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Économie - Liban - Focus

La Sécurité sociale court après les arriérés de paiement de l’État

Selon la CNSS, l'État libanais lui doit encore plus d'un milliard de dollars. Mais ce problème chronique de financement est loin d'être le seul facteur qui entrave son efficacité.

L’État doit plus d’un milliard de dollars à la CNSS, selon le conseil d’administration de cette dernière. Photo Ibrahim Tawil

Prêt à débloquer 17 milliards de livres par an (11,3 millions de dollars) pour que le ministère de la Santé en charge prenne en charge 100 % des frais d'hospitalisation des patients de plus de 64 ans qui ne bénéficient pas de couverture sociale (une mesure appliquée depuis le 1er octobre), l'État libanais semble bien moins pressé de régler son ardoise auprès de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS).

Dans un communiqué publié le 17 octobre, le conseil d'administration de cet organisme a ainsi révélé que la dette totale de l'État à son égard jusqu'au 31 décembre 2015 s'élève à 1 608 milliards de livres (près de 1,1 milliard de dollars). « Il s'agit principalement des arriérés de cotisations sociales que l'État doit régler pour la couverture des salariés et retraités des institutions publiques et offices autonomes qui n'ont pas le statut de fonctionnaire ou encore des journaliers employés par les établissements publics », a expliqué à L'Orient-Le Jour la semaine dernière le directeur de la CNSS, Mohammad Karaki, sans préciser le nombre de bénéficiaires ni la période concernés. « À titre de comparaison, l'État transfère chaque année autour de 360 milliards de livres (près de 240 millions de dollars) pour couvrir les dépenses de la CNSS », poursuit-t-il. Une somme proche des montants qui figurent dans le projet de budget 2017 déposé au bureau du Conseil des ministres le 26 août par le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil.

 

(Pour mémoire : Pour le FMI, le Liban doit entièrement revoir son système de retraites)

 

Autonomie financière
Ce n'est pas la première fois que l'État prend du retard pour régler ses dettes à la CNSS. « Ce scénario se reproduit chaque année sans que cela n'ébranle le fonctionnement de l'institution », indique une source anonyme à la CNSS. « L'État a souvent du retard, mais il finit toujours par payer ses arriérés », rassure de son côté le président de la commission parlementaire de la Santé, le député Atef Majdalani, expliquant notamment cette situation « par le fait que le Parlement n'a pas voté de budget depuis 2005. »

De son côté, M. Karaki se contente de constater que « l'État n'a pour l'instant payé que 120 milliards de livres (80 millions de dollars) entre 2015 et 2016 sur le total de ses arriérés ». « En attendant, nous devons emprunter les sommes nécessaires pour financer les prestations sociales à la branche des indemnités de fin de service, une démarche qui coûte 70 milliards de livres par an (plus de 46 millions de dollar) en intérêts générés par ses emprunts », ajoute-t-il, sans souhaiter communiquer davantage de détails. « Une solution d'urgence qui ne fait, selon lui, que retarder le moment où la CNSS sera matériellement incapable de continuer à assurer les prestations sociales à ses adhérents. Dans son communiqué, l'organisme a ainsi appelé le Conseil des ministres, le ministère du Travail et celui des Finances à réagir. Contactés par L'Orient-Le Jour, aucune des institutions concernées n'a fait de commentaire sur ce dossier.

Créée par le décret n° 13955 du 26 septembre 1963, la CNSS fait partie des principaux organismes publics de protection sociale. La loi lui confère le statut d'institution autonome – sur les plans administratif et financier – et son budget est essentiellement alimenté par les cotisations sociales versées par les salariés et les employeurs (publics et privés, dont l'État) qui en dépendent et dont le montant forfaitaire est généralement fixé par le conseil d'administration de la Caisse. En retour, la CNSS verse des allocations sociales aux ménages les plus modestes, et paye les arrêts maladie, les congés maternité, les indemnités de fin de service, les accidents de travail et maladies professionnelles, des services gérés par différentes caisses autonomes.

 

(Pour mémoire : La santé au Liban : un système inégalitaire, financé essentiellement par les ménages)

 

Pas d'évolution
Si les retards de paiement de l'État peuvent empêcher la CNSS de remplir sa mission, ils ne constituent cependant pas l'unique facteur qui l'empêche de fonctionner normalement. « Tous les obstacles liés au fonctionnement de cette institution sont connus et la situation n'a pas évolué ces dernières années », lâche l'ancien ministre du Travail, Charbel Nahas, qui avait déploré en octobre 2011 que seulement « 15 % de la population active » soit inscrite à la CNSS.

Pour M. Majdalani, la majorité des difficultés proviennent du fait que l'ensemble des services de la CNSS ne sont pas informatisés, un handicap « qui compromet sa capacité à remplir sa mission et l'empêche de rationaliser ses coûts », analyse-t-il. « Les dossiers sont par exemple remplis à la main, ce qui rallonge considérablement les délais de traitement et favorise les erreurs », estime le député, avant de signaler que l'informatisation de l'ensemble des services de la branche locale de la CNSS à Dora a permis à cette dernière de diminuer son budget de 30 %. « M. Majdalani pointe également du doigt l'organisation de l'institution, que la loi a également dotée d'un conseil d'administration tripartite composé de représentants de l'État, du patronat et des salariés pour une trentaine de délégués au total (36 en principe, selon la loi) ». « Ce système paralyse la prise de décisions (par le biais du système de quorum, notamment) et politise le fonctionnement de l'institution », regrette-t-il, suggérant que « la diminution du nombre de délégués pourrait apporter un début de solution ».

Enfin, de nombreux adhérents à la CNSS reprochent à l'institution de sous-évaluer le prix des médicaments qu'elle est tenue de rembourser, une situation essentiellement due « à l'absence d'actualisation des barèmes utilisés pour calculer le montant des remboursements », révèle encore la source anonyme précitée.
Cette dernière évoque également « une corruption ambiante », citant notamment le cas d'entreprises qui jouent les intermédiaires entre la CNSS et ses adhérents. « Ces sociétés proposent par exemple à leurs clients de s'occuper des formalités relatives au paiement des cotisations sociales. Elles détournent ensuite l'argent confié par leurs clients et délivrent à ces derniers une fausse attestation émanant de la CNSS pour leur faire croire qu'il sont en règle », poursuit la source précitée. Dans un autre communiqué publié le 17 octobre, le conseil d'administration de l'institution avait assuré qu'il se préparait à porter cette affaire devant les juridictions compétentes.

Des dysfonctionnements reconnus par le conseil d'administration de la caisse, qui a décidé de coordonner avec l'Union européenne (UE) pour tenter d'y remédier. « Nous souhaitons faire intervenir un prestataire pour progressivement moderniser l'ensemble des services de la CNSS, un projet financé par l'UE et qui s'étend sur 4 ans », révèle M. Karaki, avant de préciser que « rien n'est encore fait ». Une information confirmée à demi-mot par la Délégation de l'UE au Liban, qui se contente d'espérer « une annonce dans les prochains jours. »

 

(Pour mémoire : Les commerçants veulent adhérer à la CNSS)

 

Le directeur de la CNSS accusé de dilapider l'argent public
Le directeur de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) a été notifié d'une plainte déposée par un citoyen à son encontre, par le juge d'instruction Fouad Mrad, qui lui a accordé jusqu'au 23 novembre pour réagir, a rapporté hier l'Agence nationale de l'information.

Selon des informations révélées par le quotidien al-Akhbar dans son édition de mardi, cette plainte déposée en juin devant les juridictions pénales s'inscrit dans le sillage d'une série de recours exercés par plusieurs associations de la société civile contre la direction de la CNSS. Elle est adressée à M. Karaki, en sa qualité de directeur de cette institution, ainsi qu'à « toutes les personnes dont la responsabilité serait établie par l'instruction. »

Selon le quotidien, l'objet de la plainte concerne une « négligence délibérée ayant provoqué d'importantes pertes de fonds publics, en raison d'un retard dans la mise en œuvre de la décision de financer l'achat de traitements anti-cancer et de médicaments ciblant certaines maladies mortelles directement auprès du fournisseur avec l'accord du ministère de la Santé ». Un accord qui remonte à 2008, selon le plaignant (dont l'identité n'a pas été révélée par le quotidien), et qui aurait provoqué le gaspillage de « 100 milliards de livres (66 millions de dollars) d'argent public en 6 ans. »
M. Karaki n'était pas disponible hier pour répondre aux questions de L'Orient-Le Jour sur cette affaire.

Prêt à débloquer 17 milliards de livres par an (11,3 millions de dollars) pour que le ministère de la Santé en charge prenne en charge 100 % des frais d'hospitalisation des patients de plus de 64 ans qui ne bénéficient pas de couverture sociale (une mesure appliquée depuis le 1er octobre), l'État libanais semble bien moins pressé de régler son ardoise auprès de la Caisse nationale de...

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Dites...y-a-t'il une seule fonction officielle dans ce beau pays qui ne soit pas gangrénée par la corruption ? Irène Saïd

Irene Said

15 h 34, le 26 octobre 2016

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Commentaires (1)

  • Dites...y-a-t'il une seule fonction officielle dans ce beau pays qui ne soit pas gangrénée par la corruption ? Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 34, le 26 octobre 2016

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