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Liban - Présidentielle

Beyrouth, entre atmosphère festive, ironie et lassitude

Achrafieh et Tarik el-Jdideh, respectivement fiefs des Forces libanaises et du courant du Futur, ont vécu, chacun à sa façon, une journée électorale particulière.

Et on saute de joie... Photo Michel Sayegh

Il est 11 heures et la place Sassine se prépare pour la retransmission en direct de la séance parlementaire électorale. Plusieurs centaines de chaises en plastique ont été placées au milieu de la rue, devant un écran géant, où d'immenses portraits du général Michel Aoun trônent depuis quelques jours.

Des hommes, des femmes et des enfants qui arborent la couleur orange remontent les rues menant à la place Sassine. Certains sont originaires d'Achrafieh, mais d'autres, plus nombreux, sont venus de diverses banlieues ou d'autres régions du pays. « C'est le jour qu'on attend depuis 27 ans. Le général Aoun est l'homme qui combattra la corruption. C'est un homme fort qui construira un État fort. C'est le seul qui mérite de devenir président », disent les aounistes. Il y a aussi parmi cette foule quelques membres des Forces libanaises venus avec leur drapeau et des hommes invités par le CPL qui se sont déplacés du Liban-Nord, comme Mohammad venu de Meriata, qui « est content que la démocratie triomphe », mais qui semble être un peu mal à l'aise à Achrafieh.

Il y avait aussi des groupes de jeunes venus de la banlieue sud de Beyrouth. Des partisans du Hezbollah, qui comptent rejoindre leurs amis aounistes pour faire la fête à la place Sassine. Hady, originaire du Liban-Sud, arborant le foulard jaune du parti chiite, souligne qu'il est « venu avec un groupe d'amis de Haret Hreik et qu'il est content de voir le général Aoun devenir président, car il est l'allié du Hezbollah et il aime notre communauté ».

 

(Lire aussi : Aoun président, mais l'incertitude reste de mise)

 

Autour du périmètre fermé où les aounistes ont décidé de faire la fête, de nombreuses personnes continuent leur chemin quand on leur demande leur avis. D'autres parlent avec beaucoup d'humour de la situation.
Le jeune propriétaire d'un kiosque face à la place Sassine explique : « Nous sommes originaires de Zghorta, que voulez-vous qu'on dise ? » Son père regarde, médusé, Hady, le jeune homme qui porte le foulard du Hezbollah autour du cou et qui est venu acheter du café.
Dans une épicerie un peu plus loin, le couple de propriétaires se plaint. « Dans aucun pays du monde on paralyse un pays pour célébrer une victoire présidentielle. Ils ont coupé toutes les routes pour faire la fête. C'est de la provocation. Les aounistes ne changeront jamais », soupire la femme. « Des supporters de Aoun originaires d'Achrafieh? Vous rêvez ou quoi ? Tout le monde sait quelles sont les couleurs de ce secteur de Beyrouth », renchérit le mari.

 

(Lire aussi : Présidentielle : les acteurs économiques espèrent le changement et les réformes)


Croisé sur un trottoir, un homme s'exclame avec un grand sourire : « C'est la pire journée de ma vie. La pire de l'histoire du Liban. Mais je n'ai pas le droit de dire cela. Je fais partie des Forces libanaises, et dans mon quartier de Medawar nous avons décoré les rues avec des portraits du général Aoun et nous avons acheté des feux d'artifice. »
Un autre homme appartenant au même parti s'exclame : « Le général Aoun mènera le Liban encore une fois à la guerre civile. À qui fera-t-il la guerre ? Au Hezbollah, je vous le promets. Il est le seul à pouvoir nous débarrasser du Hezbollah. »

Dans une boutique non loin de là, Rania se plaint : « J'ai trois enfants, le ministre de l'Éducation, parce qu'il fait partie du CPL, a décidé de fermer les écoles. Mes enfants sont chez ma mère aujourd'hui... Qu'ils fassent les élections les dimanches et que l'on en finisse. Nous voulons mener une vie normale. »

(Biographie : De l'armée à la présidence de la République, le parcours de Michel Aoun en images)


Dans une épicerie, Richard se dispute en rigolant avec un ami. Il veut suivre la couverture électorale sur la NBN, parce que le président de la Chambre Nabih Berry est contre le général Aoun et son ami veut regarder la chaîne aouniste OTV. Il finit par accepter en mettant cependant, durant un moment, la télévision sur Euronews, histoire de taquiner son camarade. « Je ne m'y connais pas en politique, parlez-moi plutôt de haschisch », lance-t-il en plaisantant. « J'aurai voulu devenir moi-même président, mais dommage je suis grec-orthodoxe. J'ai plein de plans pour ce pays », dit-il d'un air amusé.
Une femme toute vêtue d'orange entre chez lui pour prendre un café. Elle n'attend pas le change de la monnaie. Il l'appelle. « Ah j'ai oublié, c'est un jour de fête », s'exclame-t-elle.
Elle sort, il éclate de rire. « Un jour de fête, en effet. Regardez comment ils sont accoutrés. Si on les presse, quelle couleur ça fera ? Au moins c'est une bonne journée pour le commerce ! » poursuit-il sur sa lancée.

 

(Lire aussi : 1988 - 2016 : Michel Aoun en 16 "petites phrases")

 

Retour devant l'écran géant de la place Sassine, où l'on compte plusieurs centaines de personnes.
Au premier rang de l'assistance, Massoud Achkar, ancien candidat aux élections parlementaires, et l'évêque syriaque-orthodoxe de Beyrouth, Daniel Kourié.
La séance commence : les personnes présentes huent Fouad Siniora, Bahia Hariri et Sleiman Frangié, mais applaudissent vivement Sethrida Geagea et Saad Hariri.
Et puis il faut faire et refaire le décompte, la foule s'impatiente et insulte Samy Gemayel quand il apparaît à plusieurs reprises à l'écran.
À chaque fois que le député Marwan Hamadé prononce le nom de Michel Aoun, on entend « Ô Sainte Vierge » ou encore « le Seigneur est grand ».
On arrive à la 65e voix, les cris de joie fusent et on commence à brûler des feux d'artifice en plein jour.


(Lire aussi : L'interminable séance électorale et ses cafouillages font le bonheur des twittos)

 

La disgrâce de Saad Hariri
Cap sur Tarik el-Jdideh. Contrairement à la communauté chrétienne qui a déjà essuyé plusieurs défaites depuis la fin de la guerre du Liban et qui a appris avec le temps à se moquer des situations désespérées probablement pour survivre, la communauté sunnite n'arrive pas encore à digérer le coup qui lui a été asséné.
C'est un silence de mort qui règne à Tarik el-Jdideh. Ce calme tranche avec le bruit des feux d'artifice et des klaxons que l'on entend dans les zones chrétiennes. Peut-être que les partisans du CPL ne veulent pas déranger les supporters de leur nouvel allié sunnite, Saad Hariri.

Les gens croisés dans la rue et les magasins affichent des mines allongées et tristes. Plusieurs commerçants ont la télévision éteinte ou sont branchés à des chaînes qui ne diffusent pas des informations.
Des dizaines de personnes interrogées affirment qu'elles n'ont aucun commentaire à faire et qu'elles préfèrent ne pas parler politique. Ou encore elles avouent sans plus qu'elles ne sont pas contentes de la situation. Mais celles qui décident de parler à la presse mettent le gros paquet et n'épargnent surtout pas l'ancien Premier ministre Saad Hariri.
« Saad Hariri a vendu le sang de son père en se rendant en Syrie, pourquoi nous nous étonnons s'il amène Aoun à la présidence. Il nous a vendus pour servir ses propres intérêts. Nous étions prêts à donner notre sang pour lui », martèle Ahmad, qui tient une bijouterie. « Saad Hariri a commencé à perdre du terrain auprès de tous les sunnites et pas seulement à Tarik el-Jdideh depuis le 7 mai 2008 (quand le Hezbollah est entré à Beyrouth). Il n'a pas voulu nous protéger contre le parti chiite. C'est à cause de lui que la communauté sunnite est marginalisée », renchérit un ami à Ahmad. Les deux hommes lancent des critiques virulentes contre Michel Aoun.

 

(Lire aussi : L'élection de Aoun dictée par la nécessité de survie, affirme Hassan Rifaat)

 

Dans un magasin de vêtements, cinq personnes font de même et espèrent que son « mandat soit court ». « Voilà l'opinion de Tarik el-Jdideh », dit Dana qui refuse cependant de faire des commentaires relatifs à Saad Hariri.
Un peu plus loin, Khaled, chargé de courses, sort d'une épicerie. « Nos leaders sont à brûler, à jeter à la mer. Ils s'enrichissent à nos dépens. Nos enfants sont au chômage. Nous nous appauvrissons de jour en jour. Bien sûr que Saad Hariri a perdu de sa popularité auprès des sunnites. Le summum a été atteint avec la nomination de Michel Aoun. Il est entouré de voleurs. S'il va continuer comme ça, il a de fortes chances de ne plus jamais devenir député. Regardez ses portraits à Tarik el-Jdideh, il les a payés. Plus personne n'accroche la photo de l'ancien Premier ministre gratuitement », dit-il, se souvenant aussi « des années de la guerre, surtout de 1989, lorsque Tarik el-Jdideh et tout Beyrouth-Ouest avaient été aveuglément pilonnés ».

Trois hommes sont assis dans un magasin. Ils sont silencieux. Quand on évoque l'élection présidentielle, deux d'entre eux commencent à parler, le troisième sort fumer une cigarette, probablement pour oublier la situation.
« Oui, nous sommes très heureux de la situation. Vous arrivez trop tard, nous avons égorgé des moutons, nous avons offert bonbons et friandises, et dans peu nous allons danser la dabké », ironise l'un d'eux.
Il regarde par terre et dit : « Maintenant Michel Aoun est le président de tout le Liban. Peut-être que ça sera positif pour le pays... Nous sommes obligés de penser de cette façon. Sinon nous nous jetterons tous de Raouché. »

 

Lire aussi
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Diaporama
Le Liban a un président : la journée en images

Il est 11 heures et la place Sassine se prépare pour la retransmission en direct de la séance parlementaire électorale. Plusieurs centaines de chaises en plastique ont été placées au milieu de la rue, devant un écran géant, où d'immenses portraits du général Michel Aoun trônent depuis quelques jours.
Des hommes, des femmes et des enfants qui arborent la couleur orange remontent les...

commentaires (6)

"Une femme toute vêtue d'orange entre pour prendre un café. Elle n'attend pas le change. Il l'appelle. « Ah j'ai oublié, c'est un jour de fête », s'exclame-t-elle. Il éclate de rire. « Un jour de fête, äâââl ! Laklak comment ils sont accoutrés. Si on les presse, quelle couleur ça fera ? » !" Quelle couleur ? Mais.... couleur boSSfééér, äâïynéh. Wâlâoû !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 50, le 01 novembre 2016

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Commentaires (6)

  • "Une femme toute vêtue d'orange entre pour prendre un café. Elle n'attend pas le change. Il l'appelle. « Ah j'ai oublié, c'est un jour de fête », s'exclame-t-elle. Il éclate de rire. « Un jour de fête, äâââl ! Laklak comment ils sont accoutrés. Si on les presse, quelle couleur ça fera ? » !" Quelle couleur ? Mais.... couleur boSSfééér, äâïynéh. Wâlâoû !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 50, le 01 novembre 2016

  • J,AI LE DROIT DE ME DEMANDER SI LE HAKIM S,ETAIT INSPIRE DE MES CONSEILS REPETES DEPUIS PLUS DE DEUX ANS ET EN TOUT CAS BIEN AVANT QU,IL L,APPUI DE PROPULSER LE GENERALISSIME SUR LA CHAISE DE LA PRESIDENCE CAR J,ETAIS SUR QU,UNE FOIS CHEF DE L,ETAT PERSONNE NE POURRAIT SE TARGUER DE POUVOIR LE PILOTER... SON DISCOURS DE L,INVESTITURE EN EST LA PREUVE... UNE ERE NOUVELLE COMMENCE ! LE LIBAN AUX LIBANAIS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 32, le 01 novembre 2016

  • les sunnites sont jamais content ce qu'ils veulent c'est un président qui lèche le cul du roi de saoudi

    Talaat Dominique

    13 h 02, le 01 novembre 2016

  • LES PARTISANS DES EX FAUX ALLIES DU GENERALISSIME DEVENU LE CHEF DE L,ETAT CHERCHENT EN VAIN LES MOTS ET PHRASES DE LA CONSOLATION...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 38, le 01 novembre 2016

  • SES EX ALLIES... 3AM YIBLA3OU RI2ON OU I GHESSOU...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 11, le 01 novembre 2016

  • CPL, FORCES LIBANAISES ET FUTUR FESTOIENT... ET LE DISCOURS D,INVESTITURE DU NOUVEAU CHEF DE L,ETAT LEUR DONNE RAISON... QUAND AUX AUTRES, AYANT AVALE LA SIGUE JUSQU,A LA LIE, ILS PREPARENT TINIOTEMENT LEURS SALLETS DE FRUITS AMERS QU,ILS ESPERENT ESSAYER D,IMPOSER... EN FACE DES TINIOTES... LES LIBANIOTES !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 31, le 01 novembre 2016

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