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Liban - Vient de paraître

Dans « Les rides d’un rêve », les péripéties d’un exil

Dans son premier livre autobiographique, Layla Abi Samra, une Libanaise qui a fait sa vie en France, rouvre les pages de la guerre pour raconter un pan de son histoire.

« Les rides d’un rêve », de Layla Abi Samra.

Les rides d'un rêve, écrit par Layla Abi Samra et paru aux éditions L'Harmattan cette année, raconte avec poésie une vie marquée par le tumulte de la guerre civile, la précarité des conditions sociales et l'exil en France. L'auteure, dans ce premier roman, retrace l'histoire de Hiyam, des vergers de Chebaa à l'université de Lyon, en passant par le combat contre le marasme de la guerre. Ce récit qui raconte la réussite, l'ascension sociale, est également un récit de nostalgie, de rêves d'enfant qui se fanent peu à peu et se brisent.
Roman ou autobiographie ? Telle est l'une des premières questions qui effleurent l'esprit. En réalité, l'auteure semble bel et bien être la narratrice. Mais le livre n'est pas simplement le récit linéaire de la vie de Hiyam, il est le récit d'un pays, d'une génération, d'une situation sociale. Ce qui compte n'est pas tant la vie que ce qu'elle incarne.
L'ouvrage mêle donc le personnel et le social, la poésie du conte et la description minutieuse d'une réalité. Tout au long du livre, les tons, les styles s'entremêlent et se chevauchent. Le lyrisme poétique de l'intime côtoie la ferveur de l'analyse politique.
Au cours de la lecture, il suffit d'une métaphore pour s'évader dans un univers onirique, où la peur et la guerre sont incarnées dans l'esprit d'une petite fille – une « balançoire qui tantôt nous bascule vers la mort, tantôt vers des éclats de vie », un lit traversant le sol, fuyant les obus venus du ciel.
La peur est alors une chimère, un djinn échappé des contes orientaux, venu tourmenter les habitants de Chebaa et l'esprit de la narratrice. L'inégalité sociale est elle aussi incarnée dans des songes d'enfant – la narratrice, l'une des rares musulmanes pauvres d'une école privée chrétienne, rêve de première communion et collectionne des images de Jésus et de la Vierge.
Seulement, à l'instant suivant, une critique politique vient nous ramener au brutal enchaînement des faits politiques et sociaux. Peu à peu, Hiyam est prise d'un sentiment d'injustice, et l'adolescente effrontée dispute la place à la petite fille rêveuse, qui ne sera pourtant jamais écartée.
Cette jeune femme se révolte contre la guerre, contre les puissances extérieures, mais surtout contre son propre pays et contre l'avenir qu'il lui destine. Elle refuse traditions et religion, se cramponne à l'instruction afin que sa vie soit différente de celle de ses parents et de son milieu social. Pourtant, cette narratrice révoltée, que le Liban étouffe et oppresse et que la perspective de fuir laisse accrochée à sa table de travail comme à « une bouée de secours », chante une ode au pays et à ses origines.
Une ode à la sœur, avec qui la narratrice entretient une relation fusionnelle que l'exil viendra briser. Une ode à l'amant communiste et, à travers lui, une ode aux idéaux politiques brisés. Une ode à la mère surtout, illettrée mais combative, cherchant à modeler l'avenir de ses enfants à l'image de ses ambitions avortées. Cette mère absente de la vie personnelle de la narratrice, parfois sévère, mais dont le dévouement et le courage sont encensés. Un éloge du père aussi, dont « les racines sont ancrées dans chaque montagne, chaque vallée, chaque parcelle de terre », mais qui finit pourtant par s'exiler à Beyrouth, et dont l'horizon se limite dès lors à sa petite épicerie de quartier. Même le grand-père sévère, craint par tous, au tempérament « taillé à la serpe », est dépeint avec respect par la narratrice. Tout au long du livre, l'amour de la terre, de la nature, le désir latent d'un retour à une vie simple viennent contrebalancer le désir d'instruction et l'ambition.
Comme si finalement, après tant d'années, une fois fanés les ambitions et rêves de rébellion, s'était installé un mélancolique désir de retour.
De la même manière, après l'exil, le pays est passionnément retrouvé. « Telle une énorme vague de nostalgie », la narratrice « déferle sur la Méditerranée », « même l'odeur de la poudre » lui avait manqué. Mais ce qui lui avait manqué, c'était aussi cette fièvre politique et relationnelle, cette manière de toquer aux portes sans prévenir, cette anarchie sociale propre à la guerre.
L'analyse peut parfois paraître manichéenne – la France pays de solitude, le Liban pays de chaleur sociale –,
mais elle reflète la nostalgie propre à l'exil et à la perte de repères sociaux.
Au-delà de la nostalgie, ce livre est un questionnement. Il est le cri étonné que l'on lance au destin, lorsque entre le passé et le présent le gouffre devient trop grand : comment passe-t-on de Chebaa à Lyon, de l'anarchie des bombes et des relations sociales à la France, cette paisible et morne « autoroute de la paix » ?

Les rides d'un rêve, écrit par Layla Abi Samra et paru aux éditions L'Harmattan cette année, raconte avec poésie une vie marquée par le tumulte de la guerre civile, la précarité des conditions sociales et l'exil en France. L'auteure, dans ce premier roman, retrace l'histoire de Hiyam, des vergers de Chebaa à l'université de Lyon, en passant par le combat contre le marasme de la guerre....

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