Je suis couturier et marchand de tissu. Mais depuis le début du ramadan, je n'ai plus de travail. La vie est extrêmement difficile dans tous les sens du terme. En me levant aujourd'hui, je me suis dit la même chose que tous les jours : le plus important, c'est de rester en vie ! Je dois ramener du pain à la maison. On a droit à six « rabta » de pain un jour sur deux. Nous sommes 4 à la maison. Il nous reste du riz, du boulgour et des pâtes. Je pars le matin jusqu'à 15h parfois pour essayer de trouver un peu de salade ou du persil.
Chaque jour, on se dit que la veille c'était mieux. Moi, en tant qu'homme, je peux supporter, mais pour les femmes et les enfants, c'est beaucoup plus difficile. Votre enfant meurt de faim devant vous, vous faites quoi ? Le problème n'est pas seulement le coût de la nourriture, c'est le manque. Même ceux qui peuvent payer 100 fois le prix ne trouvent rien. Je ne sais plus quoi faire dans cette situation. Les marchés sont vides.
Il n'y a pas de gaz, pas de mazout. Les gens brûlent des chaises en plastique pour en faire du fuel. On réutilise les poêles à bois, qu'on ne voyait plus depuis cinquante ans au moins. C'est devenu comme un micro-ondes. Il faut trouver du bois pour cuisiner. Bientôt, on devra se chauffer, comment fera-t-on ? L'hiver approche et on essaie d'anticiper, mais c'est difficile. Aujourd'hui, je suis passé chez un vendeur de bois. Il n'avait presque plus rien et ses prix sont incroyablement élevés. Je n'ai pas les moyens d'en acheter. Pourtant, c'est vital. Il faut bien faire cuire les quelques aliments que nous arrivons encore à trouver. On est obligés de brûler les sacs en plastique.
Avant, on ne pensait pas à toutes ces choses, mais avec la guerre, on se retrouve plongé des dizaines d'années en arrière. Trouver de l'eau est un défi. L'électricité, n'en parlons même pas. Pour recharger la batterie de mon téléphone, c'est tout un cirque. C'est pareil pour recharger une batterie sur laquelle brancher une ampoule. On vit dans le noir. Il n'y a rien à faire la nuit. Et il est pratiquement impossible de dormir à cause des bombardements. Chaque mouvement, chaque action est une souffrance au quotidien. Une lutte pour la survie. Beaucoup de gens ont besoin de se soigner, mais c'est quasiment impossible. Ça fait trois jours que je tente de trouver un médicament pour l'hypertension pour une personne âgée de 70 ans. En vain. Sans ce médicament, elle risque de mourir à tout moment. Chaque heure, on apprend la mort de quelqu'un. Je vous raconte notre vie, mais ce ne sont que des mots. Il n'y en a pas pour exprimer notre souffrance réelle. Si vous me racontez votre vie, je peux l'imaginer. Mais vous, vous ne pouvez imaginer la nôtre. Ce que je vous raconte n'est rien comparé à notre réalité.
Chaque soir, on se dit que le lendemain sera pire, mais que malgré tout on fera tout pour survivre.
Nous avons demandé à Jalal de nous transmettre des images représentant son quotidien
"Je vous parle d'Alep", les précédents témoignages :
XII- Nour, étudiante à Alep-Ouest : « Nous n'aurons jamais la même qualité de vie ailleurs »
VIII- Anouar Chehada, anesthésiste à Alep-Est : « Mon petit garçon a très peur des bombardements »
VI – Ismaël Alabdallah, Casque blanc à Alep : Nous avons pu trouver à manger aujourd'hui
IV- Abou el-Abed, combattant rebelle : Ma mère n’a jamais accepté que j’aille combattre
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ON VOIT COMMENT ALEP EST REDUITE EN DEBRIS PAR LE DECHAINEMENT DEMONIAQUE DE BERIAOURSOFF ET DE NERONLIONOFF...
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 40, le 29 octobre 2016