Un « Borderland » aux confins du jazz et du folk arménien

Le jazz est le parent intellectuel de la musique, celui qu'on ne peut apprécier qu'en ayant au moins un bac +12, de grosses lunettes et dont le dernier film vu par ses aficionados est évidemment « le dernier Woody Allen ». Alors qu'en s'y intéressant un peu, il est rapide et facile de se rendre compte que derrière des atours de technicité, d'ambiance feutrée, d'art compliqué, il s'agit, en fait, d'un style musical toujours moderne, compréhensible, sensible et facile d'accès. Certes, on ne va passer sa soirée à danser sur Miles Davis, Duke Ellington ou Thelonious Monk, mais on peut faire beaucoup d'autres choses avec les standards du jazz en fond sonore. D'ailleurs, ses musiciens les plus connus ont vécu des vies dignes des rockers les plus dissolus et, comme les bières, chaque pays à son style de jazz. Beaucoup de musiques modernes ne cachent pas les influences importantes du jazz, comme le hip-hop et les millions d'extraits utilisés, volés pour rythmer les titres, jusqu'aux papes de la techno qui ont tous avoué leur amour pour cette musique, à l'instar de Laurent Garnier ou Jeff Mills.
Raffi Mandalian, lui, a une approche plus simple du jazz. Depuis ses 16 ans et la réception d'une guitare en cadeau, il n'a cessé de pratiquer et de choisir le jazz comme mode d'expression favori. Faute d'avoir essayé d'autres activités, d'autres études ? Non. C'est la guitare qui le démange, alors il gratte, et pas qu'un petit peu. Et c'est en 2004, avec l'album Jazz Samba de Stan Getz, encore un cadeau, qu'il est introduit au jazz, tout du moins sa version sensuelle et révolutionnaire brésilienne. Connaître le jazz par le biais de la bossa-nova, c'est comprendre tout de suite que cette musique se nourrit des autres, évolue, n'est pas figée et, surtout, que le rôle d'une guitare dans un orchestre jazz peut être important, grâce à la partition inoubliable de Charlie Byrd.

Figures de proue
La voie est pavée pour Raffi Mandalian. Ses études à l'Université Saint-Esprit de Kaslik lui apporteront la maîtrise et les diplômes, même si ces derniers ne sont pas nécessaires pour être un musicien hors pair. D'ailleurs, son master décroché à l'âge de 34 ans, en 2015, lui sert essentiellement à être lui-même professeur, de guitare et en musicologie, toujours à l'Usek.
Mandalian joue dans des groupes depuis 2005, et même si la scène jazz au Liban n'est pas forcement la scène la plus en avant médiatiquement, c'est une scène dont les figures de proue sont connues de tous. Les Rahbani, Arthur Satyan sont des artistes internationaux majeurs, et Mandalian va jouer avec eux, au Liban et à l'étranger, notamment en Arménie. En 2012, il fonde son groupe, le Raffi Mandalian Jazz Quartet, composé de lui-même à la guitare, d'une contrebasse, d'un saxophone et d'une batterie. Ses influences vont de Charlie Parker et Bud Powell à Wes Montgomery et Komitas, grand maître de la musique arménienne, dont des morceaux seront arrangés et joués pendant la performance de ce soir.
Ce concert, première grosse production pour le guitariste, lui donne l'occasion de présenter 8 morceaux, des compositions personnelles et des arrangements de musiques traditionnelles arméniennes. Accompagné d'une chanteuse, son quartette est multiplié par deux, jusqu'à devenir un ensemble de huit musiciens. Dont certains ont fait le voyage depuis Erevan pour cette soirée placée sous l'égide de l'ambassade d'Arménie.

*Ce soir, samedi 22 octobre, à la salle Pierre Abouhhater de l'USJ, rue de Damas, à 20h30. Les billets sont en vente sur place et au Virgin Megastore.