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Nos Lecteurs ont la Parole - Joumana DEBS NAHAS

Le dimanche au soleil

Les tunnels de Beyrouth souvent inondés, quand revient la saison des pluies, à cause de la crasse et des déchets qui s’y accumulent et qui dégagent des odeurs nauséabondes.

Dimanche matin. 16 octobre. Un climat qui fait rêver. Un été qui joue les prolongations. Une invitation au bien-être. Un soleil franc. Une petite brise, juste agréable. La plage à vingt minutes de chez soi. Le rêve. On démarre de Beyrouth le cœur léger, les cheveux au vent, la joie au ventre.
Puis il y a la route... Passage obligé par le tunnel Saëb Salam : l'odeur. L'indescriptible odeur. Une odeur de mort, la mort lente et sûre d'un pays qui étouffe. La mort lente et sûre d'un peuple qui ne sait plus se révolter, qui se résigne à son destin misérable et qui se réfugie dans l'idée réconfortante qu'au pire, il y a toujours l'ailleurs.
Les minutes sont longues, interminables, suffocantes. On ferme les vitres ? On les garde ouvertes ? Le résultat est pareil. Avec l'odeur, on ne fait plus qu'un seul corps. Un corps boiteux, macabre, sale, humilié, humiliant, massacré, accablé, poisseux. On regarde les enfants, devenus grands, d'un air mêlé de gêne et de honte : comment leur redire encore d'arrêter de rêver d'ailleurs ? Comment les convaincre encore de vouloir rester ? Quels bons mots allons-nous bien pouvoir trouver ?
La mémoire humaine est heureusement courte et sélective. Nous en sommes encore à nos questionnements existentiels que l'odeur a fini par passer. Ou bien nous y sommes-nous habitués ? Peu importe. Elle nous a enfin lâchés. On peut regarder la route... Regarder la route. Ce n'est pas certain que ce soit plus tendre que l'odeur qui vient de nous quitter.
Le Liban n'a jamais été si sale. Non pas que le Libanais ait toujours eu dans les gènes un sens inné du civisme, mais là, nous sommes bien au-delà du manque de civisme. Il s'agit de haine. Immodérée, caractérisée, étudiée, calculée. C'est qu'au pire, il reste l'ailleurs. Toute la route est jonchée des détritus les plus improbables. Tout y passe. On jette par-dessus bord mouchoirs (évidemment), canettes, sacs poubelles, cartons, papiers, cigarettes, mais aussi bidets, matelas, chaussures. Un dépotoir à ciel ouvert, par un beau dimanche ensoleillé d'octobre, sur la route de la plage.
Pendant ce temps, on s'agite du côté du palais de Baabda. On « commémore », toute honte bue, klaxons aounistes et drapeaux orange à l'appui, l'ignoble défaite du 13 octobre 1990. On rêve encore du trône inoccupé d'un pays qui a cessé d'exister depuis longtemps. On attend encore, revanchard, le Graal que l'on s'était promis depuis des décennies : voir enfin le Général occuper le palais en toute légalité.
Et l'on se surprend, en pleine pérégrination dans notre décor insalubre, à appeler de nos vœux, nous aussi, la nomination du Général à la présidence de la République. C'est dire l'ampleur du désespoir dans lequel on se trouve...
Puis on arrive au bout de notre voyage chargé d'émotions négatives. La plage. Un petit havre de paix. Une crique préservée, une mer propre comme par magie, un sable doré et fin, l'odeur de sauge sauvage, l'écume des vagues, la brise marine, un dimanche d'octobre et le soleil qui flirte encore avec nos peaux bronzées. Heureusement que l'homme a la mémoire courte et sélective : l'immersion est encore ce que l'on a inventé de mieux pour s'extraire au monde réel. Plonger dans la Méditerranée, celle-là même devenue pour beaucoup le seul chemin vers la liberté, l'unique porte vers l'ailleurs auquel on n'a pas fini de rêver : un bonheur simple encore accessible, même un 16 octobre.
Un bonheur auquel, curieusement, on se remet à rêver, que l'on se remet à convoiter ; un bonheur simple dont on ne guérit jamais, et dont le souvenir nous lacère, nous hante, nous habite ; un bonheur simple que l'on oublie de chérir, et dont on ne perçoit la valeur qu'une fois ailleurs.
Alors partir ? Rester ?
Partir, cela signifie bénéficier de terres propres, de réelles opportunités d'avenir ;
c'est choisir la tranquillité, l'État de droit, la fenêtre vers le monde. Mais c'est aussi abandonner, se déraciner et se condamner à être poursuivi par le fantôme d'interminables étés sous le doux soleil de la Méditerranée.
Rester, c'est accepter, se résigner, essayer de temps à autre de faire la différence, de construire un pays qui n'en a pas fini de naître et de renaître ; c'est être souvent frustré, meurtri, blessé. Mais c'est aussi goûter aux plaisirs simples que consent encore à nous laisser la terre de nos ancêtres. C'est aussi se dire qu'au pire, il y a toujours l'ailleurs...

Dimanche matin. 16 octobre. Un climat qui fait rêver. Un été qui joue les prolongations. Une invitation au bien-être. Un soleil franc. Une petite brise, juste agréable. La plage à vingt minutes de chez soi. Le rêve. On démarre de Beyrouth le cœur léger, les cheveux au vent, la joie au ventre.Puis il y a la route... Passage obligé par le tunnel Saëb Salam : l'odeur. L'indescriptible...

commentaires (1)

AH... CHERE MADAME... CE N,EST PLUS NOTRE LIBAN... MEME LES OISEAUX ONT PEUR DE SE HASARDER DANS SON CIEL ET LES POISSONS DANS SA MER... QU,EN RESTE-T-IL ? VOUS LE VIVEZ TOUS LES JOURS... LE CHAOS ET L,ANARCHIE ET LES ABRUTIS AUX PROFONDES POCHES QUI LE DIRIGENT ET NOUS DIRIGENT POUR PAITRE LES SALETES... LEURS SALETES...

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

14 h 40, le 27 octobre 2016

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Commentaires (1)

  • AH... CHERE MADAME... CE N,EST PLUS NOTRE LIBAN... MEME LES OISEAUX ONT PEUR DE SE HASARDER DANS SON CIEL ET LES POISSONS DANS SA MER... QU,EN RESTE-T-IL ? VOUS LE VIVEZ TOUS LES JOURS... LE CHAOS ET L,ANARCHIE ET LES ABRUTIS AUX PROFONDES POCHES QUI LE DIRIGENT ET NOUS DIRIGENT POUR PAITRE LES SALETES... LEURS SALETES...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    14 h 40, le 27 octobre 2016

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