Les dés sont jetés : les chances de Michel Aoun d'être élu président de la République lundi prochain se précisent. Si Saad Hariri s'en est fait une raison et une fonction, si Samir Geagea pense vraiment que ce président est « fabriqué au Liban », beaucoup pourtant en font leur deuil. Dans une courte oraison funèbre de son compagnon de route au sein du PSP, Charif Fayad, Walid Joumblatt a prononcé hier des mots de fin d'époque : « Tu pars, et cela vaut sans doute mieux, avant de voir un Liban nouveau auquel nous ne sommes pas habitués et auquel nous ne nous habituerons pas ; avant de voir un surcroît de dégradation politique et morale. »
Le chef du Bloc démocratique devra s'en expliquer devant un Michel Aoun qu'il va incessamment rencontrer, avant que son bloc ne fasse son choix, dans la perspective du rendez-vous de lundi. Pour des observateurs, Walid Joumblatt s'apprête à « se boucher le nez » et à marcher, en espérant qu'il s'en tirera avec le moins de dégâts possible.
L'écho d'une même réserve de principe se reflète dans les déclarations de Samy Gemayel, le chef des Kataëb. « Nous ne marchons pas dans ce deal », a affirmé péremptoirement hier le jeune leader. Il ne fait pas de doute, en effet, qu'à l'aune du patriarche Raï et de beaucoup avec lui, Michel Aoun accède à la présidence par le moyen anticonstitutionnel du défaut systématique du quorum, qu'il a prétendu être « un droit ». Mais le patriarche se tait sur ce point et se félicite même de la prochaine élection d'un « président fort ».
Pourtant, le « droit » invoqué par Michel Aoun n'est pas très loin de celui que s'est arrogé, dit-on, un Issam Sawaya, député aouniste de Jezzine, qui vit aux États-Unis depuis son élection et touche depuis 96 mois des mensualités de 10 millions de livres sans le moindre cas de conscience. Il sera là lundi pour le vote, croit-on savoir.
(Lire aussi : Un ministre saoudien dépêché à Beyrouth pour une large prise de contact)
Réponse des « pragmatiques »
Frayeurs infondées, arguments spécieux, rétorquent les pragmatiques, pour qui il fallait coûte que coûte sortir du trou. Le CPL, pour sa part, pavoise et coordonne son action avec les Forces libanaises. Selon les pointages les plus optimistes, Michel Aoun obtiendrait 85 voix dès le premier tour, et n'aurait aucune difficulté à passer au second. Son principal adversaire, Sleiman Frangié, réussirait à réunir autour de sa candidature une vingtaine de voix, tandis qu'une vingtaine d'autres députés déposeraient des bulletins blancs. Cependant, les pointages restent incertains, et un certains nombre de députés (Tammam Salam, Imad el-Hout, Nicolas Fattouche, Michel Murr, Nayla Tuéni, etc.) sont toujours dans la zone grise. C'est pourquoi tous les chiffres avancés restent pour le moment aléatoires.
Sur le plan de la forme, une inconnue subsiste. À quelle majorité sera élu le prochain président ? Le président de la Chambre a annoncé que le vote se fera en deux temps : le premier aux deux tiers des voix, le second à la majorité absolue. Que se passera-t-il si, lundi, Michel Aoun obtient au premier tour moins que les deux tiers de voix prévues par la Constitution (86), mais plus que la majorité absolue des voix (65), et se considère élu, sachant que la Chambre compte aujourd'hui 127 députés et non 128, avec la démission de Robert Fadel ?
(Lire aussi : Moussaoui : L'entente nationale, prélude à la formation rapide d'un gouvernement)
Comment se présente la situation pour les autres partis et courants ? En ce qui concerne le courant du Futur, le problème est de réduire au maximum le nombre de voix dissidentes qui refusent de suivre leur chef dans son choix. Selon un décompte basé sur des déclarations des députés intéressés, les réfractaires au choix de Michel Aoun sont une bonne dizaine. On cherche à les réduire de moitié, dans la mesure où, au fond, ce n'est pas contre Michel Aoun que ces voix s'inscrivent, mais contre l'autorité même de Saad Hariri. On prête à l'émissaire saoudien dépêché au Liban, qui a entamé hier une mission de contacts de 48 heures, de chercher à réduire le nombre des indécis ou opposants au choix du chef du Futur. Pour sa part, l'ambassadrice des États-Unis au Liban s'est envolée hier pour le Qatar.
Reste le Hezbollah. Par la voix de Nawaf Moussaoui, ce parti a réaffirmé hier que la formation à plus ou moins brève échéance d'un gouvernement dépendrait de la rapidité avec laquelle on parviendrait à une « entente nationale ». Quand on sait que, dans le vocabulaire politique du Hezbollah, l'entente nationale remplace le mot Constitution, on mesure le chemin qu'il reste à faire pour que le gouvernement actuel cesse d'expédier les affaires courantes.
Pourtant, toutes les nominations importantes et les dossiers lourds, comme celui de la téléphonie mobile, ont été évacués hier par le dernier Conseil des ministres présidé par Tammam Salam vers le nouveau cabinet. L'installation de Michel Aoun au palais de Baabda changera-t-elle grand-chose ?
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commentaires (8)
Si par malheur Michel Aoun est élu, le Liban va traverser une période d'esclavage avec soumission totale au Hezbollah (Teheran) et la famille Assad qui viendra mêler son grain de sable pour faire oublier la misère imposée à son peuple exténué par une guerre civile interminable Quant à Hariri je lui conseille d'aller au Casino du Liban, à la roulette. Il vient de nous prouver qu'il est champion à la roulette russe notre apprenti sorcier
FAKHOURI
00 h 00, le 29 octobre 2016