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Lifestyle - Disparition

Au balcon de Melhem Barakat, « Chebbak Habibi » n’ouvrira plus ses volets

L'artiste s'est éteint hier à l'âge de 71 ans.

Melhem Barakat au festival Mawazine en 2016. Photo DR

Il est certain que Melhem Barakat – décédé hier à l'âge de 71 ans des suites d'une longue maladie – ne mâchait pas ses mots. Il sera longtemps remémoré pour ses accès de colère et son franc-parler légendaire qui va manquer à la scène populaire libanaise. Se posant toujours en (dernier ?) défenseur de la chanson libanaise et s'octroyant le droit de juger à tout bout de champ et d'un œil plus que sceptique les performances de toutes les starlettes du moment, Melhem Barakat choquait, réveillait les consciences et, surtout, il amusait. Il en faut du cran pour s'attirer les foudres de Najwa Karam, critiquer Ragheb Alamé ou encore trouver moyen de se disputer avec la paisible Majida el-Roumi !

Toujours est-il que tout ce beau monde est accouru au chevet du compositeur-interprète durant sa maladie, mettant de côté toutes ses critiques fanfaronnées, acceptées docilement. N'était-il pas le Mousikar, oreille musicale fine et exercée ? Melhem Barakat était, à bien des égards, l'un des derniers noms-phares d'une époque révolue. Un artiste qui avait réussi le difficile exploit de se réinventer et de se faire une place entre deux générations. Ses chansons, légèrement trop modernes dans les années 70 et 80, empreintes de tarab révolu dans les années 2000, lui ont valu une place de maître durant ses 50 ans de carrière.

Voler de ses propres ailes
Originaire de Kfarchima, c'est dans son « village aux senteurs d'oranger » que Melhem Barakat sera escorté jusqu'à sa dernière demeure, lors d'une grande cérémonie qui aura lieu demain dimanche. Enfant, on le surnommait déjà le moutreb du village quand, profitant de l'absence de son père, il s'exerçait au oud entouré des copains, ou s'asseyait de longues heures devant un poussiéreux phonographe à assainir sa soif de chansons de Mohammad Abdel Wahab, son idole égyptienne.

Kfarchima, c'est aussi là où repose, depuis 20 ans, son vieux complice et ami de chasse Philémon Wehbé. Ce dernier lui avait inculqué un style de composition tout particulier qu'il avait pu parfaire au conservatoire, sous l'égide de Zaki Nassif et autres maestros, avant de s'exercer dans des rôles mineurs sur les planches du théâtre des frères Rahbani, passerelle obligatoire pour le succès.

De ses quelques années avec les Rahbani, Melhem Barakat ne gardera que « de l'expérience », mais surtout cet ardent désir de « voler de ses propres ailes ». Donnant la réplique à Salwa el-Katrib dans al-Amira Zoumorrod de Roméo Lahoud en 1976, il connaîtra surtout le succès dans Wmchit Btari'i et avec Belghi Kel Mwa'idi, la première chanson dont il compose la musique et qu'il interprète en duo avec Georgette Sayegh. Ses talents de compositeur ne laisseront personne indifférent. Melhem Barakat signe des chansons pour Sabah, notamment en 1977 pour son spectacle Helwi Ktir produit par son époux Wassim Tabbara. Sabah chantera Lemjawwaz Allah Yzidou, ne croyant pas si bien dire, puisqu'il épousera sa sœur Souad, le premier de trois mariages. Il se remariera ensuite successivement avec Randa Azar qui lui donnera trois enfants : Majd, Wa'ed et Ghinwa, puis May Hariri avec qui il aura un garçon : Melhem Junior, et dont il divorcera plus tard.

 

Des rencontres et des tubes
La liste des artistes avec qui il collabore durant la fin des années 70 et durant la décennie qui suit est longue : Wadih es-Safi, Pascale Sakr, Walid Toufic (Abouki Min Ya Sabiyya), Ahmad Doughan et Ghassan Saliba dont il boostera la carrière avec l'inoubliable tube Ya Helwi Chaarik Dari, après de nouvelles collaborations avec les Rahbani qui ajoutent à son palmarès grandissant les tubes Kbouch el-Touti et Chebbak Habibi.

Alors qu'une vague de nouveaux artistes populaires anime la scène locale, les années 90 marquent un renouveau dans la carrière de Melhem Barakat qui offre des chansons moins commerciales et qui connaissent un succès retentissant : Habaytik w Bhebik, Taa Nensa, Jit Bwa'tak et Elfar' Ma Benak Webeni, tous écrits par Nizar Francis ; Sallem Aleha Ya Hawa et Wala Marra, signé par le poète de Kfarchima Mounir Abdelnour, dont Melhem Barakat a également interprété plusieurs textes comme Ya Hobbi Elli Ghab, et le patriotique Maweedna Ardak. Il a ainsi contribué à la sauvegarde de la chanson libanaise classique, refusant de chanter dans un autre dialecte.

Les années 2000 ajouteront à sa longue discographie des tubes tous empreints de sa musique, reconnaissable entre mille : el-Aazab, Yemkin Nethanna et Baddak Malyoun Seni. Il offrira notamment à Majida el-Roumi un cadeau inespéré avec le classique instantané Eetazalt el-Gharam, lui assurant un come-back retentissant et un regain de popularité qu'elle a su conserver depuis.

Avec la mort de Melhem Barakat, une autre page de la belle époque se tourne. Et si ces grands noms de la chanson tombent comme des feuilles, l'un après l'autre, cet automne finira-t-il par avoir raison de toutes nos légendes, ne nous laissant que des souvenirs et des refrains terminés ? En novembre 2013, le Mousikar avait attristé plus d'un en souhaitant mourir bientôt. « Où que j'aille et si les années nous séparent, chantait-il pourtant, j'attendrai toujours à la porte du voyage. Quand les chemins seront finis. Que les vagues cesseront de courir après les vagues, et les nuages de courir après les nuages... » Les artistes meurent-ils vraiment ?

 

 

 

Il est certain que Melhem Barakat – décédé hier à l'âge de 71 ans des suites d'une longue maladie – ne mâchait pas ses mots. Il sera longtemps remémoré pour ses accès de colère et son franc-parler légendaire qui va manquer à la scène populaire libanaise. Se posant toujours en (dernier ?) défenseur de la chanson libanaise et s'octroyant le droit de juger à tout bout de champ et...

commentaires (3)

Très joli article bien écrit et truffé d'infos y compris sur l'envers du décor d'un art très populaire : le journaliste est visiblement un bon connaisseur de la scène musicale libanaise. Même chez ceux (comme moi) qui n'écoutaient pas ce chanteur, il sait susciter l'envie de redécouvrir un pan de la culture libanaise qui fleure bon le folklore mais pas que!

Marionet

10 h 51, le 29 octobre 2016

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Commentaires (3)

  • Très joli article bien écrit et truffé d'infos y compris sur l'envers du décor d'un art très populaire : le journaliste est visiblement un bon connaisseur de la scène musicale libanaise. Même chez ceux (comme moi) qui n'écoutaient pas ce chanteur, il sait susciter l'envie de redécouvrir un pan de la culture libanaise qui fleure bon le folklore mais pas que!

    Marionet

    10 h 51, le 29 octobre 2016

  • c'est dommage que le l'OLJ ne fassent pas d'articles sur ces geants du Liban. C'est dommage que cet artiste ne goute pas un article aussi elogieux de son vivant. Meme si c'est un journal francophone, bcp de vos lecteurs ecoutent Melhem Barakat.

    George Khoury

    10 h 15, le 29 octobre 2016

  • ALLAH YIRHAMOU...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 00, le 29 octobre 2016

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