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Moyen Orient et Monde - Reportage

La joie prudente des chrétiens d’Irak après la reconquête de leurs villages

Le patriarche Louis Raphaël Sako après une célébration pour l’unité de l’Irak, mardi, à Erbil. Safin Hamed/AFP

Les premiers villages chrétiens proches de Mossoul ont été libérés, mais la perspective d'un retour des déplacés reste hypothétique, entre ampleur des destructions et craintes pour l'avenir.

« Je suis venu délivrer un message d'espoir : oui, il y a bien un avenir pour les chrétiens d'Irak et c'est à nous de le construire ensemble » : Le patriarche Louis Raphaël Sako affiche son optimisme à la sortie d'une célébration pour l'unité de l'Irak. Le primat de l'Église catholique chaldéenne partage ses espoirs avec des centaines de fidèles rassemblés mardi dans l'église de la Mère de Miséricorde à Erbil, au Kurdistan irakien, où se sont réfugiés des dizaines de milliers de chrétiens.

Ces derniers suivent attentivement à la télévision l'évolution des combats depuis qu'a été lancée, le 17 octobre, la vaste offensive pour reprendre Mossoul et sa région des mains du groupe État islamique (EI). À plusieurs reprises, les chrétiens sont descendus dans la rue à Erbil pour célébrer des libérations, comme celle de la ville de Bartalla, et exprimer leur joie de retourner bientôt chez eux après plus de deux ans d'attente. La prochaine célébration pourrait marquer la reprise de Qaraqosh, qui était la plus grande cité chrétienne du pays en 2014 avec près de 50 000 habitants.
« Quoi qu'il arrive, je veux retourner vivre dans ma maison de Qaraqosh, même s'il n'en reste plus que les fondations », trépigne d'impatience Shamo Boles Bahi, 70 ans.

Pourtant, sur un terrain en périphérie d'Erbil appartenant à l'Église chaldéenne, l'ingénieur Mounthir Rufain Youssef supervise la construction de 400 nouveaux logements destinés aux déplacés chrétiens. « Même si les villages sont repris, il faudra bien compter six mois, peut-être un an, avant que nous puissions retourner vivre là-bas. Les maisons sont endommagées, il n'y a plus d'eau courante, d'électricité, il y a des mines partout », souligne-t-il.
Mounthir est lui-même un déplacé, originaire de Bartalla : « Regardez, j'ai reçu aujourd'hui une photo de ma maison. La façade n'a pas l'air trop abîmée, mais je suis inquiet pour l'arrière : la maison de mes voisins s'est effondrée à cause des combats. »

 

(Repère : Les chrétiens d'Irak, une ancienne communauté fréquemment cible de violences)

 

En stand-by
« L'avenir des chrétiens d'Irak reste incertain. Si on ne se sent pas en sécurité, on ne retournera pas chez nous. Cela va dépendre aussi de ce que font les autres habitants de mon village. S'ils rentrent, je rentrerai aussi. Mais je n'y retournerai pas seul », prévient Mounthir.

Car au-delà de la reconstruction, ce sont les conditions de sécurité qui inquiètent. Yvette Hannah, 19 ans, se rappelle des circonstances dramatiques dans lesquelles elle a fui son village des faubourgs de Mossoul : « Être réveillée en pleine nuit, devoir abandonner tout derrière soi et fuir en priant pour s'en sortir saine et sauve... Je veux rentrer mais qu'est-ce qui garantit que je serai en sécurité, que cela ne se renouvellera pas ? »

L'enjeu du retour est vital pour l'avenir des chrétiens en Irak, une communauté enracinée depuis 2 000 ans dans le pays, mais qui ne compterait plus que 350 000 personnes.
« Depuis l'été 2014, la société chrétienne est comme en stand-by. Des mariages et des naissances sont reportés dans l'attente du retour des déplacés dans leurs villages », témoigne Jean, un volontaire français au service de l'Église irakienne, venu s'installer en juillet à Erbil.
Certains craignent aussi que l'aide massive apportée aux chrétiens par la communauté internationale ait créé une « culture de l'assistanat », dont il sera difficile de sortir.

Le poids économique de cette communauté a largement disparu avec l'exode de son élite. Et la question de l'égalité des droits pour tous les Irakiens, quelle que soit leur confession, est préoccupante.
« Nous prions pour l'unité et la réconciliation car sans elles, notre pays va retomber dans la guerre civile, et nous chrétiens avons tout à y perdre », témoigne Wael Ablahad, séminariste en costume noir et col romain. « Mais j'ai confiance : j'ai étudié à Mossoul et quand je serai ordonné prêtre l'an prochain, c'est à Mossoul que je souhaite être affecté pour servir l'Église. »

 

 

 

 

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