Sur la route de Meerab (Kesrouan), avant et après l'élection présidentielle qui s'est soldée par la victoire de Michel Aoun, des scènes s'inspirant de la réconciliation entre les deux grands partis chrétiens se multiplient : à l'entrée du village, une grande affiche rassemblant Michel Aoun, fondateur du Courant patriotique libre – CPL – et Samir Geagea, président des Forces libanaises (FL), avec l'inscription « Le parrain de la nouvelle République » (en référence à M. Geagea qui, par son appui à la candidature de Aoun, a fait évoluer la donne présidentielle en sa faveur). Quelques instants après l'élection, une délégation de aounistes arrive au siège des FL, scandant un fameux slogan de l'ancien frère ennemi : « Dieu, le Liban et le Hakim » (surnom de Geagea). Durant les scènes de liesse sur les routes du Kesrouan, des convois du CPL, avec les portraits du général et les drapeaux orange, s'arrêtent devant des permanences FL pour s'approvisionner en drapeaux de ce parti...
La réconciliation interchrétienne et l'espoir dans le nouveau mandat se retrouvent dans les propos des cadres FL présents hier au siège du parti à Meerab. M. Geagea n'a-t-il pas déclaré, lors d'une rapide conférence de presse, que « la coopération entre les deux partis sera un important garant du nouveau mandat » ? Toutefois, l'atmosphère reste plutôt grave dans la grande salle parsemée d'écrans géants, qui retransmettent les différentes chaînes locales. Une atmosphère attentive, concentrée, réservée dans ses réactions, même si les applaudissements sont de mise durant certains moments-clés de la journée comme l'instant de la victoire. Un calme qui n'a été secoué que par le suspense du second tour des élections, marqué par les bavures du décompte et les bulletins truqués, qui provoquent l'hilarité générale.
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Les FL ont cependant tenu à bien soigner la mise en scène : au moment même où l'élection de Michel Aoun a été certifiée, des pans en plastique ornés de drapeaux libanais et de drapeaux FL ont été ôtés, révélant d'énormes affiches avec, sur fond d'image du palais présidentiel, le slogan : « Notre unité a changé la donne » (avec le terme « image », en arabe, d'où le jeu de mot).
Sur place, les discours sont mesurés, largement sur la même longueur d'onde. Des cadres interrogés, comme Élie Abboud, ancien président du syndicat des experts comptables, insistent sur « l'espoir d'un renforcement de l'État et d'un retour au véritable partenariat entre les communautés, malgré les défis ». Tous espèrent la formation rapide d'un gouvernement et de la transparence dans la prestation politique. Pour l'ancien ministre Tony Karam, « il est heureux que nous soyons déjà arrivés là », estimant que pour les défis à venir, il faut « laisser chaque chose en son temps ».
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« Le rôle des FL ? Être des FL »
À L'OLJ, Melhem Riachy, responsable de la communication au sein des FL et artisan de l'entente entre son parti et le CPL, se dit « très concerné par cette élection, étant donné qu'elle est l'un des fruits de la réconciliation interchrétienne, qui représente un objectif stratégique pour tous les Libanais », signifiant le renforcement de la composante chrétienne dans l'équation libanaise. Il se dit optimiste concernant l'étape qui suivra l'élection.
Dans la foule, Naji Hayek, membre du bureau politique du CPL, est venu vivre ce moment à Meerab. Il reconnaît volontiers que « l'unité chrétienne a été la voie vers l'élection de Michel Aoun », estimant qu'elle met fin à des décennies d'exclusion des chrétiens.
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Après la séance électorale, dans sa conférence de presse, Samir Geagea a félicité le général Aoun pour son élection. « Le boycott et le blocage étaient supposés durer plus de deux ans et demi, ce qui aurait mené le pays vers l'inconnu, a-t-il dit. Nous sommes à l'aube d'un nouveau mandat en lequel nous avons grand espoir », a-t-il ajouté. Le leader des FL s'est félicité du discours d'investiture du nouveau président qui, selon lui, a insisté sur le renforcement de l'État, de l'armée et de l'économie, tout comme il a remis les pendules à l'heure en matière de politique étrangère, par un engagement clair du Liban envers la Ligue arabe et l'Onu. Sur une note plus personnelle, il a estimé que « les martyrs (des FL) sont satisfaits, parce que ce qui s'est passé aujourd'hui était ce qui pouvait arriver de mieux en faveur de la cause pour laquelle ils ont donné leur vie », insistant sur le fait que « les calculs (du parti) ne se font qu'en fonction des intérêts supérieurs du pays ».
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Dans une discussion avec la presse, le leader des FL, interrogé sur la suite des événements, a affirmé : « À mon avis, le Premier ministre pourrait être nommé cette semaine, et nous sommes quasi sûrs d'avoir un gouvernement avant la fin de l'année. Et c'est à ce niveau que nous allons remarquer un changement dans le comportement politique, loin des atermoiements du passé. » M. Geagea s'est par ailleurs contenté d'un bref « si Dieu le veut » à une question sur la participation de son parti au prochain gouvernement.
À une question de L'OLJ sur la manière dont le nouveau mandat devra résoudre d'épineuses questions comme celle de la neutralité du Liban (évoquée par un autre allié, l'ancien président du Conseil Saad Hariri, à qui le Hezbollah a répondu qu'il ne se retirera pas de Syrie de sitôt), M. Geagea a répondu: « Le plus important est de préserver nos convictions et de travailler jour après jour en vue de les réaliser. Mais du moins, elles seront de mise dans les milieux officiels. Vous savez, au Liban, chaque parti a son discours. Pour notre part, nous devrons œuvrer pour atteindre nos objectifs. » Quel rôle joueront les FL dans le futur mandat ? « Celui d'être des FL », a-t-il répondu, laconiquement et avec le sourire.
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commentaires (5)
Le Hakim plein de bon sens a vue juste au moins pour rassembler les chretiens il reste les kataeb et sur le point de vue ensemble du liban il a aussi su rallier les sunnites à la cause du liban d'abords !! Il mérite une décoration pour l'avoir fait et le surnom de "faiseur de président"
Bery tus
15 h 03, le 01 novembre 2016