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Lifestyle - Un peu plus

Big Mother is watching you

Avant, il y a de cela pas très longtemps, on faisait le mur, l'école buissonnière, on mentait à nos parents, on disait qu'on dormait chez une copine alors qu'on était chez un copain, on rentrait une heure après le couvre-feu à la Cendrillon, ordonné par papa-maman. On falsifiait leurs signatures sur un mot d'absence, au bas d'un carnet de notes catastrophique, ou on passait le thermomètre au-dessus d'une ampoule chaude pour faire croire qu'on avait de la fièvre, parce qu'il y avait piscine. En gros, on bravait les petits interdits que l'on nous imposait et on se sentait forts.
C'est ce qu'on appelle l'adolescence. Chercher à affronter nos parents, à refuser ce qui était obligatoire, à ne pas dire (toute) la vérité. Apprendre à grandir. Passer à l'âge adulte et devenir un homme, mon fils ; une femme, ma fille. Et on savait quelles étaient nos limites. Ces limites qu'on aimait franchir, parfois.
Y a pas à dire, les choses ont (un peu) changé. D'une part, les ados ont plus de latitude et les parents sont plus permissifs, d'autre part, il est devenu bien difficile de faire une connerie sans se faire choper. Ce qui complique un peu les choses. Déjà, parce qu'un grand nombre de ces gamin(e)s sortent dès l'âge de 14 ans, boivent des shots de tequila dans des clubs où l'alcool devrait être interdit, rentrent à la maison à 2 heures du matin, font des rencontres sur l'app de Facebook qui gît sur leur smartphone hors de prix. Liberté absolue ?
Les brides ont été relâchées ?
Nous, on n'avait pas cette chance-là, pas d'ordis, pas d'Internet, pas de câble, ni de Netflix. Certes, mais nous, on pouvait boire des shots de tequila sans se faire gauler. Ensuite, parce que nous n'avions pas de téléphones portables, ni d'Instagram, de géolocalisateur et d'Internet grâce auquel l'école où nous étions transmettait nos (mauvaises) notes à nos parents. Eh oui, nos ados d'aujourd'hui sont traqués 24h/24. Grâce à Find my Phone (ou n'importe quelle app de tracking) qui localise leur téléphone et donc les situe sur une (Google) map. Un peu comme Flight Radar qui nous montre, on the spot, où se trouve l'avion qu'on attend depuis une demi-heure à l'AIB. C'est bien beau de pouvoir rentrer à 3 heures du matin quand maman sait exactement où vous êtes. Bien beau de pouvoir boire de l'alcool à un âge jeune, quand n'importe qui peut télésurveiller son appart directement depuis son téléphone. Bien beau de dire qu'on est chez Joanne alors qu'on est chez son petit ami, quand ledit petit ami poste sur Facebook ou Instagram une photo de nous enlacés devant une cheminée à Faraya (« Je croyais que tu étais à Verdun »). Bien beau quand on dit qu'on s'est couché tôt alors que notre last seen sur WhatsApp affiche 04h46.
Eh ben, ce n'est pas beau tout ça. C'est affreux en fait. Affreux parce que les restrictions n'ont plus rien à voir avec celles, nécessaires, pour qu'on puisse les violer avec bravoure. Nous sommes libres, mais épiés. Ce qui rend l'adolescence plus compliquée que ce qu'elle n'est déjà. Les (dé)limites des ados sont plus dangereuses qu'avant. Quand on n'a pas d'interdiction de rentrer tard, de conduire tôt, d'acheter cher, de boire beaucoup, alors on tient tête à quoi ?
À qui surtout ? On fait quoi si on a envie de dire « merde » à ses parents ? En dégéolocalisant son téléphone ?
En enlevant ce foutu last seen ? En les bloquant depuis Facebook ? Rien d'excitant. Rien à voir avec l'adrénaline de rentrer sur la pointe des pieds à 04h46, de défaire son lit en 5 secondes et de faire semblant de dormir si l'un des vieux a le sommeil léger. Rien à voir avec ce fou rire quand on avait réussi à sécher les cours sans que les parents l'apprennent par un simple petit message sur l'écran de leur téléphone. Rien à voir avec ce soulagement immense d'avoir fait passer la couleuvre du mauvais bulletin, en ne le montrant tout simplement pas puisqu'on a réussi à imiter parfaitement le paraphe illisible de son paternel.
Et le pire, c'est que tout ça ne sert à rien. Ni le tracking ni le copinage. Parce que même si les enfants entretiennent une superrelation avec leurs parents, parlent de tout, racontent tout. Parce que même si les parents sont cool ou au contraire ultra-intrusifs, les ados vont les défier. D'une manière ou d'une autre. Alors, autant que ce soit par un petit mensonge non découvert plutôt que par une ligne de coke.

Avant, il y a de cela pas très longtemps, on faisait le mur, l'école buissonnière, on mentait à nos parents, on disait qu'on dormait chez une copine alors qu'on était chez un copain, on rentrait une heure après le couvre-feu à la Cendrillon, ordonné par papa-maman. On falsifiait leurs signatures sur un mot d'absence, au bas d'un carnet de notes catastrophique, ou on passait le...

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