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Culture - Disparition

La ruche Guvder ne bourdonne plus...

John Guvdérelian, alias Guvder, (1923-2016).

Guvder, 93 ans, s'en est allé hier vers d'autres cieux. Il a emprunté le chemin vers d'autres pages à gribouiller, à éclabousser, d'autres matériaux à triturer.

John Guvdérelian est né en 1923. Après des études à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, il fait un passage obligé à l'époque dans l'Italie des arts, puis retourne à Beyrouth au début des années 60 où il fonde l'institut Guvder en 1963. Il enseigne à l'AUB pendant un certain temps puis rejoint les rangs de l'Académie libanaise des beaux-arts où il donne des cours jusqu'à la fin de ses jours.

Une école à lui seul, il laisse derrière lui une œuvre foisonnante, multiple et inspirée. Sculpteur et peintre, il restait surtout un dessinateur aux goûts et aux influences éclectiques. Éternel célibataire, « mais je suis marié depuis longtemps à l'art, à la peinture, à la sculpture ! Et mes tableaux, mes sculptures, mes œuvres, mes élèves sont mes enfants », disait-il avec spontanéité.
« Je n'ai pas eu que des moments beaux, car toute la vie est belle. Tous les jours, pour moi, c'est comme si je viens de naître », disait-il à notre collègue Edgar Davidian, qui l'avait rencontré dans son atelier il y a quatre mois de cela. Une rencontre empreinte d'une touche de poésie, mais aussi d'amertume, « Aujourd'hui, on ne comprend pas l'art, mais le dollar. On ne donne pas à l'art sa valeur ! Le travail ouvre des chemins comme ceux impénétrables de Dieu car l'art est un dieu ! »
L'inoxydable artiste faisait preuve d'un étonnant dynamisme et s'adressait en arménien à son chien Chocolat. Un chien qui est aujourd'hui orphelin, comme le monde de l'art au Liban, en Arménie et en général, qui pleurent un artiste prolixe à l'œuvre monumentale.

Dans un ouvrage intitulé Guvder, paru en 2012, Joseph el-Hourany soulignait qu'avec « comme seul outil insolite de dessin, la plume de roseau, les techniques et les conceptions de dessins chez Guvder sont dans un état constant d'évolution et de changement, se transformant sans cesse, créant toujours des figures neuves, de nouvelles solutions stylistiques ». L'auteur y témoignait ainsi « qu'il était impossible de ne pas être gagné par la poétique et la vigueur de ces lignes vivantes, provenant d'un homme simple et extrêmement modeste qui est demeuré tout au long de sa carrière fidèle à son art plutôt qu'à lui-même... »

L'Alba, où il a enseigné durant de nombreuses décennies, rendait récemment un hommage émouvant à l'artiste qui « a fait trembler les murs de l'académie du tonnerre de sa voix, de la fougue de son verbe, de la maîtrise de son geste, de l'éclat implacable de son œil acéré ». Et ses élèves et collègues d'attester de l'état de son atelier : « Véritable ruche bourdonnante, bruissante des mille chuchotements et cris de ces objets improbables qui y prennent corps, matières usuelles inanimées qu'il triture, façonne, détourne, assemble, unit et désunit, jusqu'à les rendre tellement vivantes, il est sans conteste le laboratoire victorieux d'un art unique, sans cesse revisité, renouvelé... après avoir bénéficié de l'enseignement de maître Guvder : on ne sort pas intact d'un pareil maelstrom de créativité. »

Le milieu artistique ne reste pas non plus intact après son départ. Guvder l'a définitivement marqué de son empreinte indélébile. Adieu l'artiste...

 

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