ce resultat inattendu et apprennent a traiter avec la Russie en tant que partenaire ayant sa pleine place dans le concert des nations, et ce afin de tenter de remedier tant que faire se peut a ce qu'ils ont occasionnes.

    NOUJAIM Nabil 2531

    12 h 07, le 17 novembre 2016

  • Donald lui meme ne sait pas encore ce qu'il va faire! Wait and see!

    Fredy Hakim

    16 h 15, le 10 novembre 2016

  • Il sera obligé de tenir compte de la nouvelle donne sur le terrain militaire . Il ne pourra rien changer puisque les poltrons us n'oseront pas s'engager manu militari , laissant aux kurdes turcs chiites le soin d'occuper la place , les laissant se cacher dans des bunkers climatisés. Qu'ant à l'Iran, ne me laissez pas rire comme je le fais depuis 1979 , tous les embargos sanctions boycott etc....n'ont rien pu y faire , trop tard , des sociétés ont commencé à opérer en Iran, et le bizness est en cours , il dira des choses juste pour amuser la galeries et les crédules qui s'accrocher ont à ça pour cacher leur fausse analyse de looser . À moins qu'il bombarde en même temps Téhéran Moscou et Damas. 2017 , hahahaah

    FRIK-A-FRAK

    15 h 01, le 10 novembre 2016

  • RIEN NE CHANGERA DANS LE FOND DE LA POLITIQUE U.S. LA MANIERE DE L,APPLICATION SEULE Y CHANGERA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 13, le 10 novembre 2016

  • Si Donald est sérieux quand il parte d'un rapprochement avec la Russie, il faudra s'attendre à ce que les lignes bougent, assez rapidement, en Syrie, en Irak et meme en Turquie,...ce qui pourrait conduire à un modus vivendi ... Assurant la pérennité de la Russie en Méditerranée et au Proche Orient Assurant la fin du conflit syrien par le "gel de zones autonomes, permettant la survie de la révolte des vrais syriens Assurant la fin du conflit turco kurde par délimitation des zones de pouvoir local Évidemment tout ça serait bon pour le Liban Un reve

    Chammas frederico

    12 h 00, le 10 novembre 2016

  • L'impact ne produira ,rien de particulier à court terme ..le temps " T " de mise en oeuvre d'une politique globale au M.O ...est aussi long que le temps qui sépare la pub d'une voiture à la TV étrangère , et l'achat de la même voiture ..;-) disons en moyenne 7/9 mois ...c'est quelque part frustrant d'attendre 7/9 mois ...pour savoir si finalement, la pub n'était pas trop mensongère....

    M.V.

    11 h 26, le 10 novembre 2016

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