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Liban - Universités

Fadlo R. Khuri : L’AUB est un pôle d’excellence ; les personnes qui la fréquentent doivent faire la différence dans le monde

Fadlo R. Khuri est le premier président libanais de l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Interview-portrait de cet homme brillant, discret et modeste pour qui l'éducation est une mission.

L’un des principaux bâtiments de l’AUB.

Fadlo R. Khuri appartient à une famille qui a fréquenté l'Université américaine de Beyrouth depuis le XIXe siècle. Ses deux arrière-grands-pères, paternel et maternel, avait obtenu des diplômes de l'établissement quelques années après sa création. Son père, sa mère et son épouse ont également suivi des études à l'AUB. Son père, Raja, était doyen de la faculté de médecine de cet établissement universitaire. D'ailleurs, la faculté porte actuellement son nom.

Fadlo R. Khuri, qui est né à Boston et qui a grandi à Ras Beyrouth, a quitté le Liban pour les États-Unis en 1982. « Malgré la guerre, je ne voulais pas partir. Mais mon frère a décidé de quitter le Liban, je me suis dit que j'irai un an et que je retournerai au pays », dit-il.
Mais Fadlo R. Khuri reste aux États-Unis, s'y établit, se marie avec une Libanaise, qui lui plaisait depuis qu'il était à l'école.
« Je l'ai remarqué dans la rue quand j'avais 16 ans. Elle était élève du Collège protestant, moi de l'International College. Je l'ai revue à l'AUB. J'allais dans l'amphithéâtre où elle prenait des cours en espérant qu'elle me remarquerait ou qu'une connaissance commune viendrait me la présenter », se souvient-il.

Ce n'est que lorsque cette jeune femme, Lamya Tannous, déménage avec ses parents aux États-Unis, à cause de la guerre au Liban, qu'ils commencent à sortir ensemble. Fadlo R. Khuri n'était pas encore devenu médecin. Ils se marient, travaillent et fondent une famille.
« Je n'ai jamais coupé court avec le Liban. J'ai toujours fait des allers et retours même si je me suis établi aux États-Unis », dit celui qui est devenu l'un des spécialistes les plus connus en oncologie moléculaire pour le traitement du cancer des voies respiratoires et du poumon aux États-Unis.

Fadlo R. Khuri rêvait durant ses années d'université de devenir psychiatre. C'est un patient atteint de cancer qu'il croise à l'hôpital qui lui fait changer d'avis. « Je savais que cet homme-là pouvait avoir un meilleur soutien médical. Je voulais lui donner ce meilleur suivi. Je me suis dit que si je me spécialisais en oncologie, peut-être que dans vingt ou trente ans je pourrais faire la différence », raconte-t-il.

L'actuel président de l'AUB est un homme positif qui n'aime pas la médiocrité. Il part du principe que chaque personne ayant reçu une belle chose ou ayant vécu une bonne expérience peut et doit donner en retour. Cela s'applique autant dans la vie personnelle que professionnelle.
« L'AUB est un pôle d'excellence. Le niveau y est excellent, que ce soit celui du corps enseignant, des étudiants, ou des employés. Pourtant, il y a un manque de discipline à l'Université, comme dans ce pays. Les gens peuvent être plus sérieux et plus professionnels », note-t-il.

 

 

(Lire aussi : L'AUB fête ses 150 ans : 50 élèves méritants des écoles publiques sont totalement pris en charge)

 

 

Le moment propice
Perfectionniste et bûcheur, Fadlo R. Khuri est aussi un homme ouvert, généreux, transparent et fier de ses racines libanaises, même s'il est conscient de la situation du pays. Au contraire, lui tient à « faire la différence » et il veut aussi que le corps enseignant, les employés et les élèves s'imprègnent de cet esprit.

Le président de l'AUB, qui fait l'effort de parler en arabe à ses interlocuteurs, note qu'il n'a « que de bons souvenirs du Liban, cela malgré la guerre, malgré les menaces des miliciens contre sa famille et malgré les éclats d'obus qui avaient touché son père ».
« J'ai toujours su, je n'ai pas espéré mais su comme une évidence, que j'aurai l'opportunité de retourner et de servir l'AUB et le Liban. L'opportunité de rentrer au Liban s'était présentée à moi plus tôt, on m'avait proposé de diriger le centre d'oncologie de l'AUB mais ce n'étaient ni les bonnes circonstances ni le bon timing.

L'année dernière, quand on m'a proposé le poste de président, c'était vraiment le moment propice. J'ai dû renoncer à mon bonheur et ma tranquillité. Il y a des moments rares dans la vie qu'on appelle en anglais » peaceful creativity « (créativité paisible). Et ma vie était à ce point-là. Tout allait bien, ma vie privée, ma vie universitaire, je venais d'entamer une nouvelle recherche (oncologique)... Et on m'a proposé le poste », raconte-t-il.

Dès son arrivée à l'AUB, Fadlo R. Khuri commence à opérer quelques changements. Il refuse que l'événement marquant son investiture soit financé par les fonds universitaires. Il fait appel à des sponsors. Certains le critiquent pour cela.
« En une période où l'économie va tellement mal et quand il y a beaucoup de choses à faire à l'AUB, je ne suis pas confortable avec l'idée de dépenser de l'argent en provenance de la scolarité des élèves pour un événement marquant mon investiture. Je ne peux pas avoir la conscience tranquille en sachant que nous pouvons utiliser l'argent autrement pour être au service de l'AUB et de ses étudiants », note-t-il.
« Même si nous devons effectuer des coupures dans le budget, nous sommes en train d'encourager la recherche, les bourses universitaires et l'éducation. Nous devons faire de notre mieux pour collecter des fonds et ne pas dilapider l'argent », poursuit-il.

Face aux critiques, Fadlo R. Khuri ne se laisse pas faire. Tenace, il se défend. Ne lâche pas ses idées, respecte à la lettre la réglementation de l'université.
« Si tout le monde aime ce que vous faites, cela veut dire que vous ne faites rien. Mais il faut qu'ils comprennent ce que vous faites et cela même s'ils ne sont pas d'accord avec vous. C'est pour cela qu'il faut communiquer et être transparent », explique-t-il.

 

(Pour mémoire : Un programme spécial d’intégration pour les étudiants étrangers à l’AUB)

 

La maladie de la tour d'ivoire
Évoquant ses détracteurs, il souligne : « Je n'aime pas le négativisme, la médiocrité, la paresse, le mensonge. Il existe une gauche caviar, atteinte de la maladie de "la tour d'ivoire". Ce sont des libéraux en limousine, qui savent parler avec emphase des théories. Sans jamais se mouiller, sans jamais être sur le terrain, sans jamais mettre la main à la pâte. Ils manquent d'authenticité et ils devraient apprendre à être plus modestes.
L'AUB est un pôle d'excellence et je veux que les personnes qui fréquentent cette université fassent la différence dans le monde où elles vivent », poursuit-il.
« Je suis content d'annoncer que nous avançons au plan de la recherche. Notre budget est plus important. Pour les trois ans à venir, il a augmenté de 60 % », dit-il.

Ayant lui-même payé ses études aux États-Unis, malgré l'objection de son père, il aspire à ce que l'AUB soit accessible aux étudiants brillants et studieux et non seulement riches. « Je vais œuvrer durant mon mandat à ralentir l'augmentation des frais de scolarité. Elle avait atteint les 9 % de moyenne par an au cours des cinq années écoulées. Nous sommes une université pour les meilleurs et les plus intelligents, non seulement pour les plus riches », poursuit-il.
Et d'ajouter : « L'AUB donne un exceptionnel laissez-passer à ses étudiants, pour trouver du travail partout dans le monde. Nous sommes parmi les 75 universités du monde sur le plan de l'emploi. Un diplôme de l'AUB ouvre toutes les portes mais aussi forge un caractère et construit une personnalité. Nous voulons des jeunes bien dans leur peau, qui croient en l'être humain, des personnes qui s'intéressent au sort des autres. Nous voulons former des gens qui ont confiance en eux-mêmes, qui veulent faire la différence », note-il.

L'AUB s'ouvre actuellement à d'autres établissements universitaires, notamment l'Université Saint-Joseph. Un rapprochement entre les importantes universités du pays pourrait également s'opérer dans le but de contrer la tendance actuelle se traduisant par une prolifération d'universités autorisées par l'État mais qui n'ont pas le niveau requis. L'AUB s'apprête également à ajouter de nouveaux bâtiments à son hôpital pour le rendre l'un des plus modernes de la région.

Un peu moins d'un an après son investiture à la tête de l'Université américaine de Beyrouth, Fadlo R. Khuri est toujours aussi enthousiaste vis-à-vis de la responsabilité qu'il assume que le premier jour. « Mes attentes ne se sont pas amoindries et mon enthousiasme n'est pas tombé », confie-t-il.

L'actuel président de l'AUB aime la marche à pied, le football, même s'il n'a pas le temps de jouer actuellement, le cinéma d'auteur et la musique.
À l'école, il écrivait les paroles des chansons d'un groupe qu'il avait monté avec des camarades de classe. Ses goûts musicaux sont très variés et vont de Mozart et Beethoven en passant par Led Zeppelin et Bob Dylan, qui est son artiste favori.
En rentrant au Liban, Fadlo R. Khuri a voulu s'installer dans l'appartement de ses parents à Ras Beyrouth, mais l'équipe en charge de la sécurité de l'AUB a préféré qu'il habite sur le campus. Pratiquant son métier de médecin avec passion, il a ouvert une clinique à Beyrouth, où il reçoit les patients une fois par semaine.

 

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